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Consommation de tabac parmi les adultes en 2020 : résultats du Baromètre de Santé publique France
Etude de Anne Pasquereau (anne.pasquereau@santepubliquefrance.fr), Raphaël Andler, Romain Guignard, Noémie Soullier, Arnaud Gautier, Jean-Baptiste Richard, Viêt Nguyen-Thanh
Santé publique France, Saint Maurice, France
Résumé
Introduction
La prévalence du tabagisme a diminué en France ces dernières années, avec la mise en place de plans nationaux de lutte contre le tabagisme. Mais la France, comme le reste du monde, a été touchée en 2020 par une crise exceptionnelle liée à la pandémie de Covid-19. L’objectif de cette étude est d’estimer la prévalence du tabagisme en 2020 et son évolution par rapport à 2019.
Méthodes
Les données proviennent du Baromètre de Santé publique France, enquête téléphonique sur échantillon aléatoire auprès de la population adulte résidant en France métropolitaine, menée entre janvier et mars, puis entre juin et juillet 2020, auprès d’un échantillon total de 14 873 individus.
Résultats
En 2020, plus de trois adultes de 18-75 ans sur dix déclaraient fumer (31,8%) et un quart déclaraient fumer quotidiennement (25,5%). Pour l’ensemble de la période couverte en 2020, la prévalence du tabagisme et du tabagisme quotidien ne varie pas significativement par rapport à 2019. Cependant, entre 2019 et 2020, la prévalence du tabagisme quotidien a augmenté de 29,8% à 33,3% parmi le tiers de la population dont les revenus étaient les moins élevés. Cette augmentation est essentiellement due à une hausse entre 2019 et début 2020, avant le premier confinement, une stabilisation étant notée en post-confinement. Les inégalités sociales restent ainsi très marquées en 2020, avec 15 points d’écart entre les plus bas et les plus hauts revenus.
Conclusion
Après une baisse du tabagisme en France métropolitaine de 2014 à 2019, la prévalence se stabilise en 2020. Dans un contexte de crise sanitaire, psychologique, économique et sociale inédite, un des enjeux est de réinstaller une tendance à la baisse, et de renforcer encore la lutte auprès des populations les plus vulnérables face au tabagisme, les inégalités sociales étant très marquées.
Introduction
La prévalence du tabagisme a diminué en France ces dernières années, passant de 28,5% de fumeurs quotidiens en 2014 à 24,0% en 2019. Le Programme national de réduction du tabagisme (PNRT) 2014-2019, puis le Plan national de lutte contre le tabac 2018-2022 (PNLT) ont vraisemblablement contribué à cette baisse, inédite depuis le début des années 2000. En 2020, on peut considérer qu’une partie des mesures phares du PNLT ont été mises en place, avec un paquet de cigarettes qui a atteint 10 €, et le remboursement à 65% par l’Assurance maladie de traitements nicotiniques de substitution (TNS) sur ordonnance, comme n’importe quel médicament, mesures qui ont montré leur efficacité pour réduire le tabagisme. L’objectif de la première génération sans tabac à l’horizon 2030 a été réaffirmé lors du lancement de la stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021-2030. La mesure annuelle de la prévalence tabagique fait partie des orientations données par les instances gouvernementales, en tant qu’outil de suivi de l’impact des politiques mises en place.
Malgré ces évolutions encourageantes, la prévalence reste très élevée en France et la mortalité attribuable au tabagisme, qui reflète la durée et l’intensité des consommations passées, a été estimée à 75 000 décès en 2015, soit 13% des décès survenus en France métropolitaine.
La France, comme le reste du monde, a été touchée en 2020 par une crise sanitaire et sociale exceptionnelle, liée à la pandémie de Covid‑19. Le premier confinement généralisé, décrété le 17 mars, a provoqué un bouleversement des modes de vie, avec des répercussions psychologiques, économiques, sanitaires et sociales et un impact sur la santé mentale et les comportements de santé. L’enquête CoviPrev, enquête sur Internet mise en place par Santé publique France pour suivre l’évolution des comportements et de la santé mentale pendant l’épidémie de Covid-19, démarrée deux semaines après le début du 1er confinement de mars 2020, a montré que, fin mars 2020, 55% des fumeurs n’avaient pas modifié leur consommation de tabac, 19% l’avaient diminuée et 27% l’avaient augmentée.
Qu’en est-il de la prévalence du tabagisme en 2020 ? L’objectif principal de cette étude est de l’estimer à partir du Baromètre de Santé publique France et de mesurer son évolution par rapport à 2019, ainsi que d’observer les tendances sur les dernières décennies. Un objectif secondaire imposé par le contexte de crise sanitaire de 2020 est d’étudier les évolutions entre le début de l’année 2020 avant le confinement, et la mi-2020 à la sortie de ce confinement. Pour plus de lisibilité, ce second objectif est présenté dans l’encadré ci-après.
Encadré :
Évolutions entre 2020 avant le 1er confinement (pré-confinement) et 2020 en sortie de 1er confinement (post-confinement)
Parmi les 18-75 ans, la prévalence du tabagisme avant le premier confinement (de janvier à mi-mars 2020) s’élevait à 32,7%, en hausse par rapport à la prévalence 2019 (30,4%, calculée sur l’ensemble du terrain allant de janvier à juin 2019, p<0,05). Puis elle a diminué en post-confinement (de juin à juillet 2020) pour revenir au même niveau qu’en 2019 (30,5%, p<0,05).
La prévalence du tabagisme quotidien n’a pas significativement varié entre 2019 (24,0%), le pré-confinement (25,6%) et le post-confinement (25,3%).
Des évolutions différenciées selon le niveau socio-économique ont cependant été observées :
–le tabagisme quotidien a augmenté parmi le tiers de la population ayant les revenus les moins élevés entre 2019 et le pré-confinement de 29,8% à 34,3% (p<0,05), puis s’est stabilisé lors du post-confinement (31,6%).
–Parmi les personnes dont le diplôme le plus élevé est équivalent au bac, la prévalence du tabagisme quotidien a augmenté entre 2019 et le pré-confinement (22,4% à 26,7%, p<0,05), avant de se stabiliser ensuite (27,0%).
Par ailleurs, la part de fumeurs quotidiens déclarant avoir fait une tentative d’arrêt au cours des 12 derniers mois était stable entre pré- et post-confinement. Le nombre moyen de cigarettes fumées par jour par les fumeurs quotidiens n’a pas varié significativement.
Conclusion
Après une baisse inédite du tabagisme en France ces dernières années, dans un contexte de lutte antitabac renforcée par des plans nationaux, une stabilité a été observée entre 2019 et 2020. Dans un contexte de crise sanitaire, économique et sociale inédite, un des enjeux sera de réinstaller une tendance à la baisse, et de renforcer encore la lutte contre les inégalités sociales face au tabagisme, qui sont encore très prononcées et semblent même marquer un rebond entre 2019 et 2020.