Article de Mme Cécile Rouden, publié par La Croix et lu sur le site Notre Temps le 5 juillet 2008 (cliquer ici pour accéder au texte original)
http://www.notretemps.com/article/index.jsp?docId=2345353
Pour parvenir à l’équilibre des comptes sociaux en 2011, le gouvernement a annoncé de nouvelles mesures d’économies pour l’assurance-maladie et une augmentation des cotisations vieillesse sur trois ans. Le gouvernement l’a promis : il veut que les comptes de la Sécurité sociale soient revenus à l’équilibre en 2011. Le principe en a été fixé dans le cadre de la conférence nationale des finances publiques, le 29 mai dernier. Une situation que le régime général n’a pas connue depuis 2001, à une époque où la forte croissance avait permis une embellie éphémère de sa situation financière. C’est pourtant l’une des conditions indispensables pour assurer le retour à l’équilibre des comptes publics en 2012, comme la France s’y est engagée vis-à-vis de ses partenaires européens.
Pour y parvenir, le gouvernement vient d’annoncer une série de mesures destinées à financer les branches retraite et maladie, qui restent structurellement déficitaires. Avec pour objectif de ne pas augmenter les prélèvements sur les salariés et les entreprises et de ne pas grever un pouvoir d’achat déjà en berne. Alors qui va payer ? Explications dans la suite de notre dossier...
Le plan de financement en quatre questions
1) Quelles sont les mesures annoncées pour financer les retraites ?
2) Comment le gouvernement compte-t-il redresser les comptes de l’assurance-maladie ?
3) Les assurés seront-ils épargnés ?
4) Faut-il s’attendre à d’autres mesures ?
1) Quelles sont les mesures annoncées pour financer les retraites ?
L’allongement de la durée de cotisation à quarante et un ans, annoncé au printemps, n’est pas suffisant pour parvenir à équilibrer les comptes de l’assurance-vieillesse. Comme le prévoyait déjà la réforme des retraites de 2003, une augmentation des cotisations est donc inévitable. Le ministre du travail, Xavier Bertrand, l’avait évoquée lors du rendez-vous sur les retraites avec les partenaires sociaux. Le premier ministre, François Fillon, l’a confirmée, mardi 29 juillet, dans un courrier qui leur est adressé, et en a fixé le calendrier.
Ce relèvement des cotisations se fera en trois ans, avec une première augmentation de 0,3 % en 2009, puis de 0,4 % en 2010 et de 0,3 % en 2011. Afin que ces nouvelles charges ne pèsent pas sur les salariés et les entreprises, le gouvernement avait envisagé une baisse du même montant des cotisations d’assurance-chômage, dont les comptes sont à nouveau excédentaires. Mais cette décision relève de la compétence exclusive des partenaires sociaux qui gèrent l’Unédic et doivent renégocier les paramètres du régime d’ici à la fin de l’année. Et le Medef a déjà affiché à plusieurs reprises son hostilité à cette mesure.
En annonçant le 29 juillet le calendrier de cette hausse, le premier ministre met donc les partenaires sociaux au pied du mur. Il leur appartiendra de faire en sorte que cette hausse se fasse ou non à prélèvement constant et soit donc indolore pour les Français.
Toutefois, celle-ci ne suffira pas à équilibrer les comptes du régime des retraites avant 2020. En attendant, la branche famille, qui est de nouveau excédentaire, sera mise à contribution. Elle devrait notamment prendre en charge les majorations de pension pour les parents de trois enfants, qui étaient jusque-là financées par l’assurance-vieillesse.
2) Comment le gouvernement compte-t-il redresser les comptes de l’assurance-maladie ?
Le déficit de l’assurance-maladie a déjà été réduit de moitié depuis 2005, mais il devrait encore atteindre 4,1 milliards d’euros à la fin de l’année. Les ministres de la santé et du budget, Roselyne Bachelot et Éric Woerth, ont donc annoncé mardi 29 juillet une série de mesures pour parvenir à l’équilibre de la branche en 2011.
L’essentiel des économies –2 milliards d’euros– proviendra du plan présenté par l’assurance-maladie fin juin, et qui consiste à poursuivre la maîtrise des dépenses de santé : baisse des prescriptions de médicaments, de transports sanitaires ou d’arrêts de travail ; baisse de certains tarifs de radiologie, biologie et prothèses ; baisse du remboursement de certains médicaments peu efficaces, limitation du nombre de séances de kinésithérapie et poursuite de la lutte contre les fraudes. Le remboursement des médecins consultés hors du parcours de soins sera également revu à la baisse.
Pour le reste, ce sont les mutuelles et assurances complémentaires qui seront principalement sollicitées à hauteur d’un milliard d’euros, par le biais d’une contribution. L’intéressement et la participation distribués aux salariés par les entreprises seront par ailleurs soumis à cotisations sociales, ce qui devrait rapporter 300 millions, et la branche accidents du travail compensera à hauteur de 300 millions les sommes indûment prises en charge par l’assurance-maladie.
Enfin, la Sécurité sociale devrait faire une économie de 400 millions d’euros sur les intérêts de la dette cumulée de l’assurance-maladie, qui s’élève à 9 milliards d’euros, en transférant celle-ci à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades).
3) Les assurés seront-ils épargnés ?
Officiellement, aucune mesure ne pèsera directement sur les patients ou sur les assurés. Ainsi, le gouvernement a renoncé à augmenter le ticket modérateur ou à modifier le remboursement de certaines dépenses pour les patients en affection de longue durée (ALD).
Toutefois, il n’est pas certain que la contribution demandée aux organismes complémentaires ne soit pas répercutée sur leurs tarifs. «On va tout faire dans cette période terrible pour le pouvoir d’achat des ménages les plus défavorisés pour essayer de ne pas répercuter, cette année, cette taxation nouvelle sur les mutuelles», a précisé sur RTL le président de la Mutualité française, Jean-Pierre Davant, prévenant néanmoins que «l’an prochain, on verra si c’est possible ou pas»
Par ailleurs, le transfert de la dette de l’assurance-maladie à la Cades devrait en toute logique se traduire par un prolongement dans le temps de la cotisation pour le remboursement de la dette sociale (CRDS). Instaurée en 1996, cette cotisation supplémentaire, qui va dans les caisses de la Cades, devait être prélevée à titre temporaire jusqu’en 2014. Or depuis 2004, il est prévu qu’elle continuera à être perçue jusqu’à l’apurement de la dette. À Matignon, on affirme que ce transfert sera «neutre en matière de cotisations», sans toutefois pouvoir expliquer précisément de quelle façon.
4) Faut-il s’attendre à d’autres mesures ?
Les prévisions de retour à l’équilibre établies par le gouvernement sont fondées sur des prévisions en termes de croissance, de niveau d’emploi et de dépenses qui ne sont pas toujours réalisées. Celles sur les retraites fixées à l’horizon 2020 se fondent par exemple sur un chômage à 4,5 %. On est encore loin du compte et il n’est pas impossible que de nouveaux besoins de financements apparaissent d’ici là.
L’amélioration récente des comptes de l’assurance-maladie s’explique par une meilleure rentrée des cotisations due à la baisse continue du chômage. Mais en raison du vieillissement de la population, le rythme d’augmentation des dépenses –environ 7 % par an– reste supérieur à celui des recettes. Et il n’est pas sûr que le plan annoncé hier suffise à assurer à long terme un retour à l’équilibre.
C’est pourquoi le gouvernement a prévu de présenter d’ici à la fin de l’année un projet de loi baptisé «Patients, santé et territoires». Il doit notamment moderniser la gestion de l’hôpital et rouvrir le débat, annoncé par Nicolas Sarkozy, sur ce qui doit être pris en charge par l’assurance-maladie et ce qui doit être pris en charge par les assurances complémentaires. Il pourrait donc se traduire par un nouveau transfert de charges vers les mutuelles et les assurances, et donc, au final, vers les assurés.