Editorial lu le 23 août 2008 sur le site du Monde (cliquer ici pour accéder au texte original)
http://www.lemonde.fr/opinions/article/2008/08/22/un-atout-pour-l-avenir_1086701_3232.html#xtor=EPR-32280156
Voilà une saisissante démonstration de notre schizophrénie nationale ! Les Français ne cessent de se plaindre des temps présents, redoutent l'avenir et craignent que celui de leurs enfants soit plus mauvais que le leur. Ils ont, pourtant, le taux de fécondité le plus élevé de l'Union européenne, faisant ainsi preuve d'une belle confiance dans les temps futurs. Cette divergence entre le parler négatif - un éternel lamento - et le faire positif - une solide libido - constitue une caractéristique nationale qui ne cesse d'étonner.
Paradoxal mais bénéfique. Ce pragmatisme du peuple français constitue son meilleur atout pour préparer son avenir. Il n'est de puissance que démographique. Ce qu'Alfred Sauvy enseignait, les géants chinois, indien ou brésilien nous le démontrent tous les jours. Ils doivent leur développement à leur population.
Pour la première fois depuis trente ans, les femmes françaises font deux enfants en moyenne, d'après les statistiques de 2006 que publie aujourd'hui l'Insee. Nous sommes, certes, loin des 2,6 de l'après-guerre, durant le "baby-boom", mais cette performance nous donne la médaille d'or en Europe. L'Irlande est seconde, avec 1,93, les pays du Nord, comme la Suède, font 1,85 enfant par femme, l'Allemagne remonte un peu (c'est une révolution outre-Rhin), mais reste à 1,37, et le déclin des pays latins est impressionnant.
La fécondité française trouve d'abord son origine dans l'ensemble des dispositifs "natalistes" d'aides aux familles (allocations, crèches, etc.), coûteux mais payants. Elle résulte aussi de l'évolution des techniques et des moeurs : les femmes font de plus en plus d'enfants parce qu'elles en font jusqu'à un âge plus tardif ; elles les font de plus en plus souvent en dehors du cadre traditionnel du mariage. Cela impose d'ailleurs d'adapter les aides pour tenir compte de ces situations nouvelles, notamment celles des femmes seules, dont les difficultés s'accroissent.
Reste que la démographie française et, plus encore, européenne est insuffisante pour enrayer le déclin des populations sur le long terme. Les Etats-Unis nous apprennent que seule l'immigration peut assurer l'avenir. En France, le solde migratoire stagne en 2006. Le vrai débat démographique est là.