http://www.senat.fr/questions/base/2016/qSEQ16100980G.html
Question d'actualité au gouvernement n° 0980G de M. Joël Labbé (sénateur du Morbihan)
Chaque semaine nous apporte son lot d'alertes dans le champ de l'alimentation, qui est intimement lié à celui de la santé.
Avant-hier, un grand quotidien titrait : « Un bol de pesticides pour votre petit-déjeuner ». L'association Générations Futures venait, en effet, de publier les conclusions d'une étude des plus sérieuses, qui présentait les résultats accablants d'une série d'analyses portant sur un produit de plus en plus présent sur la table du petit-déjeuner, le muesli.
Ce mélange de fruits desséchés et de céréales est particulièrement prisé des parents soucieux d'apporter à leurs jeunes enfants une alimentation équilibrée, variée et riche en vitamines. Les adolescents et les femmes enceintes sont souvent friands de ce produit a priori au-dessus de tout soupçon en termes de qualité.
En fait, selon cette étude, quelque 100 % des échantillons de muesli non bio contiennent une quantité importante de résidus de pesticides, reconnus notamment comme étant des perturbateurs endocriniens. Au passage, l'analyse des échantillons à base de produits bio démontre que ceux-ci en sont indemnes.
La concentration moyenne des résidus décelés est de 0,177 milligramme par kilo. Cela peut sembler très faible, mais c'est pourtant 354 fois la concentration maximale admissible dans l'eau de boisson pour l'ensemble des pesticides !
Pourquoi ces produits sont-ils autorisés ? Tout simplement parce que la limite maximale de résidus, la LMR, c'est-à-dire la norme qui s'applique aux aliments, fixe une limite admissible pour chaque substance et chaque type d'aliment et qu'il n'y a pas de limite globale de résidus, comme pour l'eau de boisson. Ainsi n'est-il tenu aucun compte des potentiels « effets cocktail ». Cela laisse la possibilité de multiplier à l'infini le nombre de substances résiduelles.
Madame la ministre, la Commission européenne a publié, avec près de trois ans de retard, sa définition des perturbateurs endocriniens. Celle-ci est beaucoup trop restrictive, de l'avis même de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, l'ANSES, notre propre agence de sécurité sanitaire, qui propose, quant à elle, une définition bien plus ambitieuse.
Dès lors, pouvez-vous nous dire quelle sera la position défendue par la France à Bruxelles, afin d'obtenir une réglementation européenne à la hauteur des enjeux de santé publique et de l'attente de nos concitoyens ?
Réponse du Ministère des affaires sociales et de la santé publiée dans le JO Sénat du 14/10/2016 p. 14985
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Vous avez évoqué, monsieur le sénateur, une étude sur le muesli qui peut conduire à se poser un certain nombre de questions et provoquer des inquiétudes, dans la mesure où ce produit est largement consommé, comme vous l'avez souligné.
Il s'agit de s'assurer que nous pouvons limiter l'exposition de nos concitoyens, en particulier celle des populations les plus sensibles, aux perturbateurs endocriniens. En tant que ministre de la santé, je me suis fortement impliquée dans ce dossier. Ainsi, ont été introduites dans les lois de santé des dispositions en ce sens, visant notamment à interdire le bisphénol A, d'abord dans les contenants, puis dans les jouets ou les amusettes.
Vous avez également évoqué le travail engagé au niveau européen.Il est vrai que le projet qui émane de la Commission européenne n'est pas satisfaisant, car il propose une définition trop restrictive des perturbateurs endocriniens. Voilà pourquoi j'ai porté à Bruxelles une proposition différente.
J'ai reçu voilà quelques jours, à Paris, le commissaire européen chargé de la santé. Je lui ai indiqué que les travaux de l'ANSES, que vous avez cités, nous permettaient d'être plus ambitieux et que nous souhaitions que la définition adoptée à Bruxelles aille plus loin que celle envisagée actuellement.
La position de la France va donc dans le sens d'une définition plus ambitieuse, par la Commission européenne, des perturbateurs endocriniens.
Pour ce qui est des pesticides et du problème spécifique lié à l'alimentation que vous avez soulevé, j'ai décidé, avec Stéphane Le Foll et Ségolène Royal, de saisir l'ANSES, afin qu'elle nous propose des critères permettant de prévoir une limite maximale globale pour tous les pesticides présents dans l'alimentation, comme cela existe pour l'eau. Il n'y a pas de raison que les normes applicables à l'eau que nous buvons soient plus strictes que celles qui portent sur les aliments que nous mangeons !
Vous le voyez, monsieur le sénateur, nous sommes pleinement mobilisés, parce qu'il y va de la santé de nos concitoyens.