http://www.senat.fr/questions/base/2018/qSEQ181107525.html
Question écrite n° 07525 de M. René Danesi (sénateur du Haut-Rhin)
René Danesi attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur les conditions dans lesquelles sont vendus des séjours dits « tout compris » par les tours opérateurs aussi bien dans le cadre d'agences de voyage appartenant à des réseaux réputés que sur des sites internet spécialisés.
En effet, il apparaît que dans le descriptif de ces séjours, les tours opérateurs n'hésitent pas à proposer à leurs clients potentiels des suppléments d'un montant non négligeable, correspondant à des prestations bien définies. Il peut s'agir, par exemple, d'une chambre avec vue sur la mer, de la réservation de transats sur la plage qui correspond à l'hôtel, etc.
Il n'y aurait rien à y redire si ces prestations étaient effectives. Malheureusement, la plupart du temps, il s'agit purement et simplement d'une tromperie : l'hôtel ne dispose d'aucune chambre donnant sur la mer, la plage de l'hôtel est publique et ne dispose d'aucun service de réservation de transats et encore moins d'un espace réservé…
Le client ainsi abusé ne dispose d'aucun recours, le prestataire et le tour opérateur faisant la sourde oreille. De guerre lasse, il renonce à se défendre et ne porte pas plainte. Ainsi, de telles pratiques peuvent perdurer en toute impunité et piéger indéfiniment les futurs clients non avertis.
Il lui demande, par conséquent, de lui indiquer si des contrôles existent déjà ou, dans le cas contraire, ce qui pourrait être envisagé afin de mettre un terme à ces pratiques malhonnêtes.
Réponse du Ministère de l'économie et des finances publiée dans le JO Sénat du 14/03/2019 p. 1424
La loi prohibe les pratiques commerciales déloyales, c'est-à-dire celles qui sont agressives ou trompeuses pour le consommateur. Le code de la consommation distingue deux sortes de pratiques commerciales trompeuses : les actions trompeuses et les omissions trompeuses. Dans les deux cas, le consommateur est incité à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise en d'autres circonstances.
Ainsi, le professionnel, qui a vendu un produit touristique intégrant des prestations inexistantes (par exemple, une chambre avec vue sur la mer alors que l'hôtel n'en dispose pas), engage sa responsabilité au titre de ces dispositions légales. Il pourrait ainsi être sanctionné pour action trompeuse (L. 121-2 du code de la consommation) c'est-à-dire une pratique commerciale qui « repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants : (…) l'existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ; les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l'usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service (…) ».
Il pourrait également être condamné pour omission trompeuse (L. 121-3 du code de la consommation), c'est-à-dire une pratique commerciale qui « omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë (…) une information substantielle » (telle que le caractère public d'une plage où la place de transat est louée).
La pratique commerciale trompeuse peut être sanctionnée par une peine d'emprisonnement de deux ans et une amende de 300 000 euros, ainsi qu'à des peines complémentaires comme l'interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle. En cas de condamnation, le tribunal peut ordonner l'affichage ou la diffusion de la décision ainsi que la diffusion, aux frais du condamné, d'une ou de plusieurs annonces rectificatives.
En outre, le droit français prévoit une protection renforcée du consommateur, qui peut s'adresser uniquement au professionnel qui lui a vendu un forfait touristique pour réclamer réparation de son préjudice, même si celui-ci relève du prestataire. Le professionnel qui vend un forfait touristique engage en effet sa responsabilité de plein droit, dans l'exécution des services prévus par le contrat, qu'ils soient exécutés par lui-même ou par d'autres prestataires.
Depuis le 1er juillet 2018, de nouvelles dispositions transposées dans le code du tourisme par l'ordonnance n° 2017-1717 ont précisé le cadre applicable. Si le consommateur constate durant son voyage avoir payé pour une prestation inexistante, il peut se retourner contre le professionnel qui lui a vendu la prestation. Le voyageur est ainsi en droit de demander une réduction de prix, voire des dommages-intérêts si l'organisateur ne remédie pas à la non-conformité d'un service de voyage. Enfin, lorsqu'une non-conformité perturbe considérablement l'exécution d'un voyage et que le professionnel n'y remédie pas dans un délai raisonnable, le voyageur peut résoudre le contrat sans payer de frais de résolution et demander une réduction de prix et des dommages et intérêts.
Lorsque le professionnel ne respecte pas ses obligations, le consommateur peut saisir la direction départementale de la protection des populations (DDPP) dont il relève, ou la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) selon le cas, en lui adressant tous les documents utiles à l'examen de cette pratique. Les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes pourront alors constater un manquement ou une infraction et envisager des suites proportionnelles au type d'infraction.
Le consommateur a également le droit de faire gratuitement appel à un médiateur de la consommation en vue d'un règlement à l'amiable du litige. Il peut exercer ce droit dans un délai maximal d'un an à compter de la date d'une réclamation écrite préalable auprès du professionnel à qui il s'oppose. Enfin, il est possible de saisir le juge du tribunal d'instance compétent pour résoudre le litige par la voie contentieuse.
Par ailleurs, les services de contrôle de l'État demeurent vigilants au respect par les professionnels du tourisme de leurs obligations. Ils procèdent régulièrement à des enquêtes dans ce secteur, notamment dans le cadre de l'opération interministérielle vacances qui se déroule chaque année.