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spéculation et matières premières (31 03 2008)

La spéculation chamboule les prix des matières premières

Article de Mme Claire Gatinois et M. Alain Faujas lu le 29 mars 2008 sur le site du Monde. http://www.lemonde.fr/economie/article/2008/03/28/la-speculation-chamboule-les-prix-des-matieres-premieres_1028439_3234.html#ens_id=628862

 

Le prix du riz a bondi de 31 % en une journée, jeudi 27 mars, passant de 580 à 760 dollars, les stocks étant tombés au plus bas depuis 1976. L'Inde, l'Egypte, le Vietnam et le Cambodge ont annoncé qu'ils suspendaient leurs exportations de riz au moment où les Philippines en cherchaient désespérément 500 000 tonnes sur le marché.

Les spéculateurs ont sauté sur l'occasion, comme ils ne cessent de le faire pour le blé, l'or, le pétrole ou les carcasses de porc dont les cours fluctuent de plus en plus brutalement. "On ne sait plus où on en est, s'alarme Hervé Le Stum, directeur de l'Association générale des producteurs de blé (AGPB). Depuis quelques semaines, les prix font les montagnes russes (sur les marchés de céréales) au Kansas, à Chicago ou à Minneapolis."

 

L'origine de ces mouvements erratiques ne se trouve pas seulement dans les inquiétudes liées à la crise financière et à la conjoncture internationale, mais aussi dans l'activité d'une poignée de fonds spéculatifs (hedge funds). En particulier, les fonds dits "systématiques ou CTA - pour Commodities Trading Adviser", indique Cyril Julliard, président d'Eraam, un fonds de fonds spéculatifs. Les plus importants gèrent entre 10 à 12 milliards de dollars.

De quoi peser sur les cours de ces marchés très étroits par comparaison avec les marchés d'actions. Entre 8 % à 10 % de la variation des prix des matières premières leur sont aujourd'hui attribués."Les fonds sont partout où existent des contrats à terme", indique Eric Le Coz, gérant chez Carmignac Gestion. Les contrats à terme permettent à ces financiers d'investir sans se faire livrer physiquement la marchandise.

La présence de ces "CTA" pèse d'autant plus sur les prix qu'ils "n'ont pas d'états d'âme", indique M. Le Coz. A l'achat comme à la vente, "ils s'engouffrent sur le marché", ajoute-t-il. Ils s'exonèrent de l'éventuelle réserve du négociant, car l'achat ou la vente sont déclenchés par des calculs mathématiques ou par les premiers signaux de vente. Le franchissement de seuils "psychologiques", comme le prix de 100 dollars pour le baril de pétrole ou de 1 000 dollars pour l'once d'or début mars, les a laissés de marbre. Les "CTA" ont pris leurs bénéfices deux semaines plus tard. Après une action de la Réserve fédérale américaine et une série de nouvelles rassurantes de la part de banques américaines, les investisseurs ont cru que la crise des subprimes aux Etats-Unis était contrôlée, et le dollar s'est redressé. Ce signal a eu un effet domino. La remontée de la monnaie américaine a provoqué la baisse des cours du pétrole, entraînant les prix des autres matières premières."Les investisseurs institutionnels achètent souvent des indices globaux qui associent un peu artificiellement les cours de différentes matières premières", explique Noël Amenc, professeur de finance à l'Edhec et spécialiste des fonds spéculatifs.

Les fonds ne sont pas seuls responsables de ces fluctuations, car "ils achètent une tendance", explique M. Amenc. "Ils accentuent les mouvements et leur brutalité sans en modifier l'évolution", précise Jean-Claude Petit, responsable de la gestion actions chez Barclays AM. Sur les matières premières, la plupart ont détecté la martingale il y a deux ans.

La croissance explosive des pays émergents, notamment de l'Inde et de la Chine, très consommatrices d'hydrocarbures, de céréales ou de minerais, a gonflé la demande que la production peine à satisfaire. La crise a ensuite attiré de nouveaux fonds, ceux qui désertent les autres titres financiers, devenus trop risqués. Entre janvier et février, le volume des contrats sur les produits à terme concernant les matières premières à Londres a bondi de 65 % à 70 % par rapport à la même période en 2007. Soja, colza ou maïs sont ainsi devenus des produits financiers presque au même titre qu'une action ou une obligation. Au grand dam des industriels et des consommateurs, qui souffrent des niveaux de prix dopés par cette spéculation.

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