Article de M. Arnaud Leparmentier lu le 7 décembre 2008 sur le site du Monde (cliquer ici pour accéder au site du Monde)
http://www.lemonde.fr/politique/article/2008/12/06/que-cachent-les-milliards-de-la-relance_1127631_823448.html#xtor=EPR-32280154
Les chiffres donnent le vertige. Cet été, il paraissait impossible de dénicher 1,3 milliard d'euros pour financer le revenu de solidarité active (RSA) de Martin Hirsch.
Mi-octobre, Nicolas Sarkozy concoctait un plan de sauvetage des banques mirobolant de 360 milliards d'euros. Et jeudi 4 décembre, il annonce un plan de relance de 26 milliards d'euros.
1,3 ; 360 ; 26 : fausse monnaie, vrai argent, comment démêler l'écheveau ?
Il n'y a pas de doute sur le plan de relance : des espèces sonnantes et trébuchantes vont être injectées sur deux ans dans l'économie. La preuve, les déficits publics vont gonfler de 15,5 milliards d'euros en 2009 !
Ainsi, les 11,5 milliards d'euros de dettes fiscales que l'Etat va rembourser aux entreprises seront versés dès le début 2009. Certes, il s'agit d'un effet de trésorerie, d'un fusil à un coup, mais il réduira le besoin de financement des entreprises. Un peu comme si les locataires étaient remboursés de leur caution, qui est, en pratique, bloquée jusqu'à la fin du bail. S'y ajoutent les 10,5 milliards d'euros d'investissements publics.
Le mérite de ces travaux, c'est qu'ils ne seront pas "grands" et pourront être engagés immédiatement : la dépense sera en partie budgétaire (6,5 milliards investis par l'Etat et les collectivités locales) tandis que 4 milliards d'euros, investis par les entreprises publiques, n'apparaîtront pas dans les déficits. S'y ajoutent 4 autres milliards consacrés aux chômeurs, aux plus démunis, ainsi qu'à deux secteurs en crise : le BTP et l'automobile.
Le plan présenté à Douai a une particularité : le gouvernement espère ne pas avoir à dépenser après-demain ce qu'il va dépenser en 2009. C'est certain pour les remboursements fiscaux aux entreprises ; c'est possible pour les investissements publics, même s'il se trouvera toujours des ministères pour présenter de nouveaux projets. Il n'y aura quasiment pas de droit acquis à la dépense. C'est sage dans un pays vice-champion du monde des dépenses publiques (53,5 % du produit intérieur brut), même si certains jugeaient plus pertinent de soutenir la consommation des classes moyennes ou des plus pauvres.
Le soupçon d'inanité du plan vient de là, et se nourrit d'un précédent : le sauvetage des banques. Pour frapper un grand coup, Paris avait avancé le chiffre de 360 milliards d'euros.
Les pouvoirs publics ont tenté d'expliquer qu'il s'agissait essentiellement de garanties (320 milliards d'euros), déboursées uniquement en cas de faillite ; que les 40 milliards d'euros prévus pour renforcer les fonds propres des banques ne le seraient pas à fonds perdu et que seuls 10,5 milliards d'euros ont, pour l'instant, été utilisés.
Rien n'y fait : accusé hier d'avoir donné des milliards aux banques, Nicolas Sarkozy est soupçonné aujourd'hui de proposer une relance fictive.
Sur ce point, la comparaison entre les 26 milliards annoncés à Douai et le 1,3 milliard qui manquait à Martin Hirsch est édifiante. En trois mois, la crise a fait passer le gouvernement d'une culture de rigueur à une culture de relance.
L'ennemi d'hier, c'était la dette et l'inflation. L'ennemi d'aujourd'hui, c'est la dépression. L'impossible est devenu possible. Ou presque. Car Nicolas Sarkozy, qui dénonce la culture de l'assistanat, rechigne à faire grossir l'Etat-social.
L'ordre de grandeur des coups de pouce en faveur des plus démunis n'a guère bougé. Jeudi, il a annoncé une prime de 200 euros pour les 3,8 millions de foyers éligibles au RSA, soit un coût de 760 millions d'euros. Moitié moins que la rallonge obtenue cet été par le haut-commissaire aux solidarités actives.