Article de M. Vincent Collen publié le 17 avril 2009 sur le site des Echos (cliquer ici pour accéder au site des Echos)
http://www.lesechos.fr/info/france/4855030.htm?xtor=EPR-1000
A partir du dimanche 19 avril 2009, les infirmières libérales ne pourront plus s'installer où elles veulent, dans les zones comme le Midi ou la Bretagne. Des aides entrent aussi en vigueur pour les inciter à travailler dans les territoires qui manquent de praticiennes.
Le samedi 18 avril est à marquer d'une pierre blanche dans l'histoire du système de santé français. Pour la première fois, une profession libérale de santé exerçant des soins, en l'occurrence les infirmiers et infirmières, accepte de limiter sa liberté d'installation afin de corriger des déséquilibres démographiques susceptibles de mettre en danger le principe d'égalité d'accès aux soins. C'est demain qu'entre en vigueur l'accord signé il y a six mois entre les syndicats d'infirmiers libéraux et l'assurance-maladie. En échange d'une revalorisation des tarifs de 5,3 %, l'installation des professionnels sera strictement régulée dans certains territoires.
Dans les zones considérées comme « très surdotées », une infirmière ne pourra s'installer que si une autre professionnelle cesse son activité. Elle devra apporter la preuve à la caisse primaire d'assurance-maladie qu'elle remplace un départ. Concrètement, cela reviendra à racheter la clientèle de sa collègue partante.
Dans les zones « très sous-dotées », des mesures d'incitation à l'installation et au maintien d'activité entrent aussi en vigueur demain : l'assurance-maladie subventionnera l'équipement du cabinet, dans la limite de 3.000 euros par an pendant trois ans. « Cela permettra notamment d'aider à financer un véhicule, premier poste de dépense pour la profession dans certaines zones », se félicite Philippe Tisserand, président du syndicat FNI.
Des disparités criantes
La Sécurité sociale prendra aussi à sa charge une partie des cotisations d'allocations familiales. En contrepartie, l'infirmière signera un contrat par lequel elle s'engagera à favoriser la vaccination contre la grippe, ou encore à suivre les patients atteints de maladies chroniques comme le diabète.
Ces dispositions seront-elles suffisantes ? Une évaluation sera faite en 2011. Les disparités de répartition des infirmiers libéraux sont particulièrement criantes. Leur densité varie de 1 à 6 selon les régions. On compte jusqu'à 330 professionnels pour 100.000 habitants dans les départements du pourtour méditerranéen, contre moins de 70 en banlieue parisienne ou dans la Marne.
Une concurrence exacerbée
Pour l'assurance-maladie, une densité trop forte dans certains territoires entraîne une inflation des dépenses. « Même si on tient compte des spécificités de population, il y a un lien évident entre l'offre et la demande », explique un responsable. Les remboursements de soins infirmiers progressent bien plus vite que les autres dépenses de santé. Ils ont dépassé les 3 milliards d'euros l'an dernier. Pour les infirmiers eux-mêmes, « la situation dans les zones surdotées était devenue insupportable », juge Philippe Tisserand. Une concurrence exacerbée met leurs revenus sous pression et conduit parfois « à des pratiques qui frisent la publicité ».
Paradoxe : la perspective de l'entrée en vigueur de l'accord a probablement encore accentué les écarts entre les régions. Les installations en libéral ont en effet été particulièrement nombreuses l'an dernier. On comptait, fin 2008, plus de 66.900 professionnels, selon la FNI, qui reprend les données de la caisse de retraite des auxiliaires médicaux. Soit une augmentation de plus de 5 % en un an.
« Nous n'avons pas encore de données précises, mais il semble clair que les installations ont été beaucoup plus nombreuses dans les zones déjà bien dotées », affirme Philippe Tisserand. « Dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, les installations ont progressé de 10 % à 15 % depuis la signature de l'accord il y a six mois », confirme Thierry Munini, président de la FNI pour le Vaucluse.