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Urgence médicale en milieu rural (28 09 2012)

Question de sénateur et réponse ministérielle publiées le 18 juillet 2012 sur le site du Sénat (cliquer ici pour accéder au site du Sénat)

http://www.senat.fr/questions/base/2012/qSEQ12051615S.html


Question orale sans débat n° 1615S de M. Jean Boyer (sénateur UCR de Haute-Loire)

M. Jean Boyer. Je pense depuis plusieurs semaines à soulever le problème de la démographie médicale en milieu rural, auquel je sais que je ne suis pas le seul à être confronté.

Les perspectives à court et à moyen terme sont inquiétantes. Afin de positiver certains messages, on peut bien remplacer le qualificatif « désert » par celui d'« oasis » - ce qui, reconnaissons-le, est psychologiquement plus porteur -, mais le problème reste le même au niveau de la réalité du terrain.

Certes, cette situation quotidienne ne date pas des derniers mois. Mais le fait est qu'elle s'amplifie régulièrement. Ainsi, si le nombre de médecins n'a jamais été aussi élevé en France, sa hausse a été moins rapide que l'augmentation de la population. Dans ces conditions, comment inciter les médecins à venir sur nos territoires et à bénéficier des atouts du monde rural ?

L'aménagement du territoire, c'est d'abord donner au monde rural une parité humaine et sociale, donc aussi médicale.

N'y a-t-il pas une contradiction fondamentale à vouloir maintenir à domicile dans la France profonde nos aînés, voire nos personnes handicapées, si nous n'assurons pas leur sécurité sanitaire ?

Un service d'urgence situé parfois à plusieurs dizaines de kilomètres n'est vraiment pas rassurant, particulièrement en zone de montagne. Outre un indiscutable surcoût, le transfert des patients occasionne un risque médical aggravé par la longueur du trajet ou les difficultés d'accès au cœur des villes.

Madame la ministre déléguée, est-il possible, par des conventions contractualisées, d'assurer une présence médicale concrète dans nos zones à faible densité, qui sont aussi souvent des zones de revitalisation rurale ? Leurs habitants les plus âgés n'ont aujourd'hui pas d'autre solution que le repli sur une maison de retraite. Quelle nature de convention pourrait-on légalement établir entre les collectivités territoriales et les futurs médecins pour inciter et non contraindre ?

Je sais que vous en avez conscience, la présence médicale de proximité est la première priorité de la France rurale. Elle vient avant la présence des pompiers et de la gendarmerie. On souhaite d'abord pouvoir rester en sécurité et avoir un médecin. C'est pourquoi je souhaite connaître l'orientation du Gouvernement et savoir quelles mesures il compte proposer dans ce domaine.

Le monde rural est une chaîne avec des maillons complémentaires. La présence médicale est un maillon incontournable, qui doit être pris en compte pour l'avenir de nos territoires.

Réponse du Ministère chargé de la famille publiée dans le JO Sénat du 18/07/2012 p. 2171

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Monsieur le sénateur, je me permets d'excuser à nouveau l'absence de Mme Touraine, à qui votre question était destinée.

Nous sommes d'accord avec votre constat. Le gouvernement précédent nous a laissé une situation très difficile en matière d'accès aux soins, notamment en zones rurales.

Plus de 7 % de nos concitoyens habitent dans des zones dont la densité médicale est préoccupante. Notons qu'ils sont deux millions de plus qu'il y a cinq ans. Compte tenu du départ à la retraite des générations du baby-boom, l'avenir est préoccupant.

Nous savons tous que le départ à la retraite d'un médecin, surtout dans les territoires ruraux, est une inquiétude majeure pour la population.

La priorité est de répondre aux situations d'urgence vitale, dans lesquelles le temps d'accès à des soins urgents est primordial pour préserver des vies. C'est la raison pour laquelle le Président de la République a fixé un délai de trente minutes pour l'accès aux soins urgents.

Les agences régionales de santé ont déjà reçu instruction de réaliser un diagnostic et d'identifier des solutions à mettre en œuvre pour tenir cet engagement.

Au-delà de ces situations extrêmes d'urgence vitale, qui sont heureusement rares, l'accès aux soins courants, c'est-à-dire à un médecin généraliste, doit être assuré partout.

Pour enrayer le processus de désertification médicale, nous ne croyons pas à l'efficacité des mesures coercitives en matière d'installation, surtout si elles ne concernent qu'une partie des professionnels, les plus jeunes, contraints d'assumer à eux seuls toutes les limites actuelles du système.

Il faudra être innovant et, au besoin, faire sauter quelques tabous pour répondre aux réelles attentes des jeunes médecins, à qui nous devons donner l'envie d'exercer ce magnifique métier. Pour cela, nous devons mettre en place les conditions concrètes qui le rendent possible : travail en équipes, horaires décents, installation facilitée pour les médecins libéraux ou nouvelles formes d'exercice, implantation de maisons, de pôles ou de centres de santé le cas échéant, mobilisation des hôpitaux de proximité, parcours professionnels diversifiés.

Nous devrons inventer de nouvelles solutions, en liaison avec les élus locaux, pour attirer les professionnels de santé là où nous avons réellement besoin d'eux.

À cet égard, la formation constitue un levier majeur. Il s'agira par exemple de faire découvrir le métier de généraliste tôt dans les études de médecine en rendant effectifs les stages de deuxième cycle chez les praticiens libéraux.

Nous développerons aussi le nombre de contrats d'engagement de service public pour les étudiants, afin que, en contrepartie des bourses versées, ils s'installent dans des zones en difficulté. La ministre des affaires sociales et de la santé a ainsi décidé d'augmenter de 7 % leur nombre pour la prochaine rentrée.

Enfin, si dans certaines situations extrêmes l'initiative libérale faisait réellement défaut, le service public, comme il le fait partout ailleurs, serait mobilisé pour offrir l'accès aux soins légitimement attendu par les populations.

 M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Madame la ministre, l'évolution de la situation politique a voulu que ce ne soit pas le précédent gouvernement qui réponde à cette question. Je l'avais posée, car - je le dis très modestement - quand on vit dans un département dont vingt-deux des trente-cinq cantons sont classés en ZDR, c'est-à-dire en zones de développement durable - un seul autre département en France se trouve dans ce cas, exception faite des trois dont l'ensemble du territoire est en ZDR -, on a quelques idées sur le problème. Certes, je n'ai pas la prétention d'en savoir plus que les autres, mais j'entends la souffrance et l'inquiétude qui s'expriment. Et quand on me dit que nous ne faisons rien pour faire venir un médecin, je suis souvent un peu désarmé.

Sans prolonger notre débat, je pense que des mesures peuvent être prises, en respectant bien sûr les médecins, car, avec l'évolution de notre société, l'état d'esprit a changé.

J'ai bien conscience que le médecin de campagne d'autrefois, qui vivait presque son métier comme une vocation et travaillait de dix à douze heures par jour, c'est fini. Toutefois, entre cette situation-là et la concentration des médecins dans les grandes villes, il y a de la marge ! Ma question exprimait mon souhait que soient trouvées, quel que soit le gouvernement en place, des solutions légales à ce problème, sur lequel j'ai eu à me pencher. Par parenthèse, madame la ministre déléguée, votre réponse était très complète et constructive, je dois le dire, car parfois les moyens ne suivent pas la volonté.

Aujourd'hui, des règles administratives et constitutionnelles empêchent que les membres des professions libérales fassent la même chose que les instituteurs ou les gendarmes, par exemple commencer leur carrière dans un village de la France profonde. Il n'est même pas possible de les y inciter ! Tel est l'obstacle auquel nous sommes confrontés, me semble-t-il.

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