Question de sénateur et réponse ministérielle publiées le 19 juin 2015 sur le site du Sénat (cliquer ici pour accéder au site du Sénat)
http://www.senat.fr/basile/visio.do?id=qSEQ15060535G.html
Question d'actualité au gouvernement n° 0535G de M. Alain Milon (sénateur du Vaucluse)
M. Alain Milon. Ma question s'adresse à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Les médecins de France vous lancent un cri d'alarme que le Gouvernement ignore. Après la mobilisation des médecins généralistes à Roanne, les médecins de Quimper ont lancé, ces deux derniers jours, un vaste mouvement de protestation contre le projet de loi de modernisation de notre système de santé. Demain, d'autres villes prendront le relais.
MG France, réuni en assemblée générale le week-end dernier, et les autres syndicats de médecins – la Fédération des médecins de France, la FMF, la Confédération des syndicats médicaux français, la CSMF, le Syndicat des médecins libéraux, le SML, Le Bloc – ont réaffirmé leur opposition au tiers payant obligatoire et généralisé.
Nous estimons, comme les professionnels de santé, que la mise en place du tiers payant obligatoire et généralisé n'est pas une bonne mesure, pour au moins trois raisons.
Premièrement, au nom de la liberté de choix des patients. Demain, les complémentaires santé orienteront les patients vers tel ou tel professionnel de santé, comme cela se fait déjà dans d'autres domaines, l'optique par exemple.
Deuxièmement, au nom de la liberté d'exercice. Demain, l'offre de soins va se réduire, les médecins se déconventionneront, pour le moins, ou ne s'installeront pas, pour le pire.
Troisièmement, au nom de la rupture du contrat moral qui lie les médecins et l'État. Demain, ce contrat sera rompu unilatéralement par l'État, et sans concertation.
Vous imposez une mesure dont l'application est, en plus, d'une rare complexité que tous les partenaires possibles dénoncent. À cause de cette complexité, vous avez d'ailleurs reporté la mise en œuvre de cette mesure à 2017.
Les multiples réactions d'opposition des médecins libéraux à cette mesure témoignent de leur attachement à des conditions d'exercice leur permettant de se consacrer totalement à la médecine et d'un refus des tâches administratives. Elles ne sont pas, comme certains peuvent l'affirmer, le produit d'un corporatisme, mais l'expression d'une volonté de sauver la médecine libérale, non adversaire de la médecine salariée et pilier de la santé publique dans notre pays.
Le Gouvernement fait mourir un système, sans avoir rien mis d'autre en place. Les médecins généralistes, principalement concernés par cette mesure, souhaitent le retrait de celle-ci. Les entendrez-vous enfin ?
Réponse du Ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes publiée dans le JO Sénat du 19/06/2015 p. 6485
Mme Marisol Touraine,ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Le projet de loi de modernisation de notre système de santé, qui a été adopté par l'Assemblée nationale et qui sera examiné dans votre hémicycle dans quelques semaines, comprend tout un ensemble de mesures : mesures de prévention, pour favoriser la prise en charge de la santé précoce des enfants et des jeunes adultes, mesures visant à lever les obstacles financiers que peuvent rencontrer nos concitoyens, mais aussi les obstacles géographiques comme les déserts médicaux, mesures destinées à renforcer le service public hospitalier, mesures de démocratie sanitaire.
Je constate que la question du tiers payant reste le seul sujet de discussion avec les professionnels, qui, pour le reste, affirment leur engagement en faveur de la prévention, souhaitent que l'organisation de leur profession sur le territoire soit mieux identifiée, que leurs relations avec l'hôpital soient plus solides et expriment, bien sûr, leur attachement à la démocratie sanitaire.
Monsieur le sénateur, le tiers payant, qui existe dans la plupart des pays européens, ne remet nullement en cause l'exercice de la médecine libérale. Nos concitoyens sont attachés au choix de leur médecin et les médecins sont, à juste titre, attachés à la possibilité d'exercer dans les conditions qu'ils souhaitent. Lorsque vous présentez votre carte Vitale dans une pharmacie, le pharmacien n'est pas plus inféodé aux assureurs privés que ne le seront demain les médecins, qui ne verront pas remettre en cause leurs conditions d'exercice.
Il s'agit de mesures de simplification, destinées à garantir à tous nos concitoyens l'accès aux professionnels de santé. Pour rassurer, j'ai inscrit dans le projet de loi des mesures garantissant des délais de paiement rapprochés, une organisation simplifiée à partir de l'assurance maladie et une mise en place progressive à partir du 1er juillet prochain. Vous le voyez, le débat est engagé, et je suis certaine qu'il se poursuivra dans les meilleures conditions possibles avec l'ensemble des professionnels.