http://www.senat.fr/questions/base/2018/qSEQ18040321G.html
Question d'actualité au gouvernement n° 0321G de M. Xavier Iacovelli (sénateur des Hauts-de-Seine)
Madame la ministre, vous présenterez demain en conseil des ministres un projet de réforme de la justice qui cristallise la colère des avocats, des magistrats et des greffiers. Ce projet éloignera encore un peu plus le citoyen de la justice, en portant atteinte au droit d'accès au juge.
Par manque de lisibilité, vous laissez planer la suspicion sur la suppression du tribunal d'instance. Ce dernier est pourtant géographiquement proche des justiciables, simple dans son mode de saisine, financièrement abordable et parfaitement identifié par les Français, car il traite les litiges du quotidien.
Vous prônez une justice dématérialisée, mais cette réforme aboutira à une justice déshumanisée. Vous ne prenez pas en compte la fracture numérique qui existe dans notre pays.
Avec cette réforme, les victimes d'infractions devront déposer leurs plaintes en ligne, sans aucun accompagnement et avec des délais de réponse allongés.
La révision des pensions alimentaires se fera désormais sans intervention du juge, sans audience, et sera laissée à la discrétion de la caisse d'allocations familiales, la CAF.
Dans notre pays, la justice est rendue au nom du peuple français. La priorité est donc d'améliorer les moyens humains et financiers pour la rendre plus efficace. Il s'agit, et vous le savez, d'un souhait largement partagé au sein de cet hémicycle, car nous sommes tous attachés à la proximité des juridictions.
Vous inquiétez le monde judiciaire par un manque de clarté, et les citoyens en portant atteinte à la justice de proximité. Pouvez-vous aujourd'hui, madame la ministre, devant la représentation nationale, clarifier la position du Gouvernement sur cette réforme ?
Réponse du Ministère de la justice publiée dans le JO Sénat du 20/04/2018 p. 4120
Monsieur le sénateur, je ne pense pas avoir à clarifier quelque chose qui me semble assez clair au regard de la multiplicité des occurrences au cours desquelles j'ai pu réaffirmer, ainsi que M. le Premier ministre, que nous ne fermerons aucun tribunal d'instance. Cela est très clair.
Il y a plus de 300 tribunaux d'instance sur notre territoire, et tous, je dis bien tous, continueront à exister dans le plein exercice de leurs compétences qui sera d'ailleurs garanti par décret. Et l'on continuera d'y affecter des magistrats et des personnels de justice.
Sur ce point, j'espère cette fois vous avoir définitivement rassuré.
Vous évoquez également le fait que nous irions vers une justice au sein de laquelle l'accès au juge serait rendu plus compliqué.
Hier, j'étais au tribunal de Senlis, avant-hier à celui de Marseille, et le jour précédent encore dans une autre juridiction. Dans tous les tribunaux, il y a des services d'accueil unique du justiciable qui sont implantés depuis un an : des personnes physiques accueilleront en un point de renseignement, d'orientation et de confidentialité les justiciables.
J'ai répondu sur ces deux aspects, mais ma réponse ne serait pas complète si je ne vous disais pas que les moyens affectés à notre système judiciaire s'accroîtront de manière tout à fait importante. En cinq ans, 1,6 milliard d'euros supplémentaires et 6 500 emplois supplémentaires seront affectés à la justice, soit des moyens bien plus importants que ceux que mon anté-prédécesseur avait espéré pouvoir affecter à la justice.
J'espère ainsi, monsieur le sénateur, vous avoir définitivement rassuré.
Xavier Iacovelli. Vous pouvez essayer de me rassurer, madame la garde des sceaux. Mais,a priori, le monde de la justice n'est, pour sa part, pas rassuré. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il se mobilise fortement dans l'ensemble des barreaux de France.
Vous parliez de votre anté-prédécesseur, mais il avait augmenté, entre 2016 et 2017, de plus de 9 % le budget de la justice, permettant le recrutement notamment d'un certain nombre de magistrats et de greffiers, une action reconnue par l'ensemble de notre hémicycle et du monde de la justice.
Votre absence de réponse sur la CAF laisse effectivement à penser que nous allons lui sous-traiter la révision des pensions alimentaires, ce qui est très grave.