https://www.insee.fr/fr/statistiques/6041423.html
Un départ à la retraite sur huit se traduit par un changement de résidence
Hicham Abbas, Benoît de Lapasse, Élisabeth Prevost (Insee)
En France, parmi les personnes qui prennent leur retraite chaque année, 12 % en profitent pour déménager, l’année de ce départ, un an plus tôt ou un an plus tard. Ces jeunes retraités quittent les pôles des plus grandes aires pour résider dans des villes plus petites, situées en bord de mer ou dans le Massif central.
Les personnes seules ainsi que les familles monoparentales sont les plus mobiles. Les déménagements des couples sont moins fréquents et s’étalent sur des périodes plus longues, en lien avec la date de départ à la retraite de chacun des conjoints.
Les jeunes retraités habitant en appartements déménagent plus fréquemment, souvent au profit de maisons. C’est notamment le cas des retraités quittant l’Île-de-France pour la province : plutôt aisés, ils emménagent dans des logements plus grands, souvent des maisons dont ils sont ou deviennent propriétaires.
Les personnes déménageant au sein de l’Île-de-France vivent plus fréquemment en couple, avec des enfants encore à charge et ont des revenus plutôt modestes. Elles déménagent souvent vers des logements plus petits, anticipant le départ des enfants.
Paru le : 26/01/2022
Sommaire
Prendre sa retraite est l’occasion pour 12 % des personnes de déménager
Des départs vers les littoraux et le Massif central après 60 ans
Le déménagement des couples intervient souvent au moment du départ à la retraite d’un des conjoints
Les petits logements sont privilégiés lors des déménagements en Île-de-France
Déménager en province permet d’habiter un appartement plus grand ou une maison
Prendre sa retraite est l’occasion pour 12 % des personnes de déménager
En moyenne, en France hors Mayotte, près de 623 000 personnes âgées d’au moins 60 ans ont pris leur retraite chaque année entre 2012 et 2017, c’est-à-dire qu’elles ont liquidé pour la première fois une pension de retraite (source Drees). Pour 12 % d’entre elles, cela s’accompagne d’une mobilité résidentielle au cours des trois ans qui entourent cette sortie de la vie active : 5 % de ces jeunes retraités déménagent l’année du passage à la retraite, 3 % l’année qui précède et 4 % l’année qui suit. En Île-de-France, les futurs ou nouveaux retraités déménagent plus souvent : entre 2012 et 2017, 16 % ont changé de résidence au moins une fois, soit 5 points de plus qu’en province (11 %).
Des départs vers les littoraux et le Massif central après 60 ans
La fréquence et la destination des déménagements diffèrent selon les étapes de la vie. Afin de poursuivre des études ou trouver un premier emploi, les jeunes privilégient les grandes aires, en général leur centre. Entre 25 et 29 ans, ils s’éloignent des communes-centres des grandes aires pour s’installer de préférence dans le périurbain. Plus d’un quart de ces personnes n’habitaient pas le même logement l’année précédente. Les adultes de 30 à 54 ans sont moins mobiles, mais les changements de région sont plus fréquents : ils s’installent plutôt dans le sud-ouest de la France, au détriment de la région parisienne et du nord-est de la France. Plus les personnes sont âgées, moins elles ont tendance à déménager. À partir de 60 ans, les mobilités sont toujours moins fréquentes mais de plus longue distance. Ce constat se vérifie particulièrement entre 60 et 64 ans, âges où près de 80 % des personnes prennent leur retraite. Chaque année, à ces âges, seulement 5 % des personnes changent de logement, mais près d’un quart de ces déménagements occasionnent un changement de région, contre 16 % pour les 30-55 ans. Ces personnes quittent notamment les grandes aires et leurs pôles et s’établissent dans des aires plus petites ou hors aires d’attraction des villes. Au jeu de ces mobilités, les aires de moins de 200 000 habitants et les communes hors aires gagnent des habitants. Les départements des littoraux atlantique et méditerranéen constituent des destinations privilégiées : le solde des arrivées et des départs représente 2 % de la population moyenne des 60-64 ans résidente dans les départements des Pyrénées-Orientales, des Landes et du Morbihan. Ce taux de migration net interne est proche de 3 % en Charente-Maritime et en Vendée. Il est plus élevé dans le littoral de ces départements, avec plus de 4 % pour le littoral de la Charente-Maritime, 5 % pour celui des Landes et 6 % pour celui de la Vendée. Les arrivées sont nombreuses aussi dans le Massif central : par exemple les deux tiers des personnes âgées de 60 à 64 ans s’installant dans un nouveau logement en Lozère ou dans le Cantal arrivent d’un autre département, contre un tiers en moyenne en France métropolitaine. À ces âges et dans ces deux départements, le solde des migrations rapporté à la population moyenne s’élève à près de 2 %. A contrario, en Île-de-France et dans le nord-est de la France, les départs de personnes de 60 à 64 ans sont plus nombreux que les arrivées. Le taux de migration net interne y est ainsi négatif.
Les Franciliens de 60 à 64 ans déménagent souvent plus loin que leurs homologues des autres régions. Ainsi, 44 % quittent l’Île-de-France pour une autre région. En province ou en outre-mer, pareil choix est nettement moins fréquent : seules 17 % des personnes mobiles entre 60 et 64 ans s’installent dans une nouvelle région au moment de la retraite. Ces différences dans le rapport à la région de départ ne sont pas observées aux autres âges de la vie et traduisent sans doute le fait qu’une partie des Franciliens, compte tenu de leurs contraintes professionnelles, attendent le moment de la retraite pour quitter l’Île-de-France.
Au moment de la retraite, les familles monoparentales et les personnes seules déménagent plus souvent
Plusieurs caractéristiques expliquent les différences de fréquence des déménagements intervenant au moment du départ à la retraite (cette période inclut aussi l’année qui précède ce passage et l’année qui le suit) comme la composition du ménage : environ 17 % des familles monoparentales et des personnes seules ont déménagé à cette période au moins une fois, contre seulement 10 % pour les couples avec ou sans enfant. Les personnes vivant seules effectuent aussi plus souvent au moins deux mobilités résidentielles au cours de cette période de trois ans : 2,3 %, contre 1,0 % pour les couples sans enfant.
Si les couples sans enfant déménagent moins souvent que les personnes seules, ils déménagent plus loin : 44 % changent de département, contre 35 % des personnes seules. Pour les ménages avec enfants, les déménagements qui interviennent au moment du passage à la retraite sont parfois l’occasion d’une décohabitation : parmi les ménages mobiles de jeunes retraités, 33 % des couples avec enfants et 36 % des familles monoparentales ne cohabitent plus avec leurs enfants après leur changement de résidence.
Le déménagement des couples intervient souvent au moment du départ à la retraite d’un des conjoints
La moins grande mobilité des personnes en couple est due en partie à l’activité professionnelle du conjoint ; l’année de leur départ à la retraite, 70 % des individus vivent en couple. Pour ces derniers, deux pics de mobilités s’observent : les années du passage à la retraite de chaque membre du couple (quand ces années sont confondues, les pics le sont également, avec une ampleur qui reste cependant de même niveau). Lorsque les conjoints ne prennent pas leur retraite la même année, les déménagements entre ces deux moments sont moins fréquents ; ils sont encore plus rares après le deuxième passage à la retraite Trois ans après le second départ à la retraite, moins de 1 % des couples déménagent. La préférence accordée par les couples pour des déménagements l’année du départ à la retraite d’un des conjoints est encore plus marquée pour les mobilités résidentielles hors du département : la part des couples changeant de département est élevée l'année du premier passage à la retraite ; elle est ensuite divisée par deux, puis elle connaît un nouveau pic quand le second conjoint prend sa retraite, avant de s'effondrer en étant divisée par dix par la suite. La situation est particulière en Île-de-France où les mobilités des couples franciliens changeant de département sont surtout concentrées lors du départ en retraite du second conjoint : il s’en produit six fois plus qu’à l’occasion du premier départ à la retraite dans le couple.
Les ménages modestes, locataires ou vivant en appartement déménagent plus souvent mais moins loin lors du passage à la retraite
Les jeunes retraités appartenant aux 25 % des ménages les plus pauvres sont légèrement surreprésentés au sein des jeunes retraités déménageant au moins une fois entre 2012 et 2017. Cependant, ces ménages modestes déménagent moins loin : 76 % d’entre eux restent dans le même département, contre 47 % parmi les ménages les plus aisés, surreprésentés dans les grandes agglomérations
La propension à déménager dépend fortement, outre du niveau de vie, du statut d’occupation du logement. Les locataires (24 % de l’ensemble des jeunes retraités) déménagent plus souvent que les propriétaires, notamment les locataires du privé. Autour du passage à la retraite, 33 % d’entre eux déménagent, contre 16 % pour les locataires du parc social et seulement 7 % pour les propriétaires. Ces mobilités n’occasionnent pas forcément un changement de statut d’occupation : 72 % des propriétaires le restent après le déménagement, tout comme 52 % des locataires dans le parc privé. Les changements de statuts sont plus fréquents pour les locataires dans le parc social : 34 % d’entre eux deviennent locataires dans le privé et 28 % propriétaires. Il s’agit alors souvent de personnes déménageant dans des aires plus petites ou au niveau de vie médian moins élevé, notamment pour ceux quittant l’Île-de-France. De surcroît, plus les personnes déménagent loin, plus les départs du parc social sont fréquents.
De même, les jeunes retraités habitant une maison déménagent bien moins fréquemment (9 %) que ceux vivant en appartement (20 %). Les deux tiers des mobilités résidentielles liées à la retraite s’effectuent dans le même type de logement. Mais l’effet territorial est marqué : 73 % des déménagements au sein de l’Île-de-France et 67 % entre communes de province n’occasionnent aucun changement de type de bien immobilier ; cette part tombe à 51 % pour les mobilités entre l’Île-de-France et la province. Les trois quarts des nouveaux retraités franciliens s’installant en province habitent une maison, alors que ce n’était le cas que pour un tiers d’entre eux lorsqu’ils vivaient en Île-de-France. À l’inverse, lors des déménagements, certes bien moins nombreux de la province vers l’Île-de-France, 73 % des jeunes retraités habitent en appartement alors qu’ils n’étaient que 32 % à vivre dans ce type de logement avant leur passage à la retraite.
Les petits logements sont privilégiés lors des déménagements en Île-de-France
Cinq comportements de migrations résidentielles peuvent être définis à partir de l’origine et de la destination (en excluant les mobilités de la province vers l’Île-de-France dont le poids est inférieur à 1 %) et caractérisés en fonction du niveau de vie, du statut d’occupation ou de la composition du ménage.
Dans le 1er groupe (5 % des déménagements de jeunes retraités), les migrations résidentielles ont lieu au sein de l’Île-de-France, sans changement de commune. Elles s’effectuent alors surtout entre appartements (79 % de ce type de mobilités), avec une baisse moyenne de la superficie de plus de 6 %. Les couples avec enfants sont légèrement surreprésentés ainsi que les personnes aux revenus modestes (31 % de ces ménages mobiles font partie des 25 % des ménages ayant le niveau de vie le plus faible).
Dans le 2e groupe (5 % des déménagements), les mobilités s’opèrent aussi au sein de l’Île‑de‑France, mais entre communes différentes. Les jeunes retraités changent alors plus souvent de type de logement : 33 % quittent ainsi un appartement pour vivre en maison, même si 60 % restent dans un appartement ou dans une maison. Ils habitent en moyenne dans des logements plus petits qu’auparavant.
Déménager en province permet d’habiter un appartement plus grand ou une maison
Le 3e groupe (13 % des déménagements) rassemble les mobilités de l’Île-de-France vers la province. Par rapport aux deux premiers groupes, les jeunes retraités changent plus fréquemment de type de logement lors de leur déménagement, le plus souvent en abandonnant un appartement pour une maison. La taille moyenne des logements augmente fortement (+ 26 %), en lien avec ces arrivées dans des maisons et des prix de l’immobilier plus abordables. Les personnes bénéficient de 11 % de surface en plus en quittant un appartement en Île-de-France pour un autre en province ; l’augmentation est de 19 % pour les déménagements de maison à maison. De manière générale, le départ vers la province permet aussi d’accéder à la propriété : la moitié des ménages mobiles étaient propriétaires de leur résidence principale en Île-de-France ; installés en province, ils sont près des trois quarts à l’être, certains ayant emménagé dans leur ancienne résidence secondaire dont ils pouvaient être déjà propriétaires. Dans ce groupe, les ménages au niveau de vie élevé sont surreprésentés : 40 % font partie des 25 % des ménages les plus aisés. À l’opposé, les ménages les plus modestes sont fortement sous-représentés (8 % appartiennent aux 25 % les plus modestes).
Dans le 4e groupe (27 % des déménagements), les jeunes retraités restent en province, sans changer de commune. Les personnes seules sont surreprésentées, elles habitent plus fréquemment un appartement (55 %), comme auparavant pour les trois quarts d’entre elles. La surface de leur logement baisse légèrement, en moyenne de 4 %, même à nature de logement inchangé. Leur niveau de vie médian est plus faible : 41 % font partie des 25 % des ménages les plus pauvres, et même à 53 % pour les personnes seules de ce groupe.
Dans le 5e groupe (49 % des déménagements), les jeunes retraités restent aussi en province, mais changent de commune. Ces mobilités concernent plutôt les couples sans enfant, et les changements de types de bien sont relativement plus fréquents que dans les autres groupes (37 % des déménagements, contre 25 % pour les personnes ne changeant pas de commune en province), surtout lorsque les personnes s’installent dans un département différent (44 %). L’emménagement dans une maison et l’accès à la propriété accompagnent souvent ces mobilités.