Article de M. Philippe Ricard, lu sur le site du Monde, le 11 novembre 2007
Déficit public en hausse, croissance revue à la baisse, les prévisions d'automne publiées vendredi 9 novembre par la Commission européenne confirment la faible crédibilité, à Bruxelles, de la politique économique engagée par Nicolas Sarkozy. Tandis que l'Allemagne devrait engranger un léger excédent, le déficit budgétaire français pourrait atteindre 2,6 % du produit intérieur brut (PIB) en 2007, puis en 2008, selon les analystes bruxellois.
Paris prévoit au contraire de limiter le dérapage des comptes publics à 2,4 % cette année puis à 2,3 % l'an prochain. Les experts européens attendent par ailleurs une croissance de 1,9 % cette année, puis de 2 % en 2008 (contre 2,4 % encore pronostiqués au printemps), soit dans le bas de fourchette officiellement retenue par le gouvernement français pour préparer son budget. "Si la croissance s'écarte légèrement du scénario central, ce serait très facile de dépasser à nouveau la limite de 3 %" du produit intérieur brut, a de surcroît prévenu Joaquin Almunia, le commissaire en charge des affaires économique et monétaire. D'après lui, les risques pesant sur l'activité, tout comme sur l'inflation, sont à la hausse au sein de la zone euro, en particulier du fait de la crise financière survenue cet été, et de l'envolée du pétrole. Pour 2008, la zone euro devrait ainsi connaître une croissance de 2,2 %, contre 2,5 % escomptés au printemps. Pour la Commission, les différentes mesures fiscales adoptées en France pendant l'été devraient coûter un demi-point de PIB. Leur impact sur l'activité ne devrait se faire sentir qu'en 2008, en dynamisant la consommation intérieure. La contribution du commerce extérieure restera néanmoins négative : outre l'euro fort, les exportations françaises continuent de souffrir "d'une spécialisation géographique et par produit défavorable". Tandis que le gouvernement met en avant son intention de "gagner un point de croissance" pour justifier sa politique budgétaire, la Commission ne semble enfin pas partager son volontarisme. Pour 2009, la croissance devrait se situer à 1,8 %. Et le déficit autour de 2,7 % du PIB - ce qui fait de la France la lanterne rouge de l'Union monétaire. Avant de songer au moindre avertissement formel contre la France, M. Almunia entend cependant juger sur pièce la politique de M. Sarkozy : "La croissance en France dépend des réformes ; non pas des réformes annoncées mais des réformes réalisées", a-t-il dit, en attendant des précisions sur les projets français d'ici au 1er décembre.