Article de Mme Cécile Prieur, lu sur le site du Monde le 18 06 2008 (cliquer ici pour accéder à l’article original)
http://www.lemonde.fr/societe/article/2008/06/18/en-picardie-medecins-et-patients-testent-le-dossier-medical-personnel_1059697_3224.html#ens_id=628859
Cinq mille dossiers informatiques ouverts aujourd'hui, trente mille prévus à la rentrée de septembre : en région Picardie, le dossier médical personnel (DMP) est déjà une réalité. Rebaptisé Dossier santé Picardie (DSP), ce projet est à la pointe des expérimentations actuellement menées en France pour tester la viabilité du DMP. Ici, on ne s'embarrasse pas des atermoiements qui ont marqué le pilotage du projet national. Le DSP, qui regroupe les données de santé d'un patient sur un site sécurisé, est d'abord conçu comme un outil de partage de l'information entre médecins.
Regroupant huit établissements hospitaliers publics et privés, quatre laboratoires, deux réseaux de santé et 300 professionnels de santé (150 médecins et 150 infirmières libérales), le projet s'est déployé, depuis janvier, par le biais des guichets d'accueil des hôpitaux. Les patients, lors de leur hospitalisation, se voient proposer d'ouvrir un DSP, présenté comme un outil "favorisant la coordination, la qualité et la continuité des soins". La démarche est gratuite. Le coût du dispositif, 2,5 millions d'euros, est partiellement pris en charge par l'Etat.
Pour l'hôpital, l'intérêt du DSP est de réunir toutes les données concernant un patient (analyses, radiologies, comptes rendus opératoires...) sur une plate-forme informatique unique, consultable par tous les praticiens. "On évite ainsi le syndrome spaghetti, avec la multiplication de dossiers de patients, service par service, non connectables", affirme le docteur Christine Boutet, directrice médicale du projet DMP Picardie.
"EVITER LES DOUBLONS"
Puis ces informations sont reversées dans un bunker informatique, gardé secret par le gestionnaire du DSP, la société Santéos.
Les médecins libéraux accèdent ensuite à ces données par un simple clic sur leurs ordinateurs. "On a ainsi une bien meilleure vision de l'état de santé de nos patients, assure le docteur Gilles Revaux, médecin généraliste à Amiens. Le DSP permet d'éviter les doublons dans la prise de médicaments, qui peuvent être très dangereux, particulièrement pour les personnes âgées."
Dans cette configuration, le patient a peu de marge de manoeuvre : s'il peut décider quel professionnel de santé aura ou non accès à son DSP, il ne peut lui-même le consulter sur Internet, ni masquer certaines des informations. "Pour l'instant, nous nous sommes affranchis des problèmes liés à l'accès des patients aux données, comme le droit au masquage, car le débat n'est pas encore tranché au niveau national, explique le docteur Boutet. Nous sommes dans une démarche pragmatique : pour que ça marche, il faut d'abord que les professionnels de santé s'approprient le DSP et aient confiance dans l'outil."
La plupart des patients jouent le jeu. A l'hôpital de Compiègne, huit personnes hospitalisées sur dix acceptent la création d'un DSP quand on leur propose. "Les refus sont plutôt liés à la mauvaise presse du DMP, analyse Brigitte Duval, directrice de l'établissement. J'y vois plus de l'attentisme qu'une opposition de principe."
Les associations de patients restent prudentes. "Le DSP est un très bon outil, car il peut apporter des informations cruciales aux médecins en cas de problème grave de santé, explique Hervé Le Hénaff, président de l'association de diabétiques Diab'80. Mais nous souhaitons rapidement avoir accès à son contenu, pour pouvoir masquer certaines informations si on le souhaite. Si on voit un podologue par exemple, on n'a pas forcément envie qu'il sache tout de notre dossier médical !"