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performances économiques et progrès social (1/3) (19 12 2009)

performances économiques et progrès social (1/3)

Extraits du Rapport de la Commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social  (Commission Stiglitz-Sen-Fitoussi) remis en novembre 2009 au président de la République (cliquer ici pour accéder au texte intégral du rapport : 324 p avec annexes)

 

http://www.stiglitz-sen-fitoussi.fr/documents/rapport_francais.pdf

 

Note de la rédaction du Blog : Ce rapport nous a paru particulièrement riche en pistes de réflexion pour évaluer les progrès économiques et sociaux

 

1er volet

 

SYNTHÈSE ET RECOMMANDATIONS (pp. 7 à 10) (pp. 240 à 242)

Pourquoi ce rapport ?

1. En février 2008, M. Nicolas Sarkozy, Président de la République française, insatisfait de l’état actuel des informations statistiques sur l’économie et la société, a demandé à MM. Joseph Stiglitz (Président de la Commission), Amartya Sen (conseiller) et Jean-Paul Fitoussi (coordinateur) de mettre en place une commission qui a pris le nom de Commission pour la Mesure des Performances Economiques et du Progrès Social (CMPEPS). Celle-ci a reçu pour mission de déterminer les limites du PIB en tant qu’indicateur des performances économiques et du progrès social, de réexaminer les problèmes relatifs à sa mesure, d’identifier les informations complémentaires qui pourraient être nécessaires pour aboutir à des indicateurs du progrès social plus pertinents, d’évaluer la faisabilité de nouveaux instruments de mesure et de débattre de la présentation appropriée des informations statistiques.

 

2. Les indicateurs statistiques sont en effet importants pour concevoir et évaluer les politiques visant à assurer le progrès des sociétés, ainsi que pour évaluer le fonctionnement des marchés et influer sur celui-ci. Leur rôle s’est accru de manière significative au cours des vingt dernières années sous l’effet du niveau plus élevé d’éducation de la population, de la complexité accrue des économies modernes et de la large diffusion des technologies de l’information. Au sein de la « société de l’information », l’accès aux données, notamment statistiques, est devenu beaucoup plus facile. Un nombre croissant de personnes consultent des statistiques afin d’être mieux informées ou de prendre des décisions. Pour répondre à cette demande croissante d’information, l’offre de statistiques a, elle aussi considérablement augmenté, et couvre aujourd’hui de nouveaux domaines et des phénomènes nouveaux.

 

3. Ce que l’on mesure a une incidence sur ce que l’on fait ; or, si les mesures sont défectueuses, les décisions peuvent être inadaptées. Le choix entre accroître le PIB et protéger l’environnement peut se révéler être un faux choix dès lors que la dégradation de l’environnement est prise en compte de manière appropriée dans nos mesures des performances économiques. De même, on sélectionne fréquemment les bonnes politiques à conduire sur le critère de leur effet positif sur la croissance de l’économie ; or, si nos mesures des performances sont faussées, il peut en aller de même des conclusions de politique économique que nous en tirons.

 

4. Il semble souvent exister un écart prononcé entre, d’une part, les mesures habituelles des grandes variables socio-économiques comme la croissance, l’inflation, le chômage, etc., et, d’autre part, les perceptions largement répandues de ces réalités. Les mesures usuelles peuvent, par exemple, laisser à entendre que l’inflation est moindre ou la croissance plus forte que ne le ressentent les individus ; cet écart est si important et si répandu qu’il ne peut s’expliquer uniquement en se référant à l’illusion monétaire ou à la psychologie humaine. Ce phénomène a, dans certains pays, sapé la confiance à l’égard des statistiques officielles (en France et en Grande-Bretagne, par exemple, un tiers des citoyens à peine fait confiance aux chiffres officiels, et ces pays ne sont pas des exceptions) et a une incidence manifeste sur les modalités du débat public sur l’état de l’économie et les politiques à conduire.

 

5. Cet écart entre la mesure statistique des réalités socio-économiques et la perception de ces mêmes réalités par les citoyens peut s’expliquer de plusieurs manières :

– Il se peut que les concepts statistiques soient appropriés mais que le processus de mesure soit imparfait.

– Il existe de surcroît un débat sur le choix des concepts pertinents et l’usage approprié des différents concepts.

– En présence de changements de grande ampleur en matière d’inégalité (et plus généralement dans la répartition des revenus), le produit intérieur brut (PIB) ou tout autre agrégat calculé par habitant peut ne pas fournir une évaluation appropriée de la situation dans laquelle la plupart des gens se trouvent. Si les inégalités se creusent par rapport à la croissance moyenne du PIB par tête, beaucoup de personnes peuvent se trouver plus mal loties, alors même que le revenu moyen a augmenté.

– Il se peut que les statistiques habituellement utilisées ne rendent pas compte de certains phénomènes qui ont une incidence de plus en plus grande sur le bien-être des citoyens. Si, par exemple, les embarras de la circulation peuvent faire croître le PIB du fait de l’augmentation de la consommation d’essence, il est évident qu’ils n’ont pas le même effet sur la qualité de la vie. En outre, si les citoyens ont le souci de la qualité de l’air et si la pollution de l’air augmente, les mesures statistiques qui l’ignorent offriront une estimation inadaptée de l’évolution du bien-être des populations. Il se peut également que la tendance à mesurer des changements progressifs ne soit pas à même de rendre compte des risques de détérioration brusque de l’environnement comme dans le cas du changement climatique.

– Enfin, la manière dont les statistiques sont rendues publiques ou utilisées peut donner une vision biaisée des tendances économiques. Ainsi, place-t-on généralement l’accent sur le PIB, alors que des notions comme celle de produit national net (qui prend en compte les effets de la dépréciation du capital) ou celle de revenu réel des ménages (centrée sur les revenus effectifs des ménages au sein de l’économie) peuvent être plus pertinentes. Or il peut y avoir entre ces chiffres des différences prononcées. Le PIB n’est donc pas erroné en soi mais utilisé de façon erronée. Nous avons ainsi besoin de mieux comprendre l’usage approprié de chaque instrument de mesure.

 

6. De fait, l’adéquation des instruments actuels de mesure des performances économiques, notamment de ceux qui reposent uniquement sur le PIB, pose problème depuis longtemps. Ces préoccupations sont encore plus prononcées pour ce qui est de la pertinence de ces données en tant qu’outils de mesure du bien-être sociétal. Le fait de privilégier l’accroissement du nombre de biens de consommation inertes (mesuré par exemple, par celui du PNB ou du PIB, qui ont fait l’objet d’un nombre considérable ’études du progrès économique) ne pourrait en dernière analyse se justifier — si tant est qu’il le puisse — que par ce que ces biens apportent à la vie des êtres humains, sur laquelle ils peuvent influer directement ou indirectement. Par ailleurs, il a été établi de longue date que le PIB était un outil inadapté pour évaluer le bien-être dans le temps, en particulier dans ses dimensions économique, environnementale et sociale, dont certains aspects sont fréquemment désignés par le terme de soutenabilité (soutenabilité, c’est-à-dire capacité à se maintenir dans le temps).

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