http://questions.assemblee-nationale.fr/q13/13-72276QE.htm
Question n° 72276 de M. André Chassaigne (député Gauche démocrate et républicaine du Puy-de-Dôme)
M. André Chassaigne attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, sur la toxicité de certains produits chimiques présents dans les plastiques alimentaires. Des études menées notamment à l'étranger ont montré la toxicité pour la santé et l'environnement de certains additifs chimiques incorporés dans la fabrication des emballages plastiques alimentaires. Parmi eux, le bisphénol A se retrouve dans les biberons, mais aussi dans de nombreux récipients alimentaires. Il a été démontré une migration de ce produit chimique toxique vers l'aliment, surtout lorsque le récipient est chauffé.
Des suspicions fortes ont amené certains pays, comme le Canada et les États-unis, à interdire ce produit. Alertée, l'agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) a réalisé une étude et émis en novembre 2008 un avis plutôt rassurant considérant que même en cas de chauffage au micro-onde, la teneur du bisphénol demeure très inférieure à la dose maximale acceptable sur le plan toxicologique. Depuis, des études menées par l'INRA de Toulouse ont confirmé que le bisphénol A pouvait s'extraire du plastique, même sans être chauffé.
De plus, elles ont démontré qu'il avait des effets néfastes pour l'appareil digestif, le système endocrinien et le système immunitaire, même lorsque les doses étaient dix fois inférieures à la dose journalière acceptable (DJA) validée par l'AFSSA. En outre, ces effets peuvent aussi se combiner et s'amplifier avec d'autres perturbateurs endocriniens d'origine chimique.
Dans ces conditions, et sans attendre les nouvelles conclusions de l'AFSSA attendues pour 2010, il semble nécessaire que le principe de précaution, déjà appliqué par certains fabricants, soit mis en oeuvre et que les plastiques alimentaires incorporant du bisphénol A soient interdits. Il le remercie de l'attention qu'il portera aux dernières études relatives à la toxicité du bisphénol et lui demande quelles mesures de précaution il compte prendre à ce sujet.
Réponse du Ministère de l’Écologie et de l’énergie publiée au JO le 09/11/2010 p. 12224
Le bisphenol A (BPA) est un produit chimique utilisé couramment pour la fabrication industrielle de plastiques de type polycarbonate et de résines époxy. Ces matériaux sont largement utilisés dans des produits de consommation courants depuis les lunettes de soleil et les CDs jusqu'aux récipients pour l'eau et la nourriture. Ils rentrent notamment dans la composition de nombreux matériaux destinés au contact avec les aliments, tels que les produits de consommation en polycarbonate : biberons, vaisselle, récipients destinés au four micro-ondes et boîtes pour la conservation des aliments, les emballages avec revêtement époxy-phénolique : cannettes, boîtes de conserve et couvercles métalliques, les équipements avec revêtement époxy-phénoliques : réseaux ou conteneurs d'eau potable, cuves à vin, etc.
En raison de la publication régulière d'études relatives à ses effets potentiels sur la santé, le bisphénol A fait l'objet d'une attention particulière au niveau français et au niveau international ; attention qui a conduit le Gouvernement à régulièrement interroger les agences sanitaires sur les connaissances disponibles. Le 24 octobre 2008, l'Agence de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) avait déjà conclu à l'absence de risque.
Suite à des études effectuées chez l'animal suggérant la possibilité d'un risque en cas d'exposition à des doses faibles in utero et dans les premiers mois de vie, l'Afssa a été réinterrogée et a émis un nouvel avis le 4 février 2010. Cet avis confirme que les études toxicologiques ne révèlent pas de risque pour la santé aux doses auxquelles les consommateurs sont normalement exposés. Il ajoute que les dernières publications ne permettent pas clairement d'établir des conséquences pour la santé. Selon les données de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, le biberon n'est qu'une des sources d'exposition des nourrissons au bisphénol A. Une autre source importante est le lait, qu'il soit maternel, par le biais de l'exposition des femmes aux produits alimentaires en contact avec du bisphénol A, ou maternisé, par le biais du revêtement des boîtes contenant la poudre de lait.
L'institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) dans le cadre de son expertise collective sur les perturbateurs endocriniens a publié, le 3 juin 2010, un rapport d'étape sur l'état des connaissances des effets sur la reproduction du bisphénol A. Ce rapport souligne que des effets à faible dose pendant la période critique d'exposition de gestation ou de la lactation sont observés chez les rongeurs. Il précise également que ce modèle animal ne permet pas d'extrapoler ces résultats à l'homme, le métabolisme du bisphénol A chez l'homme étant différent.
De plus, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a été saisie pour poursuivre ses investigations relatives aux études complémentaires de toxicité nécessaires pour évaluer les risques sanitaires de cette substance, notamment pour les populations sensibles et contrôler l'évaluation des produits de substitution lorsque ces données sont disponibles. Enfin, il lui a été demandé d'identifier les usages conduisant à une exposition humaine, notamment en lien avec une contamination de l'environnement et de caractériser ces situations d'exposition.
L'objectif est d'émettre, si cela s'avère pertinent, des recommandations, notamment pour l'encadrement du bisphénol A par le biais du règlement (CE) n° 1907/2006, dit règlement REACH. Au plan international, une modification de la loi canadienne sur les produits chimiques entrée en vigueur le 11 mars 2010 a interdit les biberons en polycarbonate contenant du bisphénol A. Le Danemark a également annoncé une mesure de restriction temporaire concernant les matériaux au contact d'aliments à destination d'enfants de moins de trois ans, à compter du 27 mars 2010. L'Agence américaine de protection de l'environnement (EPA) a annoncé de son côté le 29 mars plusieurs mesures visant à évaluer les effets potentiels sur l'environnement du bisphénol A en prévoyant de l'inclure sur la liste des substances préoccupantes pour l'environnement afin d'obtenir des informations sur les concentrations de BPA dans les eaux de surface, souterraines et potables, d'obliger les industriels à fournir des données sur les effets à long terme sur la croissance, la reproduction et le développement chez l'animal, d'évaluer des substances alternatives et enfin d'étudier les impacts chez certains groupes à risque comme les enfants.
Au plan national, et d'un point de vue réglementaire, la loi du 30 juin 2010 suspend la commercialisation de biberons produits à base de bisphénol A jusqu'à l'adoption, par l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, d'un avis motivé autorisant à nouveau ces opérations. Cette proposition de loi précise en outre en son article 2 que dans les deux mois qui suivent la publication par l'INSERM de son expertise collective sur les perturbateurs endocriniens et au plus tard le 1er janvier 2011, un rapport présentant les mesures déjà prises et celles envisagées pour diminuer l'exposition humaine à ces produits est adressé par le Gouvernement au Parlement. Suite à l'adoption de cette loi, la France a informé la Commission européenne de cette parution, conformément au règlement (CE) n° 1935/2004 relatif aux matériaux et objets destinés à entrer au contact des denrées alimentaires. En effet, en raison de l'évaluation des données existantes, les autorités françaises ont conclu à la nécessité de suspendre l'emploi des biberons en polycarbonate justifiant l'activation de la mesure de sauvegarde prévue dans ce règlement.