http://www.senat.fr/questions/base/2018/qSEQ181208347.html
Question écrite n° 08347 de M. Henri Cabanel (sénateur de l’Hérault)
Henri Cabanel appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la précarité alimentaire qui frappe les foyers les plus modestes et notamment les mères seules. Cette situation semble malheureusement s'installer en France.
Alors qu'une alimentation équilibrée est un gage de longévité en bonne santé, il apparaît, d'après un sondage Ipsos réalisé début septembre 2018, qu'un cinquième de nos concitoyens ne parviennent même pas à se nourrir quotidiennement. Ainsi, près d'un Français sur deux dont les revenus mensuels sont inférieurs à 1 200 euros – soit l'ordre de grandeur du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) que les Français considère comme le seuil de pauvreté selon cette étude, au-dessus du seuil officiel – estime ne pas être en mesure de s'offrir une alimentation variée ni de faire trois repas par jour.
La consommation de fruits et légumes, au quotidien, et de poisson et viande, de façon régulière, apparaît comme un luxe pour de nombreux foyers qui ont alors recours aux associations d'aide alimentaire. L'alimentation est devenue la variable d'ajustement de trop nombreuses familles aux budgets extrêmement contraints. Précédant l'expression des gilets jaunes, de nombreux observateurs ont vu dans cette précarité alimentaire la manifestation d'un niveau de pauvreté insidieux dans les pays développés, qu'il convient de réduire.
Il lui demande, au-delà des aides financières générales annoncées face au mouvement des gilets jaunes, quelles mesures spécifiques le Gouvernement entend mettre en place pour améliorer l'alimentation de celles et ceux qui ne disposent que de moyens modestes.
Réponse du Ministère de l'agriculture et de l'alimentation publiée dans le JO Sénat du 04/04/2019 p.1807
La précarité alimentaire est un facteur d'injustice sociale qui atteint les Français les plus modestes, nuit à leur développement personnel et obère leur avenir, que ce soit celui des mères seules et de leurs enfants mais aussi celui des personnes les plus âgées. La lutte contre celle-ci demeure une priorité du Gouvernement affirmée tant dans la feuille de route issue des états généraux de l'alimentation qui se sont déroulés de juillet à décembre 2017 que dans le cadre de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté annoncée par le président de la République le 13 septembre 2018.
Ainsi, la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessibles à tous, dite loi EGALIM, introduit un nouvel axe de lutte contre la pauvreté et les exclusions dans le code de l'action sociale et des familles : la lutte contre la précarité alimentaire. L'encadrement de l'aide alimentaire est transféré à cette occasion du code rural et de la pêche maritime au code de l'action sociale et des familles.
La lutte contre la précarité alimentaire est définie comme ayant pour objectif de favoriser l'accès à une alimentation favorable à la santé aux personnes en situation de vulnérabilité économique ou sociale. Elle est reconnue comme un dispositif de lutte contre les exclusions et la pauvreté. En plus du volet nutritionnel, elle participe au développement des capacités des personnes à agir pour elles-mêmes. La définition de l'aide alimentaire, qui contribue à lutter contre la précarité alimentaire, inclut désormais la proposition d'un accompagnement. Sa contribution au renforcement du lien social et à l'insertion est reconnue.
La loi élargit ainsi l'approche de cette politique : au-delà de l'encadrement d'un dispositif (l'aide alimentaire), elle définit un objectif (l'accès à une alimentation favorable à la santé pour tous). Sur la base de cet article, la lutte contre la précarité alimentaire est déclinée par la loi EGALIM dans les politiques publiques portées par le programme national pour l'alimentation et le programme national nutrition santé. La loi EGALIM a étendu les dispositions prévues dans la loi n° 2016-138 du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire, dite loi Garot, à l'ensemble de la restauration collective, ainsi qu'à certains opérateurs de l'industrie agroalimentaire, dans le but d'augmenter la quantité des dons reçus par les associations habilitées d'aide alimentaire. Le Gouvernement, dans le cadre des ordonnances prévues à l'article 88 de la loi EGALIM travaille actuellement à la mise en place de ce dispositif en lien avec les acteurs concernés pour que celui-ci puisse entrer en vigueur au plus tard le 30 octobre 2019. Un décret sera également pris en application des dispositions prévues à l'article 63 de la loi EGALIM relatif à la qualité du don qui doit être améliorée.
La stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté prévoit quant à elle des mesures spécifiques pour améliorer l'accès à l'alimentation des enfants, à savoir la mise en place d'une offre ciblée de petits déjeuners à l'école, l'incitation des communes à proposer des tarifs sociaux pour les cantines scolaires et la généralisation du programme Malin, relatif à l'accès à l'alimentation infantile.
La lutte contre la précarité alimentaire passera également par les projets alimentaires territoriaux, qui seront soutenus tout au long des cinq prochaines années, soit la durée du programme national de l'alimentation. En identifiant de manière fine les besoins et les ressources existantes, ces projets sont des outils mobilisables qui permettent, avec la participation des acteurs locaux, de dégager des solutions en vue d'apporter aux personnes en situation de précarité alimentaire sur un territoire donné, une aide la plus adaptée et la plus durable possible. Enfin, le ministère des solidarités et de la santé continue d'accompagner les associations habilitées d'aide alimentaire, au titre de l'action 14 du programme 304 (aide alimentaire) et à travers le fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD) pour la période 2014-2020. Cet instrument, qui finance près de 30 % de l'aide alimentaire distribuée en France à travers des campagnes annuelles d'achat de denrées à hauteur de 80 M€, permet d'aider près de 5 millions de personnes qui souffrent de précarité alimentaire.
Dans le cadre de la prochaine programmation 2021-2027 de l'Union européenne, les autorités françaises soutiennent, d'une part, la reconduction d'un instrument européen dédié à la lutte contre la privation matérielle, qui apporte une réelle visibilité pour le socle européen des droits sociaux adopté en novembre 2017, et s'engagent, d'autre part, à maintenir l'enveloppe actuelle du FEAD pour les associations d'aide alimentaire, que ce soit sur crédits européens ou nationaux.