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bourse : perversité des primes (31 01 2008)

La perversité des primes

Article lu sur le site du Monde le 29 janvier 2008

 

 

Comment un jeune trader de la Société générale a-t-il pu investir 50 milliards d'euros et pourquoi a-t-il été si imprudent ? Comment, dans la même banque, établissement jusque-là réputé pour son sérieux et la qualité de son système de contrôle, ses collègues ont-il pu perdre 2 milliards dans les crédits hypothécaires américains ? La réponse a été indirectement donnée à Davos, la semaine dernière, par le patron de la banque américaine JP Morgan Chase : "Dans la finance actuelle, il faut être extrêmement courageux pour ne pas prendre un risque qui peut vous rapporter de l'argent", a expliqué James Dimon.

 

Tout est là. Du commercial qui vend un prêt immobilier à un particulier sans doute insolvable au trader rémunéré sur ses profits à court terme ou au banquier d'affaires qui supervise une fusion ou une OPA, tous reçoivent des primes directement liées aux gains immédiats qu'ils procurent à leur employeur. La pertinence à moyen terme de leurs décisions n'est pas prise en compte. Quant au PDG de la banque, il a certes intérêt à la bonne santé de son établissement et à la bonne tenue de son cours de Bourse, mais le parachute doré qu'il recevra de toute façon en cas de départ précipité (environ trois ans de salaire) lui offre une assurance tous risques.

De toute évidence, le système n'est pas cohérent. Les montants - 66 milliards de dollars de primes ont été accordés en 2007 par les cinq premières banques américaines - sont d'autant moins justifiés que les critères d'attribution sont malsains, voire opaques. Le fait même que Jérôme Kerviel ait demandé à recevoir une prime double de celle qu'il a finalement obtenue prouve que tout est négociable et que le système fonctionne en grande partie "à la tête du client".

Adopter une plus grande transparence est nécessaire mais insuffisant. Il faut repenser les mécanismes de rémunération de ce secteur en introduisant bien davantage de critères à moyen terme. Comme, de toute évidence, une seule banque ne peut pas être vertueuse et que l'on peut difficilement attendre des banquiers qu'ils se sacrifient sur l'autel de l'intérêt général, il faut que le problème soit résolu à un niveau supérieur.

En raison de l'importance de ce secteur dans l'économie mondiale, les autorités politiques ou les régulateurs du secteur bancaire devraient se saisir du problème. Dans un récent éditorial, même le libéral Financial Times en convenait. Les professionnels de la finance oublient trop souvent qu'ils ne vivent pas dans un monde virtuel. Leur rôle dans l'économie mondiale est de gérer et de répartir la rareté monétaire. Cette mission n'est pas compatible avec des gains immédiats réalisés au détriment de tous les autres acteurs de l'économie.

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