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défis énergétiques de l'Europe (30 01 2008)

Les nouveaux défis énergétiques de l'Europe

 

Article de Mme Maïté Jauréguy Naudin lu le 28 janvier 2008 sur le site de La Tribune

 

 

 

 

Maïté Jauréguy Naudin, chercheur à l'Institut français des relations internationales (Ifri), décrypte le "paquet" Energie et climat que la Commission européenne vient de présenter. Selon elle, la crédibilité de l'Europe en matière de lutte contre le changement climatique dépend de sa capacité à réduire ses émissions de CO2 de manière significative.

 

 

Sécurité des approvisionnements, compétitivité et lutte contre le changement climatique sont les trois grands axes de la politique européenne de l'énergie. A ces objectifs globaux, souvent contradictoires, s'ajoutent les engagements ambitieux souscrits par les gouvernements en mars dernier : améliorer l'efficacité énergétique de 20%, porter à 20% la part des énergies renouvelables (hors nucléaire) dans le bouquet énergétique et diminuer les émissions de CO2 de 20% par rapport à leur seuil de 1990.

La Commission n'avait donné jusqu'ici que peu d'indications quant aux moyens à mettre en oeuvre pour la réalisation de ces objectifs. C'est chose faite depuis la présentation le 23 janvier du "paquet" énergie et climat. Celui-ci contient en particulier un projet de directive qui entend élargir et renforcer le système européen d'échange de droits d'émissions du CO2, European Trading System (EU ETS), et prendra la suite du système provisoire mis en place de 2005 à 2007 et de 2008 à 2012.

 

Pierre angulaire de la stratégie européenne de réduction des gaz à effet de serre (GES) et premier marché de ce type par sa taille, l'EU ETS ambitionne, en donnant un prix au CO2, de promouvoir une industrie faiblement carbonée. Après que chaque pays a alloué - gratuitement - des allocations aux installations relevant de l'EU ETS (à peu près 12.000 installations des secteurs industriels parmi les plus émetteurs de CO2 : électricité, ciment, fer et acier, verre et papier), le système organise les échanges de quotas d'émissions.

 

 Le nouveau projet de directive, complexe, suppose dès 2013 des contraintes progressives pour aboutir en 2020 à la réalisation de l'objectif de réduction de 20% des émissions de CO2. Les actions gratuites disparaissent progressivement au profit d'un système d'enchères.

 

En appliquant le principe "pollueur payeur", le système permettra d'éviter les rentes injustifiées dont avaient bénéficié les installations les plus émettrices de CO2. Il favorise également plus de transparence et permet d'éviter les actions de lobbying des Etats qui cherchaient à maximiser la quantité des quotas qui leur était allouée.

 

L'allongement, encore relatif, de la période d'exercice favorise par ailleurs de nouveaux projets aux perspectives à plus long terme tels que les énergies renouvelables ou le nucléaire. Si ces ajustements sont nécessaires, il n'en reste pas moins que leur mise en oeuvre suscite maintes interrogations.

 

Comment le prix des enchères se reliera-t-il au prix du marché ? Les revenus engendrés devraient être investis pour partie seulement dans la recherche et le développement pour lutter contre le changement climatique : comment seront-ils distribués ? Pourquoi favoriser les Etats les plus "pollueurs" en attribuant le produit des enchères aux Etats membres ? En l'absence d'un accord international, comment protéger la compétitivité de certaines des industries européennes, particulièrement les secteurs du ciment et de l'acier ?

 

La répercussion du prix du carbone dans les coûts de production favoriserait, d'une part, leurs principaux concurrents, en Chine ou en Inde, et pourrait, d'autre part, entraîner des délocalisations vers des pays non soumis à une "régulation carbone". Intégrer les importateurs dans l'EU ETS ou instaurer une taxe aux frontières nécessitent des discussions préalables avec les pays concernés. Suite à une forte mobilisation des grands consommateurs d'électricité, la Commission repousse à 2010 les décisions les concernant.

 

Enfin, comment l'EU ETS peut-il se relier à un système mondial ? Il n'est pas exclu que les Etats-Unis participent à terme à un schéma de ce type, les industries tant aux Etats-Unis qu'en Australie y semblent aujourd'hui favorables.

 

Quelle sera l'implication des pays en voie de développement qui ont accepté de mesurer leurs émissions mais restent hostiles à des engagements chiffrés ? Bali a montré des progrès mais il paraît difficile d'envisager une internationalisation du système avant la conférence de Copenhague (2009), où un nouvel accord de protection du climat devrait prendre la suite du protocole de Kyoto.

 

A un an des prochaines élections européennes, la Commission semble vouloir agir rapidement pour se doter des outils qui lui permettront de mener à bien sa politique énergétique. Soumise en interne aux pressions d'acteurs aux intérêts divergents, la Commission perd une opportunité de rendre simples, efficaces et équitables les règles du jeu de son principal instrument de réduction des émissions de CO2. La crédibilité de l'Europe en matière de lutte contre le changement climatique dépend pourtant de sa capacité à réduire ses émissions de CO2 de manière significative.

 

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