Article de M. Jean-Yves Ruaux lu le 19 février 2008 sur le site Seniorscopie
Professionnels et associations concernés par le grand âge se sont rassemblés mercredi 13 février pour faire part de leur déception à l'égard du Plan de lutte Sarkozy contre l'Alzheimer. Ils approuvent les bonnes intentions, mais sont dubitatifs sur les moyens. Ils insistent sur la nécessité de formation de tous les échelons de personnels au contact des malades, la nécessité de reconsidérer les rémunérations, les craintes que leur inspire l'emploi de chômeurs insuffisamment formés auprès des aînés en difficulté. Ils demandent aussi un état des lieux pour parvenir à distinguer les apports des plans successifs (Raffarin, Villepin...).
A l'issue d'une conférence de presse tenue mercredi 13 février au siège de France Alzheimer, Pascal Champvert, président de l'AD-PA (syndicat de responsables d'établissements et de services), Janine Dujay-Blaret, vice-présidente du CNRPA et de la CNSA, Guy Le Rochais, vice président délégué de l'Association France Alzheimer, Jean-Marie Vetel, président du Syndicat national de gérontologie clinique, Gérard Vincent, délégué général de la Fédération hospitalière de France, ont publié un communiqué. Ils y jugent avec sévérité le Plan Alzheimer dévoilé récemment par le président Sarkozy.
Ils en saluent essentiellement l'existence puisque "il tient compte d'une partie des demandes des familles et des professionnels". Pour le reste, ils craignent que le plan ne produise qu'un effet de superposition avec les mesures des dernières années : "les Plans précédents (Kouchner 2001, Douste-Blazy 2004) faisaient déjà part de ces constats proposant des mesures qui n'ont été mises en place que très partiellement".
La France mal classée pour le diagnostic
Ils jugent même que le plan en question entraîne une sorte de confusion et demandent : "un état des lieux permettant le suivi des mesures et des indicateurs épidémiologiques, qui constitueront des points d'ancrage indispensables avant de répartir des financements pour ensuite en évaluer la qualité et la pertinence et les réalisations concrètes".
Ils regrettent que l'accent ne soit pas suffisamment mis sur la prévention. Or, "il s'agit aujourd'hui de dresser le bilan quantitatif et qualitatif du service rendu aux personnes malades. Il n'est pas acceptable que la France a un des délais les plus longs d'Europe entre les premiers troubles et le diagnostic."
On pourrait lister les autres revendications. Elles vont du fait de solvabiliser le plan annoncé, qui ne semble l'être que très imparfaitement, à l'amélioration de la formation des médecins exerçant déjà, en leur offrant une vraie formation diplômante. Les gériatres relèvent aussi qu'il faut substituer une médecine lente, permettant des consultations approfondies, à une médecine rapide, rémunérée en tant que telle.
"Dominique de Villepin avait promis le financement..."
Parmi les regrets et suggestions, on trouve évidemment l'augmentation du ratio de personnel au chevet du patient qu'il faudrait doubler au regard des standards actuels : "Le nombre de personnel dans les établissements d'hébergement ne permet pas un accompagnement suffisant. Ce taux est de 4,5 professionnels pour 10 résidents alors qu'il est de 8 à 12 professionnels dans les autres pays européens comparables. La mise en œuvre du Plan solidarité grand âge annoncé par Dominique de Villepin avait promis le financement de 10 professionnels pour 10 résidents pour les malades les plus fragiles."
Une meilleure formation des personnels soignant à la prise en charge de la démence est réclamée, alors que le malade peut être traumatisé par la perspective d'un bain et devenir agressif si celui-ci n'est pas donné selon un protocole rassurant. Associations et professionnels se sont également montrés très dubitatifs sur la perspective de la participation de chômeurs, qu'ils jugent insuffisamment formés, ouverte par le plan métiers du grand âge, annoncé le 12 février par la secrétaire d'Etat à la Solidarité, Valérie Létard.
La question du financement des séjours en maison de retraite est lui aussi sur la sellette dans la mesure où, en dépit de l'Apa, une contribution de plus de 60% des aidants ou des personnes demeure souvent à leur charge.
Les déments sont des "emmurés vivants"
La mention du fait que les déments sont des "emmurés vivants", par le président de la République, a été perçue comme une vraie marque d'intérêt de sa part. En revanche, la focalisation sur la maladie d'Alzheimer semble trop restreinte puisque d'autres démences séniles font, elles aussi, un nombre de victimes important et pourraient ne pas retenir autant l'attention.
Autre "signe fort" enregistré : la mention par le président Sarkozy de la recherche du consentement du malade, et non plus seulement de l'accord de sa famille. En revanche, l'ensemble des signataires juge que la rédaction des points juridiques encadrant la mise en œuvre du plan est insuffisamment précise : "Plusieurs points sont à traiter de manière urgente : la sécurité juridique des malades (droits, situation juridique, protection) mais également celle des établissements et des services à domicile (liberté d'aller et venir). En l'absence de cadre juridique clair, ces responsables de structures sont des professionnels exposés à tous les recours juridiques (et notamment devant le juge pénal)."
Par ailleurs, l'Association des familles en Alzheimer juge négativement le maintien de la discrimination entre les malades diagnostiqués avant 60 ans (plus de 30 000) et leurs aînés : "Les premiers continueront de bénéficier de la Prestation de compensation du handicap, comme de la reconnaissance de l'invalidité à 80%, les seconds continueront de bénéficier de l'Apa. Avant 60 ans on est malade, après 60 ans on est vieux. Principe d'exclusion de droits en rapport avec l'âge."
Les professionnels formulent une réserve analogue sur le dispositif annoncé. De la même façon, ils se montrent très réservés sur la réalité des accueils de jour annoncé. Ils notent que les obligations économiques de taux de remplissage faites aux établissements ne leur permettent pas forcément d'ouvrir de vrais accueils de jour en nombre suffisant.
Ils notent, par ailleurs, que dans ce domaine, le temps n'est plus celui de "l'expérimentation" mais du passage à l'acte, contrairement à la formulation du Plan.