Article de Mme Gaëlle Fleitour lu le 7 juillet 2008 sur le site du Monde (cliquer ici pour accéder à l‘article original)
http://www.lemonde.fr/aujourd-hui/article/2008/07/07/derriere-l-etiquette-verte-plusieurs-recettes_1067241_3238.html#xtor=EPR-32280123&ens_id=628865
Logo vert sur le produit ou indication sur le ticket de caisse, l'étiquetage environnemental des denrées alimentaires a fait son apparition dans les supermarchés E. Leclerc et Casino. Simple démarche marketing ? Pas seulement. Ces initiatives ont reçu l'aval de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), sésame optionnel mais précieux. L'agence a apporté son expertise, ainsi que 113 000 euros à E. Leclerc et 180 000 euros à Casino, pour aider de petites sociétés d'ingénierie à concevoir des méthodologies de calcul du "bilan carbone", la masse de CO2 rejetée lors du transport et de la production de chaque produit.
Fondée en mai 2007, la société Greenext s'est lancée la première avec Thomas Pocher, le directeur des centres E. Leclerc de Templeuve et Wattrelos, dans le Nord. Depuis avril, on y trouve, affichée en rayon, la quantité estimée de gaz à effet de serre de plus de 20 000 références, et indiqué sur le ticket de caisse le bilan carbone du chariot de supermarché (Le Monde du 9 juin). Caroline Alazard, directrice de Greenext, a souhaité baser sa méthode de calcul sur la pédagogie. L'affichage a été une évidence : "C'est le meilleur moyen d'interpeller le consommateur. Alors que l'étiquetage est difficilement mis à jour à cause des stocks ; de plus il dépend du bon vouloir des producteurs qui fabriquent les emballages."
PARCOURS DU PRODUIT
Le bilan carbone affiché prend en compte le parcours du produit, de l'extraction des matières premières jusqu'au traitement des déchets. Mais il s'agit d'une analyse de cycle de vie (ACV) simplifiée, car calculée pour un produit générique - regroupant des produits aux compositions et aux procédés de fabrication quasi similaires - et représentatif d'un rayon. Le même indice est donc affiché pour un yaourt nature et un yaourt aromatisé à la fraise, quelle que soit sa marque, et fait l'impasse sur les grammes de carbone de différence.
En partant de données nationales sur plus de 600 articles génériques, les bilans carbone ont été affinés en fonction de l'impact des centres E. Leclerc et du type de conditionnement (poids, volume, matériau de l'emballage). Les émissions liées à l'origine et aux modes de transport des produits - de la sortie d'usine aux magasins - ne sont donc pas encore prises en compte dans le résultat affiché, hormis pour les produits frais. Mais un site Internet devrait collecter en fin d'année les données des fabricants. Un bilan carbone sera alors identifié pour chaque référence et permettra la comparaison entre les marques.
Cette méthode du "générique" a permis un affichage ultrarapide sur la quasi-totalité du rayon alimentaire des deux Leclerc, et n'a coûté que 300 000 euros alors qu'une ACV complète revient à 50 000 euros par article. Bien que non finalisé, le bilan carbone permet au client de comprendre comment économiser pour lui et pour la planète, estime Thomas Pocher. "En privilégiant les achats de produits en grand conditionnement, en évitant les suremballages et le verre,on peut diviser par deux le montant des courses et réduire de 20 % les émissions du bilan CO2."
Casino, lui, a préféré l'étiquetage. Ne trouvant aucune méthodologie internationale adaptée aux attentes du distributeur, la société Bio Intelligence Service, forte de vingt ans d'expérience en ACV, a développé la sienne. Un travail titanesque de six mois à un an par référence. "On part de la recette, explique son président, Eric Labouze. On retrace alors la chaîne de chaque ingrédient pour identifier les actes effectués et les impacts environnementaux, en partant du champ jusqu'au produit fini." Une fois la somme de toutes les émissions de carbone calculée, l'indice carbone est exprimé pour 100 grammes de produit, afin de faciliter la comparaison. La première ACV réalisée, des économies d'échelle sont effectuées pour les articles proches en réutilisant les bases de données constituées. 500 produits ont ainsi été étudiés en un an. Mais seulement huit références sont étiquetées depuis juin, plus de 3 000 à terme. Sur l'emballage de ces produits apparaît, en vert, l'indice carbone et, au dos, une réglette évaluant l'impact sur une échelle de sept niveaux.
Les articles étiquetés sont tous issus de la marque Casino. L'expérimentation ne permet donc pas la comparaison entre les marques. Chez E. Leclerc et Casino, on invoque la volonté de ne pas stigmatiser les fabricants, mais plutôt de les inciter, à terme, à participer à cet étiquetage.
En janvier, les enseignes du commerce et de la distribution ont signé une convention "écoresponsable" qui les engage à définir une méthode commune de calcul et d'affichage du bilan carbone, pilotée par l'Ademe. A partir de 2011, cet affichage devrait être obligatoire pour tous les produits. Pour Chantal Jouanno, directrice de l'Ademe, "la future méthodologie ira plutôt dans le sens de celle de Bio Intelligence Service, dont l'ACV est plus complet que celle de Greenext, pourtant très pédagogique". Elle intégrera d'autres impacts environnementaux et devrait permettre de donner un "coût environnemental" au produit.