Automobiles électriques : batteries
http://www.senat.fr/questions/base/2009/qSEQ091010651.html
Question écrite n° 10651 de M. Roland Courteau (sénateur socialiste de l’Aude)
M. Roland Courteau rappelle à M. le ministre chargé de l'industrie ses récents propos par lesquels il indiquait qu'il ne lui plairait pas « qu'un constructeur français [de véhicules électriques] utilise une batterie Mitsubishi si une batterie française de même qualité existe ».
Il lui précise que de tels propos sont évidemment fort louables, mais il lui demande cependant s'il est en mesure de lui indiquer quelles entreprises françaises ou même européennes ou autres que japonaises, disposent des technologies et des savoir-faire susceptibles de leur permettre de fournir des batteries de même qualité et, dans la négative, il lui demande de bien vouloir lui en faire connaître les raisons
Réponse du Ministère chargé de l'industrie publiée dans le JO Sénat du 21/01/2010 - page 133
Les fournisseurs potentiels de batteries pour véhicules électriques et hybrides sont en nombre restreint dans le monde. En effet, le travail de mise au point, de validation et de recherche de compromis entre des exigences parfois contradictoires impose des efforts importants et de très longue haleine. À titre d'exemple, les premiers travaux sur la technologie lithium-ion datent du début des années 1990, alors que la commercialisation des batteries de ce type pour les véhicules hybrides et électriques en est aujourd'hui à ses débuts.
Les investissements matériels et de recherche et développement (R&D) dans une usine de batteries adaptés à une production de 100 000 véhicules par an sont évalués à plusieurs centaines de millions d'euros. Le secteur des batteries est relativement concentré et dessert un marché schématiquement séparé en deux parts à peu près égales : d'une part, les batteries au plomb, essentiellement utilisées pour le démarrage des automobiles, dont les fournisseurs sont quelques très grandes entreprises américaines, japonaises ou allemandes (Johnson Controls, Exide, Bosch, Denso...) et, d'autre part, les batteries de technologies nickel-métal hydrure ou lithium-ion pour matériels grand public, téléphones portables ou ordinateurs, aux mains de quelques entreprises asiatiques - japonaises, coréennes et chinoises -, qui maîtrisent la fabrication de batteries en grande série et à coûts maîtrisés (BYD, LGChem, Yuasa, Panasonic, NEC...).
En France, des efforts sont menés de longue date pour accompagner le développement des batteries pour véhicules hybrides et électriques. La société Saft, associée à Johnson Controls, fait figure d'exception, avec un positionnement centré sur les applications industrielles et militaires, utilisant des technologies d'électrochimie plus performantes et beaucoup plus variées. Avec 600 millions d'euros de chiffre d'affaires, Saft est dix fois plus petit que le leader du secteur, son partenaire Johnson Controls. De même, le groupe Bolloré a développé avec sa filiale BatScap une batterie basée sur la technologie lithium-ion polymère, qui équipera un véhicule dont la commercialisation devrait intervenir dès 2010.
L'émergence du véhicule électrique et de l'hybride est l'occasion de rebattre les cartes du secteur. En effet, le marché attendu est supérieur en valeur à l'ensemble du marché actuel des batteries. Toutefois, les exigences sont extrêmes, notamment du fait des contraintes en matière de capacité de stockage (autonomie), de durée de vie (rentabilité de la solution électrique) et de sécurité. Aujourd'hui, la technologie lithium-ion, et ses différentes déclinaisons (électrodes fer-phosphate, ou nickel-cobalt, ou titanates ; technologie lithium-ion polymère...) bénéficie d'un consensus mondial, la quasi-totalité des acteurs jugeant qu'elle offre le meilleur compromis pour les prochaines années.
Dans ce contexte, des alliances ont été annoncées entre constructeurs et fournisseurs de batteries (Toyota-Panasonic, Nissan et Renault-NEC, Ford-Johnson Controls et Saft...). Des intervenants nouveaux peuvent aussi émerger : Bosch a ainsi créé un joint-venture avec le coréen LG Chem pour développer une technologie, aux États-Unis, des start-up se sont créées (A123, Valence...) et Dassault a conclu un accord avec Dow Kokam afin de constituer une alliance associant ses compétences dans la gestion électronique de batteries et celles de Kokam (Corée) dans les batteries aux savoir-faire du chimiste Dow.
L'ambition du Gouvernement est que la France prenne une part active dans la filière des batteries pour véhicules électriques et hybrides, qui offre un potentiel important de création d'emplois et constitue une part importante de la valeur ajoutée du véhicule décarboné. À cet effet, le Gouvernement a mis en place un dispositif complet et cohérent d'outils, allant des soutiens à la R&D, notamment dans le cadre des pôles de compétitivité, à l'accompagnement à l'industrialisation, par exemple avec le Fonds stratégique d'investissement (FSI).
Ainsi, il a soutenu les investissements à Nersac du joint-venture entre Johnson Controls et Saft, qui dispose d'une technologie reconnue par Mercedes et BMW, pour des batteries de véhicules hybrides. Il a également décidé d'accompagner très fortement le projet de Renault, de Nissan et du CEA de créer à Flins un site de production de batteries lithium-ion, mais aussi un important centre de recherche à Grenoble, qui permettra de développer une batterie de nouvelle génération. Ce projet fera l'objet d'un investissement de 125 M€ du FSI et bénéficiera également de prêts bonifiés de l'État. Ce dispositif de prêts bonifiés reste ouvert en 2010 à l'ensemble des acteurs, notamment à PSA, qui aujourd'hui coopère avec Mitsubishi dans le domaine du véhicule électrique et qui développe d'autres projets, par exemple en matière de véhicules hybrides, pour lesquels il n'a pas encore exprimé de choix de fournisseur de batteries.