http://www.senat.fr/questions/base/2011/qSEQ11111472S.html
Question orale sans débat n° 1472S de M. Michel Teston (sénateur socialiste de l’Ardèche)
M. Michel Teston appelle l'attention de M. le ministre chargé des transports sur les dessertes intérieures par autocar.
La législation européenne permet l'ouverture à la concurrence des dessertes intérieures de transport routier de voyageurs par voie de cabotage, dans le cadre des services internationaux. Ainsi, un autocar effectuant une liaison internationale régulière peut prendre des passagers dans une ville française et les déposer dans une autre ville française.
En application de ces dispositions, le ministre a autorisé des entreprises européennes et notamment françaises à exploiter 235 dessertes interrégionales de transport par autocars, effectués dans le cadre de services internationaux. Or, il envisage d'aller plus loin en déposant un projet de loi portant diverses dispositions dans le domaine des transports et de la mer. Ce projet de loi prévoit notamment l'ouverture de lignes routières nationales.
Si le développement de la mobilité durable et de l'intermodalité est une préoccupation pour chacun d'entre nous, il n'en demeure pas moins que l'ouverture de lignes régulières nationales de transports de voyageurs par autocar est susceptible d'avoir des conséquences importantes sur le transport ferroviaire, qu'il s'agisse des trains d'équilibre du territoire ou des TER. Avec une ouverture non contrôlée, il existe un risque de concurrence accrue entre les modes routier et ferroviaire
Il souhaite donc connaître précisément les conditions dans lesquelles cette ouverture pourrait se faire et, particulièrement, quelles mesures le Gouvernement entend prendre afin d'éviter une concurrence « frontale » entre ces deux modes de transports qui doivent rester complémentaires. Il souhaite obtenir des précisions sur la concertation nécessaire qui devra être entreprise avec les régions qui ont beaucoup investi pour le développement des TER ferroviaires qui risquent de pâtir de la concurrence des lignes routières mais aussi avec la SNCF qui investit pour rénover le matériel utilisé sur les lignes d'équilibre du territoire.
Réponse de M. Thierry Mariani Ministre chargé des transports publiée dans le JO Sénat du 22/02/2012 p. 1393
Monsieur le sénateur, vous l'avez dit, le Gouvernement est particulièrement attaché au développement du transport par autocars. En effet, ce mode de transport n'est pas utilisé à son plein potentiel. Son développement offrira à un nombre croissant d'usagers des transports la possibilité de voyager à des conditions tarifaires abordables.
Le développement de l'autocar est également un enjeu important de la politique européenne des transports et bénéficie, à ce titre, du soutien de l'Union européenne. Plusieurs dispositifs permettront de favoriser ce développement.
Tout d'abord, vous l'avez rappelé, il y a l'ouverture à la concurrence des dessertes intérieures de transport routier de voyageurs par voie de cabotage sur des liaisons internationales. L'application des nouvelles dispositions européennes dans ce domaine a permis d'autoriser plus de 200 dessertes de ce type en France depuis le 1er septembre dernier.
J'ajoute que je me suis personnellement rendu au départ des bus de plusieurs de ces lignes, dont le succès est manifeste : pour une partie de la population qui n'a pas les moyens de se payer un billet de train ou encore pour ceux qui n'ont pas les mêmes contraintes de temps que d'autres usagers, c'est un moyen de transport parfaitement adapté.
Ensuite, le Gouvernement proposera, dans le cadre d'un prochain projet de loi actuellement en cours d'examen par le Conseil d'État, de faciliter la mise en place de lignes intérieures d'autocars d'intérêt national par des opérateurs privés, sous réserve de l'obtention d'une autorisation préalable de l'État. J'espère avoir l'occasion de présenter ce texte en Conseil des ministres avant les prochaines échéances électorales ; il appartiendra, bien sûr, à la majorité qui suivra de décider de l'issue qu'elle lui réservera.
Le développement de l'offre de services routiers, et je vous rejoins sur ce point, doit se faire de manière complémentaire par rapport au mode ferroviaire ; il s'agit non pas de mettre en concurrence les modes de transport, en opposant le ferroviaire au routier, mais de diversifier l'offre offerte aux usagers afin de répondre aux divers besoins de mobilité de nos concitoyens. C'est la raison pour laquelle la mise en place d'un nouveau service routier est, dans les deux dispositifs que je viens d'évoquer - cabotage international ou nouvelles possibilités qui pourraient être offertes si le projet de loi en cours d'examen au Conseil d'État venait à être adopté -, subordonnée à une autorisation préalable de l'État, qui peut refuser de la donner s'il y a un risque pour l'équilibre économique d'une liaison en TER ou en TET. Cette procédure me paraît tout à fait de nature à apaiser vos craintes.
Ce principe de non-concurrence avec les transports ferroviaires est d'ores et déjà inscrit sur le plan législatif pour le cabotage international. Il est également repris dans le projet de loi concernant le développement des lignes intérieures d'autocars d'intérêt national.
J'ajoute que toute demande d'autorisation d'une nouvelle liaison par autocar donne lieu à une consultation des autorités organisatrices de transport concernées, notamment les régions, afin de recueillir leur appréciation des impacts potentiels sur les services ferroviaires dont elles ont la charge préalablement à toute décision.
Le Gouvernement a donc pris l'ensemble des précautions nécessaires pour que le développement des services par autocars ne se fasse pas au détriment du transport ferroviaire, mais qu'il offre au plus grand nombre des transports collectifs attractifs.
On constate chez nos voisins, notamment du sud de l'Europe, que les transports par autocars sont parfaitement complémentaires des autres modes de transports. Je serais d'ailleurs étonné que le sénateur de l'Ardèche dise à l'ancien député du Vaucluse que les autocars n'ont pas parfois leur utilité, à condition, bien sûr, que le service soit bien organisé et que le recours aux autocars ne vienne pas détruire les efforts consentis par les régions, avec le soutien de l'État, en faveur de lignes de TER ou de TET. Sur ce point, je le répète, je vous rejoins à 100 %, monsieur Teston : ce mode de transport est aujourd'hui sous-utilisé et son développement serait de l'intérêt de tous.
M. Michel Teston. Il existe en effet une clientèle - je pense en particulier aux jeunes - pour les dessertes intérieures par cabotage dans le cadre de services internationaux de transport routier de voyageurs. Ces services peuvent aussi permettre à l'industrie française de vendre des autocars pour peu que les transporteurs concernés n'oublient pas, lors des appels d'offres, de consulter le seul constructeur français d'autocars de moyenne gamme et haut de gamme. Ses usines sont installées à Annonay, en Ardèche...
Cela étant, tout le monde sait bien que ces services, et plus encore ceux dont vous envisagez la mise en place avec l'ouverture de lignes routières nationales, monsieur le ministre, risquent d'entrer en concurrence frontale non seulement avec un certain nombre de lignes TER ferroviaires, mais aussi avec des lignes d'équilibre du territoire, lesquelles sont subventionnées par l'État. Or il serait pour le moins souhaitable qu'il y ait une bonne complémentarité entre les deux modes de transport.
Vous vous voulez rassurant en indiquant que toutes les précautions sont prises. Permettez tout de même que l'on ait des doutes. J'y insiste donc : nous sommes - moi en particulier - très attachés à ce que ne soit pas mis en place à un dispositif qui aboutisse à la suppression des lignes d'équilibre du territoire lorsque le contrat actuel entre la SNCF et l'État sur ces lignes arrivera à son terme, car nous aurions alors profondément déséquilibré le système tout en favorisant le transport routier par rapport au transport ferroviaire.