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Le travail domestique : volume 2010 (3/3) (30 11 2012)

Nous proposons sur 3 jours consécutifs une très intéressante analyse de Madame Delphine Roy, publiée le 22 novembre 2012 sur le site de l’INSEE (cliquer ici pour accéder au site de l’INSEE)

http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1423.html

Résumé

Chaque jour, en moyenne, nous consacrons plus de 3 heures à des tâches domestiques (cuisine, ménage, courses, soins aux enfants, etc.). Ce faisant, nous produisons des services dont nos proches et nous-mêmes pouvons profiter. Mais ces services ne sont pas comptabilisés dans le produit intérieur brut (PIB), alors qu’ils le seraient si nous les achetions, sous la forme par exemple d’heures de ménage. Dans une optique de mesure élargie des niveaux de vie, il importe de connaître la valeur de cette production. Selon les activités que l’on retient comme productives, le temps consacré à la production domestique sur une année en France représente une à deux fois le temps de travail rémunéré. Avec des choix intermédiaires de champ et de valorisation, cette production est évaluée à 33 % du PIB. Ce travail est majoritairement réalisé par les femmes (64 % des heures de travail domestique).

Sommaire

·         Le travail domestique augmente le niveau de vie des ménages

·         Le « halo » du travail domestique

·         Graphique et tableau

·         Pour les mères en couple, une semaine de 34 heures de travail domestique

·         Une à deux fois le temps de travail rémunéré

·         33 % du PIB selon une valorisation intermédiaire

·         Un enjeu pour les comparaisons internationales

Encadré

·         Définition du travail domestique : critères admis et points en suspens

…/…

Une à deux fois le temps de travail rémunéré

Au niveau macroéconomique, en 2010, entre 42 et 77 milliards d’heures de travail domestique ont été effectuées en France. Rapporté aux 38 milliards d’heures de travail rémunéré réalisées sur la même période, le temps de travail domestique est donc au minimum égal au temps de travail rémunéré. Si l’on retient la définition extensive, il en représente le double

33 % du PIB selon une valorisation intermédiaire

Pour évaluer la valeur du travail domestique, par exemple pour la comparer au produit intérieur brut du pays sur la même période, il faut pouvoir attribuer un prix à ces heures de travail. Ce prix ne peut être que fictif puisque les heures de travail ne reposent pas sur une transaction marchande. Une première solution consiste à leur imputer la rémunération minimale qu’aurait touchée une personne employée à cette tâche et donc de les valoriser au Smic net (6,95 euros de l’heure au 1er janvier 2010). Cette référence est naturelle car le Smic constitue en pratique la borne inférieure pour les salaires horaires mais elle peut être discutée dans la mesure où certaines tâches domestiques peuvent être réalisées moins rapidement ou moins efficacement par les ménages qu’elles ne le seraient par une personne rémunérée pour cela. Une autre solution consiste à considérer ce qu’il aurait fallu payer pour faire réaliser ce travail, et ainsi retenir un coût horaire qui inclut les cotisations salariales et patronales qu’il aurait alors fallu verser (tout en tenant compte des allégements de cotisations sociales). On peut, là encore, choisir le coût horaire d’un salarié payé au Smic (méthode dite du « substitut généraliste »), ou bien prendre, pour chaque tâche domestique, le coût horaire moyen d’une personne exerçant la profession à laquelle il faudrait recourir (méthode du « substitut spécialisé »). Une heure de garde d’enfant est alors valorisée au coût horaire moyen d’une assistante maternelle, une heure de ménage à celui d’une femme de ménage, etc.

Avec le périmètre restreint et valorisé au Smic net, la valeur du travail domestique atteint 292 milliards d’euros en 2010, soit 15 % du PIB. À titre de comparaison, il s’agit de l’ordre de grandeur de la part dans la valeur ajoutée de l’industrie manufacturière en France (13 %). Avec le périmètre intermédiaire et une valorisation au Smic super-brut, soit une évaluation intermédiaire sur tous les plans, on atteint un tiers du PIB. Enfin, la valorisation au coût des « substituts spécialisés » du travail domestique dans son acception la plus large (qui reste dans les critères généralement admis au niveau international) porterait sa valeur à 71 % du PIB.

Un enjeu pour les comparaisons internationales

Le rapport Stiglitz souligne que la mesure de la production domestique permet des comparaisons entre pays plus pertinentes du point de vue des niveaux de vie que celle du PIB par habitant. Un pays où la production des ménages pour eux-mêmes est importante peut avoir un PIB moins élevé qu’un autre, où davantage de biens et services passent par le marché, alors que les ménages ont la même consommation, si l’on prend en compte celle de leur propre production. L’importance des écarts obtenus pour la France en 2010 selon la définition du travail domestique et la méthode de valorisation indique toutefois que le choix des définitions et l’harmonisation des concepts sont des étapes préalables indispensables avant toute comparaison internationale. Au regard de l’importance économique de cette production, ce travail vaut la peine d’être mené. Enfin, pour se rapprocher d’une mesure de bien-être, on pourrait aller plus loin et chercher à mesurer le fait que le travail domestique, s’il permet d’augmenter la consommation du ménage, « coûte » du temps et de l’effort à la personne qui le réalise. Pour mesurer le bien-être, il faudrait alors prendre en compte le temps de loisir dont dispose chacun, au-delà de son revenu et de sa consommation.

Encadré

Définition du travail domestique : critères admis et points en suspens

En 1981, Fouquet et Chadeau donnent la définition suivante du travail domestique : « concourt à la production domestique toute activité non rémunérée, exercée par un membre du ménage (...) et résultant en la création d’un bien ou d’un service nécessaire au déroulement de la vie quotidienne et pour lequel il existe un substitut marchand (service disponible sur le marché ou personne rémunérée) dans les normes sociales actuelles ». Cette définition implique que ce que l’on ne peut pas confier à autrui (par exemple, dormir ou manger) n’est pas du travail domestique. Mais elle laisse des questions en suspens.

1) Les soins personnels (se laver, s’habiller, se coiffer...) sont parfois confiés à autrui : chez le coiffeur ou la manucure pour les adultes en bonne santé par exemple, ou à des assistantes maternelles et auxiliaires de vie pour les enfants et les personnes âgées dépendantes. Comme les soins à soi-même sont rarement délégués, on choisit de compter seulement les soins prodigués aux enfants et personnes dépendantes dans le travail domestique.

2) Le jardinage, le bricolage, la chasse, la pêche et les soins aux animaux domestiques sont productifs mais ce sont souvent également des loisirs, qu’on réalise pour eux-mêmes et non pour leur produit, et qu’on ne peut donc pas déléguer sans en perdre tout l’intérêt. De plus, étant donné leur caractère potentiellement récréatif, le temps que l’on y consacre peut être supérieur à celui qu’y consacrerait un professionnel. Ainsi, sortir le chien peut être confié à un dog-sitter qui s’en acquittera en quelques minutes, ou être prétexte à une promenade du maître et durer nettement plus longtemps.

3) Conduire une voiture peut être délégué à un chauffeur, mais on ne peut confier à autrui le soin de se déplacer à notre place. Par conséquent, conduire les enfants ou une autre personne est une activité qui peut être entièrement déléguée, tandis que conduire une voiture pour se déplacer soi-même ne peut être délégué qu’en partie (au sens où le temps n’est pas entièrement libéré pour faire autre chose, on est obligé de se trouver dans la voiture). Ainsi, conduire quelqu’un d’autre est toujours productif, mais conduire pour soi-même peut être ou non inclus dans le travail domestique. Enfin, les trajets utilisant d’autres moyens de transport ne sont jamais comptabilisés car l’activité de conduite y est déjà déléguée. On considère ici par convention que se faire conduire par un chauffeur ne libèrerait pas davantage de temps pour faire autre chose.

4) S’occuper des enfants peut être délégué à un assistant maternel ou à une baby-sitter. Mais garder un enfant peut être fait en même temps qu’autre chose. À la limite, le temps passé à dormir dans la même maison qu’un jeune enfant peut être compté comme du travail domestique, puisqu’il faut nécessairement assurer une présence et que l’on peut rémunérer quelqu’un pour cela. Par ailleurs, faut-il compter les jeux et les conversations avec les enfants comme du travail domestique ?

En conséquence, la présente étude retient trois périmètres du travail domestique, qui interprètent de façon plus ou moins stricte les critères définis par Fouquet et Chadeau.

 

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