Question de sénateur et réponse ministérielle publiées le 26 mars 2015 sur le site du Sénat (cliquer ici pour accéder au site du Sénat)
http://www.senat.fr/questions/base/2013/qSEQ131209838.html
Question écrite n° 09838 de Mme Françoise Laborde (sénateur de Haute-Garonne)
Mme Françoise Laborde attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur le mésusage et le trafic, déviances inévitablement liées, dont fait l'objet la buprénorphine à haut dosage et en particulier son princeps, Subutex. Subutex, dont le principe actif est la buprénorphine à haut dosage (BHD), est prescrit sur ordonnance médicale sécurisée dans le cadre d'un traitement substitutif des pharmacodépendances majeures aux opiacés, dans le cadre d'une thérapeutique globale de prise en charge médicale, sociale et psychologique. L'impact positif de la BHD, dans la lutte contre la dépendance aux opiacés, la diminution des overdoses à l'héroïne et la réduction des risques liés à la consommation de stupéfiants (contaminations par le VIH), a été largement reconnu en France depuis 1995.
Toutefois, si la grande majorité des patients utilisent Subutex-BHD dans un but thérapeutique, certains d'entre eux détournent ces médicaments pour les consommer dans un cadre non thérapeutique (détournements ou utilisations abusives). Par ailleurs, d'autres détournements ont été constatés qui donnent lieu à des reventes hors du circuit pharmaceutique, pour un usage équivalent à celui d'une drogue et suscitent un trafic, au niveau tant national qu'international. Aussi, en 2004, l'assurance maladie a mis en place un plan de contrôle et de suivi relatif aux traitements de substitution aux opiacés (TSO) qui consiste à cibler et à suivre individuellement les personnes qui se font délivrer l'équivalent de plus de 32 mg de buprénorphine à haut dosage par jour.
Force est de constater cependant que la BHD reste toujours accessible sur le marché noir, notamment à Paris et près des régions frontalières, à un faible coût, notamment aux usagers actifs d'héroïne qui consomment également la buprénorphine en dehors du cadre d'une prescription et d'un processus de soins, en milieu ouvert mais également au sein des établissements pénitentiaires. Il est de la responsabilité des pouvoirs publics de mettre en place un plan d'actions visant à favoriser un bon usage du médicament et à lutter contre toute dérive ou pratique ayant pour but de détourner, mésuser ou trafiquer les traitements, tout en permettant aux patients de continuer à progresser dans leur parcours de soins, sans être stigmatisés.
Dans cette perspective, elle souhaite connaître les mesures qu'elle entend mettre en œuvre, afin de mettre fin à un détournement et à un trafic coûteux pour l'assurance maladie.
Réponse du Ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes publiée dans le JO Sénat du 26/03/2015 p. 669
La politique de la France en matière de substitution aux opiacés se caractérise notamment par une grande accessibilité à la buprénorphine haut dosage (Subutex® et génériques). Cette politique a connu d'indéniables succès. Ainsi, depuis 1995 : la proportion d'usagers de drogues infectés par le VIH a été divisée par quatre (40 % à 10 %) ; le nombre d'overdoses mortelles a été divisé par cinq ; le nombre d'usagers de drogues « injecteurs » a considérablement diminué.
Un certain nombre de mesures ont par ailleurs été prises afin d'éviter les mésusages et les trafics. Pour prévenir le mésusage, l'arrêté du 8 avril 2008, en application de l'article L. 162-4-2 du code de la sécurité sociale, recense les substances pharmaceutiques connues pour être fréquemment détournées de leur bon usage et les soumet désormais à de nouvelles règles de prise en charge par l'assurance maladie. Ainsi, la prise en charge par l'assurance maladie de la buprénorphine haut dosage (BHD) et des autres produits figurant sur cette liste (flunitrazépam, méthadone, méthylphénidate) est aujourd'hui subordonnée à l'obligation faite au patient d'indiquer au prescripteur, à chaque prescription, le nom du pharmacien qui sera chargé de la délivrance et à l'obligation faite au médecin de mentionner ce nom sur la prescription qui doit alors être exécutée par ce pharmacien.
Lorsque les services du contrôle médical de l'assurance maladie constatent un mésusage, un usage détourné ou un usage abusif de BHD ou de méthadone, sur la base notamment de critères intégrant les quantités prescrites, la fréquence des prescriptions, et le nombre de prescripteurs, la prise en charge est, en plus de la mesure précédente, subordonnée à l'établissement d'un protocole de soins entre le médecin traitant, qu'il exerce en ville ou en établissement, et le médecin conseil de la caisse d'assurance maladie (article L. 324-1 du code de la sécurité sociale). Ce dispositif donne lieu à des rapports réguliers, notamment dans le cadre de la commission des stupéfiants et psychotropes de l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).
Par ailleurs, l'ANSM, a autorisé la mise sur le marché de la méthadone sous forme de gélules en 2007, ce qui a permis, dès leur commercialisation, de rééquilibrer l'offre de traitements de substitution au profit de cette molécule, dont le mésusage est moindre. En 2011, une mise au point actualisant les bonnes pratiques de prescription et de délivrance de la buprénorphine haut dosage (BHD), élaborée par un groupe d'experts et validée par la commission nationale des stupéfiants et psychotropes, a été adressée individuellement par l'ANSM à tous les médecins prescripteurs et à tous les pharmaciens d'officine.
Enfin, le plan gouvernemental de lutte contre la drogue et les conduites addictives 2013-2017 comprend plusieurs mesures destinées à réduire le risque de mésusage des médicaments de substitution aux opiacés.