Article de M. Jean-Yves Ruaux, lu le 18 mars 2008 sur le site Seniorscopie
116 000 emplois ont été créés dans les services à la personne en 2006. Ce qui est une avancée. Mais ce bilan est en retrait sur les annonces 2005 du ministre Jean-Louis Borloo. Le plan Services à la personne devait entraîner la création de 500 000 emplois entre 2006 et 2008. On n'y est pas. La faute, en particulier, à la réticence des particuliers à s'adresser aux grandes enseignes, la faute au manque d'attractivité de métiers, toujours marqués par la précarité, les basses rémunérations et les emplois du temps éclatés.
Yves Mamou, journaliste spécialisé dans le vieillissement pour Le Monde et co-créateur de Agevillage, dresse un bilan mitigé des services à la personne depuis la mise en place du Plan Borloo en 2005. Les chiffres publiés dans son "Services à la personne ; des résultats en demi-teinte" (Le Monde, 13/03/2008) avaient déjà été diffusés pour l'essentiel lors des colloques organisés par l'Agence nationale pour les services à la personne fin 2007.
116 000 emplois ont été créés en 2006. 28% concernent l'aide à domicile, 16% les assistantes maternelles, 5% la garde d'enfants. 51% se répartissent entre l'entretien de la maison, le bricolage, l'assistance administrative, le soutien scolaire, les promenades d'animaux de compagnie... Des services qui peuvent concerner aussi bien les seniors que les autres catégories de population.
La maison transformée en entreprise par le double emploi
Avec la généralisation du travail féminin et le passage de la population active totale de 21 millions en 1968 à 28 millions en 2006, beaucoup de tâches peuvent se trouver externalisées. La maison peut se trouver transformée en entreprise distribuant le soin de sa blanchisserie, de la restauration, de la garde de personnes âgées dépendantes et d'enfants, du ménage...
Une multitude d'incitations, notamment pour les entreprises, existent pour favoriser le développement des services à la personne (déductions fiscales, allègements de charges, baisse de TVA...).
Yves Mamou indique qu'un bilan d'étape a été commandé à Michèle Debonneuil, qui avait inspiré le ministre, et qu'il serait rendu public au printemps. Il apparaît que la création d'entreprises de services à la personne a été multipliée par 2,5 entre 2005 et 2007.
Ces créations et les franchises qui permettent d'en cloner localement le concept touchent le secteur des personnes âgées, du nettoyage, du soutien scolaire, de l'assistance informatique. Autre constat : "le nombre d'heures travaillées dans les emplois familiaux a augmenté de 20% entre 2006 et 2008". Une hausse attribuée aux incitations fiscales et sociales !
Pourtant, le marché n'a pas encore pris la forme attendue par le créateur du plan. En effet, 80% des employeurs sont des particuliers, 15% des associations, 5% des entreprises, pour un total de 1,6 millions de personnes employées en 2006.
Un "secteur privé dynamique a commencé à voir le jour"
Or l'objectif était de favoriser le développement d'entreprises jugées plus à même de créer des emplois à temps plein et d'innover. Un "secteur privé dynamique a commencé à voir le jour". Mais, il n'a pas connu l'élan que les incitations laissaient attendre.
On verra qu'il s'agit souvent d'emplois à temps partiel. Les 113 000 emplois créés par les particuliers en 2006 ne représentaient que 26 491 emplois à temps plein. Moyenne : un quart temps ! 80% des salariés ont gagné entre 6,2 euros et 9,4 euros de l'heure, ce qui fixe les salaires dans des fourchettes basses. Ajoutons pour finir que 50% des employées à domicile ont au moins deux employeurs et que la diversité d'employeurs ne favorise pas le temps plein.
Les conclusions tirées par Yves Mamou ne sont dès lors pas étonnantes. Les familles continuent à préférer recruter elles-mêmes un employé plutôt que de s'adresser à une grande enseigne.
Les grandes enseignes devront communiquer pour crédibiliser leur offre
Celles-ci devront communiquer pour crédibiliser la pertinence de leur offre au regard de leurs savoir-faire, de leur histoire et de leur image. Les chômeurs ne se sont pas rués sur le secteur ni même sur la formation permettant d'y accéder. Peut-être est-il ici trop tôt pour juger dans la mesure où la secrétaire d'Etat Valérie Létard n'a dévoilé que récemment son plan de formation aux métiers du grand âge.
Toutefois, il reste à donner une véritable valeur symbolique à ces métiers qui sont perçus comme éprouvants, grevés par des emplois du temps éclatés en fonction des prestations multiples, mal rémunérés et précaires.
Il semble donc qu'aussi longtemps qu'on n'aura pas résolu ces points, le secteur de l'aide aux personnes âgées, en particulier, peinera à recruter. Surtout en période d'amélioration de la situation de l'emploi.
Le constat de carence, ici réalisé, est bien antérieur à l'existence de tout plan tentant de rendre ces métiers plus attractifs. Mais il faudrait veiller à ce que ces caractéristiques ne continuent pas à jouer comme des tares congénitales pour dissuader les intéressés d'y accéder.
Il reste avant tout à solvabiliser ces métiers, à le faire savoir et à montrer qu'ils ne constituent pas un cul-de-sac ou un pis-aller professionnel mais peuvent constituer un tremplin vers d'autres métiers de service, comme Valérie Létard s'emploie depuis plusieurs semaines à le démontrer.