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Question de M. François Patriat (sénateur de Côte d’Or) publiée le 03/07/2025
Monsieur le garde des sceaux, jamais la délinquance n'a été aussi violente, aussi précoce, aussi récidiviste. Face à cette réalité, notre réponse pénale peine à convaincre les Français. La surpopulation carcérale ne cesse d'augmenter, le sens de la peine s'efface et la récidive marque notre échec collectif.
Je veux ici saluer le dévouement des professionnels de la chaîne pénale - magistrats, greffiers, personnels pénitentiaires -, qui font vivre, chaque jour, une justice bien souvent à bout de souffle.
Monsieur le garde des sceaux, vos prédécesseurs ont engagé des réformes importantes et courageuses et apporté des moyens à la justice, mais les dysfonctionnements demeurent.
Vous avez lancé plusieurs concertations, dont un exercice inédit sur la probation, qui a suscité à la fois beaucoup d'interrogations et beaucoup d'intérêt. Selon quelle méthode comptez-vous construire la révolution pénale que vous appelez de vos voeux ? Quels en seront les axes majeurs ?
Notre droit pénal doit s'adapter aux enjeux de notre époque. Redonnons à la justice les moyens d'agir et aux peines un sens. Les Français et les professionnels de la justice l'attendent.
Réponse du Ministère de la justice publiée le 03/07/2025 (séance publique du 02/07)
Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice.
Monsieur le président Patriat, je vous remercie de souligner les moyens supplémentaires que nous accordons au ministère de la justice, notamment pour augmenter le nombre de magistrats.
Je rappelle que la France compte trois magistrats du parquet pour 100 000 habitants. Ce ratio est quatre fois supérieur en Allemagne et dix fois supérieur en moyenne dans les pays européens.
Je compte donc sur la promesse faite par le Parlement de donner les moyens nécessaires au ministère de la justice. La loi d'orientation et de programmation pour le ministère de la justice 2023-2027 sera respectée à l'euro près. Je sais que la ministre du budget y travaille, afin que la réponse pénale dont les Français ont besoin soit suffisamment rapide.
Toutefois, vous l'avez dit, il ne s'agit pas que d'une question de moyens. Il s'agit également d'une question d'organisation. C'est pourquoi j'ai demandé au Premier ministre d'accepter que je dépose un projet de loi d'une dizaine d'articles à la fin du mois d'août prochain, pour enclencher une forme de révolution dans la réponse aux délits.
En effet, chacun peut constater que, si les délits en général sont très largement condamnés par les tribunaux à la hauteur de ce qu'attendent les Français, ce n'est pas le cas des délits du quotidien : rodéos urbains, attaques de policiers, de gendarmes ou d'enseignants, cambriolages, violences physiques et sexuelles... Pour ces derniers, la punition intervient souvent trop lentement et les peines sont très mal exécutées.
Je propose donc la suppression du sursis, ou tout du moins la possibilité de le révoquer ; la suppression de l'aménagement de peine obligatoire pour les personnes condamnées à moins d'un an de prison ; l'établissement de peines ultracourtes par le biais de la proposition de loi visant à faire exécuter les peines d'emprisonnement ferme, dite proposition de loi Kervran, que votre chambre a adoptée hier ; ou encore la fin des condamnations avec dispense de peine.
De manière générale, nous proposons, comme vous l'avez dit, une révolution dans le monde pénitentiaire en confiant la peine de probation non plus à l'autorité judiciaire, mais à l'administration pénitentiaire et au service pénitentiaire d'insertion et de probation (Spip).
Fort de votre aide, monsieur le président Patriat, j'espère que l'ensemble du Parlement soutiendra cette réforme attendue par les Français.