Exploration du cerveau, neurosciences : avancées scientifiques, enjeux éthiques
Communiqué lu sur le site du Sénat le 1er avril 2008
http://www.senat.fr/presse/cp20080401.html
Chargés par l'OPECST d'évaluer la loi « bioéthique » du 6 août 2004, M . Alain Claeys, député SRC de la Vienne , et M. Jean-Sébastien Vialatte, député UMP du Var, ont poursuivi leur programme d'auditions. Après une première audition consacrée aux défis scientifiques et juridiques que le législateur devra relever lors de la révision de la loi de 2004, ils ont consacré une deuxième audition aux questions, non abordées par cette loi, liées aux progrès de l'exploration du cerveau et des neurosciences.
Les débats ont réuni des spécialistes de neurosciences et de neuro-imagerie cognitive, des professeurs de médecine, des neurobiologistes, des neurogénéticiens, des physiciens, des philosophes, des spécialistes de sciences humaines, des responsables d'instances d'éthique et des médiateurs civiques. L'état des lieux des nouvelles technologies fait apparaître que, désormais, on peut :-voir le cerveau fonctionner, -localiser avec précision des réseaux neuronaux impliqués dans l'apprentissage, la mémoire et d'autres fonctions, -isoler des gènes impliqués, pour partie, dans l'apparition de pathologies graves comme l'autisme,
-réduire par des implants cérébraux les effets de la maladie de Parkinson ou de certains types de dépression.
Ces nouvelles technologies accroissent les capacités de détection :
-d'une conscience résiduelle chez des patients en état de coma,
-de certaines pathologies de l'apprentissage comme la dyslexie ou la dyscalculie,
-des risques d'accidents vasculaires cérébraux. Cependant, le cerveau reste un continent à découvrir et le champ des incertitudes s'élargit à mesure des découvertes. On ignore notamment :
-la façon dont opèrent certaines stimulations par neuro-implants,
-le degré d'implication et les interactions des gènes dans certaines pathologies,
-la valeur prédictive de certaines images. Des risques de dérives ont été dénoncés :
- la volonté d'accroître la performance de certains humains, grâce à la convergence des sciences cognitives, de l'informatique, des biotechnologies et des nanotechnologies,
- la tentation de modifier et de classifier les comportements en reculant les seuils de tolérance (cas des enfants hyperactifs sous traitement),
- la tentation de modifier l'espèce humaine en augmentant les capacités de certains individus privilégiés et informés,
- l'utilisation des neurosciences dans les techniques de manipulation à des fins commerciales et prédictives du comportement des consommateurs,
- les dévoiements de la gestion de l'interface homme /machine. Certaines applications des nouvelles technologies suscitent des interrogations :
-quels seront les bénéfices pour les individus dans une société qui ne supporte plus l'incertitude ?
-quel sera le statut de la conscience, de la pensée, de l'âme ou de la volonté ?
-à qui bénéficieront ces nouvelles technologies ?
-comment seront gérés les risques de stigmatisation de groupes humains par les employeurs et les compagnies d'assurance, avec un risque d'utilisation perverse du principe de précaution ?
-utilisera-t-on, comme aux Etats-Unis les neurosciences et la neuro-imagerie devant les tribunaux ?
-« biologisera-t-on » les responsabilités, au risque de bouleverser notre droit ?
- quels seront le statut du secret et la situation de celui qui ne souhaite pas être informé de sa pathologie ? Une information précise et claire, évitant la création de faux espoirs, mais permettant une meilleure connaissance des bons et des mauvais usages de ces découvertes a été demandée. Par la rapidité des changements et des transformations qu'elles recèlent, celles-ci génèrent des fantasmes et des inquiétudes dans la société. Aussi, la nécessité de débats interdisciplinaires a-t-elle été affirmée. Les débats participatifs qui se sont tenus en 2006 et 2007 ont révélé des questionnements sur la normalité, sur l'utilisation des médicaments, sur l'augmentation de la performance. Ils ont montré la maturité des citoyens, qui ont souhaité une meilleure information de chacun, une plus grande protection de l'individu et de son autonomie, ce que le législateur devra prendre en compte.