Environnement : ces villes qui étouffent la campagne
Article de M. Hervé Kempf lu le 20 avril 2008 sur le site du Monde
L'étalement urbain se produit quand l'urbanisation s'étend à une vitesse plus rapide que la croissance de la population. Observé dans tous les pays développés, ce phénomène se traduit par une augmentation de l'espace "consommé" par habitant. Terres agricoles et bois sont transformés en habitat, en zones commerciales ou industrielles et en infrastructures de transport.
En France, l'extension de ces surfaces a ainsi atteint 6 900 km2 entre 1992 et 2004, soit une augmentation de 20 %, alors que la population ne croissait, dans le même temps, que de 6 %. Ces 6 900 km2 représentent une superficie supérieure à celle d'un département français.
Quelles nuisances cause-t-il ?
Les quelque 160 hectares "artificialisés" chaque jour en France le sont à 80 % au détriment de l'agriculture, au moment où l'on sort d'une situation de surproduction agricole. L'urbanisation rend difficile l'installation des jeunes agriculteurs et menace l'agriculture périurbaine, nuisant au développement des circuits courts de commercialisation des produits agricoles.
L'effet sur l'environnement est important. Le territoire est fragmenté, notamment par les infrastructures de transport. Les écosystèmes sont parcellisés, ce qui nuit à la santé des populations de faune et de flore. Par ailleurs, les sols imperméabilisés (par le bitume, le béton, etc.) limitent l'infiltration de l'eau dans le sous-sol, aggravant par ruissellement les risques d'inondation.
L'étalement urbain contraint les habitants à de fréquents déplacements du domicile vers le lieu de travail et vers les zones commerciales : le transport collectif ne pouvant être rentable sur des zones d'habitat dispersé, les automobiles (et les émissions de gaz à effet de serre) sont plus nombreuses.
Quelles sont les causes de l'étalement urbain ?
L'augmentation des inégalités de revenus a permis aux plus riches d'investir les centres urbains. Les sociologues observent ainsi que le prix du foncier décroît à mesure que l'on s'éloigne du centre : "Les catégories populaires tendent à partir de plus en plus loin. Au centre, les cadres supérieurs, autour les cadres moyens, en banlieue proche les professions intermédiaires et les employés, et enfin, loin du rural, les ouvriers. Les pavillons sont les nouveaux territoires de la classe ouvrière", résume le géographe Christophe Guilluy, dans la revue Vacarme (no 42).
D'autres évolutions sociales jouent cependant, comme l'augmentation du nombre de divorces et de retraités ayant plusieurs résidences. Entre 1992 et 2004, le nombre de ménages a crû de 15 %, alors que la population n'augmentait que de 6 %.
Un autre élément important est la préférence pour l'habitat individuel dans nos sociétés. Elle est encouragée par une fiscalité et des aides publiques favorables au développement périurbain. Celui-ci a aussi été stimulé par le prix relativement bas des carburants depuis la fin des années 1980, qui a permis d'alléger le coût du transport automobile du domicile au travail.
Quelles sont les solutions envisagées ?
La redistribution des revenus modifierait beaucoup les données du problème. Elle relève de choix politiques globaux.
Par ailleurs, les analystes promeuvent une politique foncière volontariste qui vise une maîtrise des terrains dans un cadre intercommunal et recoure notamment à l'instrument de la préemption par les communes.
Une politique d'appui à l'agriculture périurbaine est également évoquée. La recherche d'une densification plus importante est une troisième piste d'action.