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cancer du sein : nouvelle étude (03 05 2008)

Cancer : savoir interpréter les études (03 05 2008)

 

 

Entretien avec Mme Françoise Clavel-Chapelon, directrice de recherche à l'Inserm,mené par Mme Sandrine Blanchard, lu le 30 avril 2008 sur le site du Monde

 

http://www.lemonde.fr/aujourd-hui/article/2008/04/29/cancer-savoir-interpreter-les-etudes_1039728_3238.html#ens_id=628868

 

(NDLR : cette note nous a semblé intéressante, tant sur le fond de l’étude et sur les conseils à en tirer, que sur la méthode de lecture et la prudence nécessaires face à tout rapport).

 

Le risque de cancer du sein est "presque doublé" chez les femmes qui consomment trop d'acides gras trans industriels. Que faut-il comprendre et retenir de cette nouvelle étude alarmante, rendue publique début avril ? Directrice de recherche à l'Inserm, le docteur Françoise Clavel-Chapelon – responsable de l'étude dont sont issues ces conclusions – explique le travail des épidémiologistes.

 

L'étude que vous avez menée avec l'Institut Gustave Roussy fait apparaître un nouveau facteur de risque dans le développement du cancer du sein : la consommation d'acides gras trans d'origine industrielle. Comment êtes-vous parvenus à ce résultat ?

 

 

   

 

L'étude E3N suit, depuis 1990, 100 000 femmes nées entre 1925 et 1950. Parmi elles, 25 000 nous ont, entre 1995 et 1998, fourni une prise de sang. Postérieurement à ce prélèvement sanguin, 363 femmes ont développé un cancer du sein. Nous avons comparé les taux sanguins d'une quarantaine d'acides gras chez ces 363 femmes aux taux de femmes n'ayant pas eu de cancer.

 

Les études retiennent toujours la notion de "risque relatif". Comment la définir ?

 

Le risque relatif exprime ce par quoi on multiplie sa probabilité d'avoir un cancer du sein quand on appartient à une catégorie d'exposition (ici un taux d'acides gras élevé) par rapport à la catégorie prise comme référence (ici, un taux d'acides gras faible). Ainsi, un risque relatif égal à 2 signifie que les personnes qui sont exposées à ce facteur ont une probabilité de développer un cancer du sein multipliée par deux par rapport à celles qui n'y sont pas exposées.

 

Par exemple, en France, les femmes âgées de 55 à 60 ans ont, chaque année, une probabilité de 300 pour 100 000 de développer un cancer du sein. Celles qui sont exposées à ce facteur de risque auront une probabilité multipliée par deux, c'est-à-dire que leur probabilité passera à 600 pour 100 000. Concernant les acides gras trans, le risque est de 1,78. Ce qui aboutit à 534 pour 100 000.

 

A propos des 363 femmes ayant eu un cancer, avez-vous des éléments sur la façon dont elles se nourrissent ?

 

Pour étudier le lien éventuel entre alimentation et risque de cancer, nous avons analysé les biomarqueurs dans le sang et les données issues de questionnaires alimentaires. Nous disposons d'éléments sur leur alimentation, le problème est que nous n'avons pas les tables de composition en acide gras trans correspondantes.

 

Quand une femme nous dit : "Je mange deux fois par semaine des pizzas", on ne connaît pas la teneur en acides gras trans de la pâte à pizza. L'industrie ne les fournit pas. Celles qui nous disent consommer des produits manufacturés ou industriels sont celles qui ont les taux d'acides gras trans les plus élevés. Mais on ne connaît ni la quantité ni le type précis d'acides gras trans entrant dans la composition des produits industriels.

 

Il existe plusieurs facteurs de risque liés au cancer du sein. Les 363 femmes ne peuvent-elles pas avoir développé leur cancer pour d'autres raisons que celle des acides gras trans ?

 

Notre travail d'épidémiologiste consiste à isoler le rôle d'un facteur. Lorsque nous disons que ces femmes ont un risque multiplié par 1,78, c'est toutes choses égales par ailleurs. Nous prenons en compte les antécédents familiaux et personnels, le nombre d'enfants, l'âge au premier enfant, celui des premières règles et de la ménopause, et nous comparons des femmes à âge égal.

 

Cette étude vient s'ajouter à d'autres, notamment celles concernant les conséquences néfastes des traitements hormonaux substitutifs de la ménopause (THS ou THM). Que faire face à toutes ces informations ?

 

Pour le cancer du sein, on ne peut pas dire aux femmes : ayez vos premières règles le plus tard possible, ayez votre ménopause le plus tôt possible, faites beaucoup d'enfants avant 30 ans. Les facteurs hormonaux expliquent environ 60 % des cancers du sein. Les facteurs génétiques interviennent, eux, dans environ 5 % des cas. En revanche, on peut agir sur des facteurs tels que la prise de THS, l'alimentation, l'activité physique et le poids. Globalement, on préconise un mode de vie sain. En disant aux femmes : mangez plutôt naturel, faites de l'activité physique, limitez votre prise de poids, on est gagnant sur tous les tableaux, cancer, mais aussi maladies cardio-vasculaires, diabète, etc.

 

Ces facteurs comportementaux peuvent-ils changer la donne ?

 

Oui. Lorsqu'on diminue une exposition, la maladie diminue. Regardez la répercussion énorme qu'ont eue les études sur les THS. Actuellement, l'incidence du cancer du sein diminue à cause notamment de la baisse considérable de la prescription de THS.

 

L'étude E3N repose sur une cohorte de femmes de la Mutuelle générale de l'éducation nationale (MGEN). Sont-elles représentatives de la population ?

 

Les femmes E3N ne sont pas représentatives de la population française mais ce n'est pas gênant parce que nous faisons des comparaisons à l'intérieur de ce groupe de femmes. N'oublions pas que la relation entre tabac et cancer broncho-pulmonaire a été mise en évidence, en 1950, à travers une étude réalisée dans une population de médecins anglais...

 

Lorsqu'une étude parle de "doublement du risque", on pense tout de suite – à tort – à une hausse de 50 %, c'est très anxiogène...

 

Je suis d'accord qu'expliquer que l'on passe de 300 à 600 pour 100 000 par an, ce serait beaucoup moins anxiogène. Nous devons abandonner ce jargon ! En outre, il ne faut pas oublier qu'un certain nombre de facteurs jouent en interaction, c'est-à-dire que l'on ne va pas cumuler des effets positifs (alimentation saine, minceur, alcool modéré).

 

Lorsqu'on dit que les acides gras trans multiplient presque par deux le risque du cancer du sein et que la prise d'un THS multiplie par deux le risque, cela ne signifie pas qu'une femme qui, à la fois, consomme des acides gras trans et prend un THS va avoir un risque forcément multiplié par quatre.

 

Face à la multiplication des études faisant apparaître de nouveaux facteurs de risque, ne va-t-on pas vers une société de plus en plus hygiéniste ?

 

J'aime beaucoup cette réplique d'un humoriste : "Et avec tout cela, docteur, est-ce que je vivrai plus longtemps ? – Je ne sais pas si vous vivrez plus longtemps, mais ce que je peux vous dire c'est que la vie vous paraîtra beaucoup plus longue."

 

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