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Hommes au bord de la crise de sperme (23 11 2008)

Hommes au bord de la crise de sperme

 

 

Article de Mme Sandrine Blanchard lu le 22 novembre 2008 sur le site du Monde (cliquer ici pour accéder au site du Monde)

 

http://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2008/11/21/hommes-au-bord-de-la-crise-de-sperme_1121249_3236.html#xtor=EPR-32280155&ens_id=628868

 

Au Danemark, les femmes enceintes reçoivent une liste de conseils pratiques afin qu'elles limitent leur exposition aux produits chimiques. Il leur est recommandé d'utiliser le moins possible de cosmétiques, de ne pas se colorer les cheveux, de bannir les peintures et les produits en spray... Excès de précaution ? Non, si l'on en croit les scientifiques interrogés dans Mâles en péril, le documentaire de Sylvie Gilman et Thierry de Lestrade présenté mardi 25 novembre en prime time sur Arte.

 

Après Le Monde selon Monsanto, enquête alarmante sur la firme multinationale qui commercialise 90 % des organismes génétiquement modifiés (OGM), diffusée en mars 2008, la chaîne franco-allemande promet "une nouvelle enquête exceptionnelle". Sans doute. Car, une fois encore, la science soulève ici un enjeu majeur de santé publique et de société.

 

 

 

 

"Les problèmes de l'appareil reproducteur masculin sont aujourd'hui potentiellement aussi graves que le réchauffement climatique", affirme sans détour le professeur danois Niels Skakkebaek, directeur de recherche à l'hôpital universitaire de Copenhague. Dans les pays industrialisés, on observe une diminution de l'ordre de 50 % du nombre et de la qualité des spermatozoïdes, un doublement de l'incidence du cancer des testicules et une multiplication de certaines malformations génitales chez l'homme.

 

UN THRILLER AU COEUR DE LA SCIENCE 

 

Pourquoi ? Notre environnement chimique est-il en train de nous mener à notre propre perte ? "Quelque chose que nous ne connaissons pas menace les humains", résume le docteur Niels Jorgensen, endocrinologue et andrologue à l'hôpital universitaire de Copenhague. Cette augmentation des affections qui altèrent la fertilité masculine s'est produite en cinquante ans, pendant lesquels des milliers de substances chimiques ont envahi le marché et notre quotidien.

 

Conçu comme un thriller au coeur de la science, Mâles en péril ne laissera probablement aucun téléspectateur indifférent. Depuis quinze ans, des scientifiques, surtout au Danemark et aux Etats-Unis, traquent la piste de notre environnement chimique.

 

Les études et les observations menées sur des animaux apparaissent édifiantes. Tout se passe comme si le système endocrinien était piégé par des molécules chimiques. Au départ, cette hypothèse est apparue audacieuse et a été controversée. Mais l'observation du monde animal se révèle implacable. Des grenouilles mâles exposées à des pesticides deviennent hermaphrodites, des alligators voient le taux de testostérone chuter, des populations de poissons dans les rivières et les estuaires se féminisent... Le monde animal serait-il à l'image de ce qui risque de nous arriver ?

 

Si certains produits chimiques fabriqués par l'homme peuvent agir comme des hormones, les conséquences à long terme sont "considérables". Nous sommes chaque jour exposé à un cocktail de molécules chimiques contenus dans les objets en plastique, les cosmétiques, les emballages alimentaires, etc. Le téléspectateur assiste aux incroyables découvertes des scientifiques, désormais persuadés que la thèse des perturbateurs endocriniens (qui agissent sur le système hormonal) est une piste valable.

 

Mais cette piste remet en cause une règle majeure en toxicologie qui veut que ce soit la dose qui fait le poison. Or, actuellement, "il n'y a aucune législation qui tienne compte de l'interaction entre les différentes substances ; on analyse toujours une seule molécule à la fois", constate le film.

 

Si les pesticides, les phtalates, le bisphénol A, etc., bref toutes ces substances introduites à faibles doses dans notre environnement quotidien sont susceptibles de perturber nos hormones, cela signifierait que ce sont la fréquence et la durée de l'exposition qui seraient en cause. La période foetale serait primordiale à cause des conséquences irréversibles. Il serait donc essentiel, dans un premier temps, de bien protéger les femmes enceintes. Après avoir mesuré les conséquences de l'exposition d'un rat à trois substances chimiques, un scientifique résume l'enjeu en une formule terrible : "0+0+0 = 7"

 

UN CLIMAT DE MYSTÈRE

 

Est-on à la veille d'un scandale sanitaire ? Les industriels s'informent sur toutes les nouvelles études et tentent de contrer ces scientifiques, ces "pleurnicheurs endocriniens". Leur argument majeur ? La maîtrise des risques via la "dose journalière tolérée". "Nous sommes toujours sur des études sur les rongeurs. Quand nous aurons toutes les informations, nous découvrirons que tout cela n'a pas le même effet sur l'homme", explique un représentant de l'industrie.

 

L'enquête de Sylvie Gilman et Thierry de Lestrade est précise, la réalisation et le montage remarquables. La musique envoûtante d'Hélène Blazy contribue au climat de mystère. Mâles en péril ne joue pas sur la peur mais sur la démonstration. Après avoir vu ce documentaire - qui sera suivi d'un débat avec la secrétaire d'Etat à l'écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet -, le spectateur se sent néanmoins démuni.

 

Que faire ? Modifier nos habitudes de consommation ? Changer notre mode vie ? Se mettre à décrypter les listes illisibles et incompréhensibles d'ingrédients de tous les produits que nous achetons ? Mais boycotter tous les articles contenant des substances chimiques relève d'une mission impossible.

 

Les réalisateurs considèrent que tout n'est pas perdu, qu'il est "toujours temps d'agir". N'a-t-on pas, en 2003, sauvé l'avenir des escargots de mer en interdisant un solvant, le TBP, dans les peintures des bateaux. Et la directive Reach, la nouvelle législation européenne qui impose aux industriels de prouver l'innocuité de leurs produits, pourrait devenir "un tournant majeur dans la réglementation des produits chimiques".

 

Le 17 octobre, le gouvernement canadien a annoncé un nouveau règlement visant à interdire l'importation et la vente des biberons en plastique qui contiennent du bisphénol A. C'est le premier pays au monde à le faire. Il était trop tard pour intégrer l'information dans Mâles en péril.

 

Lien permanent Catégories : santé

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