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simplicité exigée ! (26 décembre 2008)

Simplicité exigée !

 

Chronique de M. Jean-Marc Vittori, lue le 24 décembre 2008 sur le site des Echos (cliquer ici pour accéder au site des Echos)

 

http://www.lesechos.fr/info/analyses/4811814-simplicite-exigee-.htm?xtor=EPR-1001

 

 

En ces temps de fin d'année qui menace de tourner à la fin du monde, il est temps, cher lecteur, de faire ici un aveu. Si l'homme de l'année est Barack Obama, si l'événement de l'année est l'effondrement de la finance, si le tricheur de l'année est Bernard Madoff qui écrabouille notre Jérôme Kerviel d'un facteur dix, la phrase de l'année pourrait être : « C'est trop compliqué, on n'y comprend plus rien. » Le monde est devenu illisible. Sa crise est inintelligible. Ce n'est pas seulement un souci pour ceux qui tentent de raconter et d'expliquer le cours incroyable des événements. C'est aussi un drame pour ses décideurs. Un chirurgien a besoin de voir et de comprendre pour opérer. Les autorités américaines auraient trouvé une solution pour la banque Lehman Brothers si elles avaient saisi l'extraordinaire tissu de liens qui la reliait à la planète financière.

 

 

Inexorablement, le monde devient de plus en plus complexe. Le dessinateur Sempé l'avait bien compris, lui qui avait titré ses deux premiers albums parus il y a près d'un demi-siècle « Rien n'est simple » et « Tout se complique ». Trois forces au moins poussent à la roue. D'abord, la planète s'est ouverte. Des communautés autrefois isolées les unes des autres dépendent aujourd'hui les unes des autres. Le fait qu'une récession aux Etats-Unis puisse déséquilibrer la Chine aurait été impensable il y a vingt ans. Or la complexité d'une société ou d'un réseau augmente plus vite que sa taille. Le maire d'une ville de 100.000 habitants gère un univers plus enchevêtré que 1.000 maires de communes de 100 habitants. Aujourd'hui, le monde entier devient un village de près de 7 milliards d'habitants. Pas étonnant qu'il se complique !

 

 

 

 

Ensuite, les hommes et les femmes savent de plus en plus de choses. La proportion de la population sortie des universités progresse. Davantage formés, les cerveaux conçoivent des constructions intellectuelles à la sophistication toujours plus grande. C'est évident dans les salles de marché, mais aussi dans la production scientifique ou la mise en scène de spectacles. Enfin, les outils techniques démultiplient cette force. Les architectes imaginent des bâtiments qu'ils n'auraient pas pu créer auparavant, comme le musée Guggenheim de Bilbao. Les ingénieurs financiers créent des outils combinant la puissance des ordinateurs avec la vitesse des informations circulant sur le Net.

 

 

La montée de la complexité est naturelle, du moins pour qui accepte l'ouverture des frontières, la formation des hommes et le progrès des techniques. Elle menace cependant de nous emporter dans un univers où nous ne comprendrons plus rien, où nous ne pourrons plus agir efficacement. Si nous voulons éviter ce retour du fatalisme, il nous faut donc agir... pour simplifier, et ainsi lutter contre cette forme d'entropie. A nouveau, c'est évident dans la finance. Nombre de banquiers jurent d'ailleurs qu'ils n'iront plus là où ils ne comprennent pas. Ils devront prouver qu'il ne s'agit pas là d'un serment d'ivrogne. La réglementation devra, elle aussi, devenir plus simple.

 

 

C'est ce que dit par exemple Jean-Charles Rochet, l'un des meilleurs spécialistes français d'économie financière. Dans une note publiée la semaine dernière (1), il explique qu'il faudra reprendre complètement les règles de supervision des banques avec des critères « suffisamment simples pour pouvoir être contrôlés en externe, et vérifiés a posteriori par une commission de contrôle parlementaire ».

 

 

Cette conscience d'un retour nécessaire à la simplicité atteint même l'un des temples de la complexification à tout-va : le ministère du Budget. Au sein de la Direction générale de la modernisation de l'Etat, un service cherche désormais à nous simplifier la vie. Il a commencé par faire des sondages révélant par exemple que 61 % des particuliers se plaignent de la complexité de certaines démarches et du langage administratif. Il a même lancé un site Internet. Mais l'adresse simplifions.fr ayant déjà été prise par une firme de services à la personne, nos simplificateurs doivent se contenter d'un entortillé modernisation. gouv.fr/simplifions. C'est compliqué de faire simple. Et si on ne s'acharne pas à simplifier, tout deviendra trop compliqué.

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