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G 20 et relances (16 03 2009)

«Les Etats-Unis donnent le sentiment qu'ils ne croient pas eux-mêmes à leur plan de relance»

 

Propos de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi,  recueillis par Catherine Chatignoux, Elsa Conesa, Etienne Lefebvre et Dominique Seux

 

http://www.lesechos.fr/info/france/4842076.htm?xtor=EPR-1000

 

 

Avant le sommet des chefs d'Etat du 2 avril, à Londres, les ministres des Finances du G20 se retrouvent aujourd'hui et demain dans la capitale britannique. Dans une interview aux « Echos », Christine Lagarde détaille les propositions de la France.

 

 

Les Etats-Unis réclament plus de relance, et les Européens militent pour une réforme du système financier : la réunion des ministres des Finances du G20 ne s'ouvre-t-elle pas sur un dialogue de sourds ?

 

Chacun s'appuie au départ sur son pré carré national, avec des situations économiques, bancaires et politiques différentes. Les Etats-Unis insistent sur la nécessité d'une relance forte, rapide et coordonnée. Pourquoi ? Parce qu'ils sont les derniers à mettre en oeuvre leur plan de soutien et qu'ils font face à une crise de plus grande ampleur. Les Britanniques, eux, sont soucieux de la relance, mais un peu moins que les Américains ; Leur priorité absolue, c'est la sauvegarde de leur système bancaire, qui fait face à des difficultés d'une ampleur considérable. Pour la plupart des pays de l'Europe continentale, l'urgence est l'élaboration de règles, le rappel de la discipline et les éventuelles sanctions à travers une nouvelle architecture du système financier. Les pays émergents veulent être davantage présents dans les institutions financières internationales. Enfin, les Chinois sont plutôt en position d'arbitre car ils disposent de liquidités. J'ai confiance dans le fait que les positions vont se rapprocher, comme ce fut le cas avant le sommet de Washington du 15 novembre.

 

Les pays du G20 ont des appréciations différentes de la profondeur de la crise. Les Etats-Unis, comme le FMI, n'envisagent pas de reprise dès 2010, à l'inverse de la Banque centrale européenne. Etes-vous sur une ligne « DSK » ou Jean-Claude Trichet ?

 

Je suis plutôt de l'avis de Jean-Claude Trichet. Nous tablons sur une reprise courant 2010. Il est un peu inquiétant d'entendre des voix outre-Atlantique dire que l'économie ne repartira certainement pas l'année prochaine. Les Etats-Unis donnent le sentiment qu'ils ne croient pas eux-mêmes à leur plan de relance.

 

A mon avis, le FMI noircit trop le tableau. Moi, je ne suis pas convaincue qu'il y aura cette année une récession mondiale. Quand on regarde les prévisions du Fonds, il ne tient pas compte de toutes les composantes des plans de relance. Pour la France, par exemple, il a oublié les investissements supplémentaires des entreprises publiques.

 

Ne faut-il pas avant tout régler la question de l'assainissement des banques, en particulier aux Etats-Unis, avant de parler de reprise ?

 

Il est impératif que les Américains remettent leur système bancaire en ordre de marche. Les annonces successives du secrétaire au Trésor, Tim Geithner, ont pu donner aux marchés un sentiment impressionniste. S'ils réagissent mal, c'est peut-être qu'ils sentent le côté inachevé de ces plans.

 

Les plans européens sont-ils suffisants au regard des moyens engagés outre-Atlantique ?

 

Les efforts européens sont très importants. Ils représentent 400 milliards d'euros, soit 3,3 points de PIB en additionnant l'effet des stabilisateurs automatiques - qui jouent un rôle clef au travers notamment des prestations sociales - et la relance massive des investissements. Il n'y aura pas de plan de relance européen supplémentaire le 2 avril. Ce n'est d'ailleurs pas le lieu pour cela. La priorité, aujourd'hui, c'est de mettre en oeuvre sur le terrain et le plus rapidement possible les dépenses sur lesquelles les gouvernements européens ont engagé leur responsabilité devant leurs Parlements respectifs. Et de présenter des instruments de mesure pour montrer les réalisations.

 

A-t-on touché le point bas de la crise ? Voyez-vous des signes avant-coureurs d'amélioration ?

 

Je pense que les entreprises vont bientôt commencer à réaugmenter leurs stocks, ce qui pourrait réamorcer la pompe. Mais il ne faut pas se faire d'illusions : la reprise aura la forme d'une « tôle ondulée », avec des hauts et des bas. Pour entrer dans un cercle vertueux, les Etats doivent restaurer la confiance en donnant des signaux clairs et fermes à la communauté financière et aux citoyens. A savoir que, collectivement, nous allons vraiment rétablir des règles et sanctionner les abus.

 

Quels sont ces signaux ?

 

Nous souhaitons tout d'abord progresser sur la question des paradis fiscaux. Ils doivent accepter la transmission de données et la levée du secret bancaire. Il y a trois listes : celle des centres non coopératifs fiscaux, celle du Forum de stabilité financière, c'est-à-dire les pays qui, de fait, ne jouent pas le jeu de la coopération, et celle du Gafi, pour le blanchiment d'argent. Pour chaque liste, nous devrons prendre des décisions concrètes. S'il n'y a pas de volonté de coopérer, nous demanderons à toutes nos banques de communiquer les informations sur leurs transactions avec ces pays. Nous pourrons également dénoncer les conventions bilatérales, fiscales notamment.

 

Et pour les banques qui maintiendraient leurs liens avec ces centres ?

 

Nous pourrions accroître l'exigence de fonds propres réglementaires comme le propose le rapport Larosière. J'ai bon espoir, le contexte international est très favorable au principe de transparence. C'est en outre un sujet auquel le président Obama est sensible. Nous avons signé avant-hier un accord avec Jersey, et bientôt avec Guernesey. Andorre bouge également, de même que Hong-Kong et Singapour. Les choses avancent.

 

Quels autres signaux pour la communauté financière ?

 

Sur la réforme des normes comptables, il faut revenir partiellement au système de comptabilité en valeur historique, par opposition à la « full fair value », qui a amplifié la dégradation des résultats. Mais il faudra passer outre les réserves de l'IASB, organisme qui fixe les normes. Je ne suis pas très optimiste sur ce point. Il faut également permettre aux banques de procéder à des provisions dynamiques leur permettant de constituer une réserve générale disponible en cas de ralentissement.

 

Il faut également modifier la rémunération des opérateurs de marché, dans l'esprit de ce qu'ont proposé les banques françaises : paiement différé des bonus, revalorisation des « middle offices », approbation de la politique de rémunération par les conseils d'administration. Nous devrions pouvoir aboutir à des décisions concrètes, si j'en juge par l'approche qui a été celle de l'administration américaine jusqu'ici.

 

Espérez-vous des avancées sur la supervision ?

 

L'Union européenne réfléchit déjà à instaurer un collège des superviseurs, même si Londres est plus réticent. C'est ce que préconise le rapport Larosière. Si nous arrivions à créer une autorité dotée d'un pouvoir de sanction et de réglementation au niveau international, ce serait une avancée significative. Mais tout cela ne se fera pas en un jour. Concernant le contrôle des « hedge funds », je souhaite qu'ils soient systématiquement enregistrés, avec la possibilité de procéder à des vérifications par l'intermédiaire des banquiers qui les financent. Il faut aussi aller plus loin sur les produits dérivés et les chambres de compensation. L'enjeu est de leur garantir l'accès à la liquidité de la BCE.

 

Quid des agences de notation ?

 

Elles doivent créer des catégories de notations plus spécifiques, par types de produits, afin qu'un produit titrisé adossé à du crédit immobilier de mauvaise qualité ne soit plus noté comme une obligation d'Etat ! Mais il faut aussi que les gérants de fonds n'aient plus pour seule règle la notation des agences dans la gestion de leurs portefeuilles.

 

Vous pencherez-vous sur la question des « bad banks » et du traitement des actifs toxiques dans les bilans des banques ?

 

Il faudra y penser plus avant si les montants de ceux-ci continuent à croître. Mais je suis attachée à ce que les banques qui bénéficieront de tels systèmes soient soumises à des contreparties importantes, afin que les fautifs ne soient pas injustement favorisés. Bruxelles a déjà donné un cadre à propos des actifs éligibles. Les Anglais sont revenus dessus en partie, c'est un problème.

 

Plaiderez-vous pour des mesures de relance de la titrisation du crédit, comme l'a annoncé l'administration Obama ?

 

Oui, il faut réengager les mécanismes de titrisation, sur des bases saines. Il faut notamment que les banques conservent une partie - 5 % par exemple - des encours de crédit qu'elles titrisent. C'est un sujet que nous devons approfondir.

 

Y aura-t-il un axe franco-allemand lors du G20 ?

 

Je vous le garantis. Sur tous ces points, Paris et Berlin sont soudés.

 

Quel rôle supplémentaire donner au FMI ? Tim Geithner propose de porter sa capacité d'emprunt à 500 milliards de dollars. C'est un tournant, mais est-ce crédible ?

 

Il faut d'abord rendre hommage au Fonds pour le sauvetage d'un certain nombre de pays. Il est en train de changer l'image un peu caricaturale et rigide qu'il avait. La force du FMI, c'est sa légitimité politique et sa compétence géographique. C'est donc lui qui doit surveiller le système financier international, pas les banques centrales.

 

Je suis d'accord, il faut renforcer sa capacité d'intervention. Mais je sais aussi que les Américains ont du mal à accepter une autorité de contrôle qui soit multilatérale. Quand le FMI fait des recommandations sur les politiques économiques, les Etats-Unis ne les regardent pas vraiment !

 

Dans quel état va sortir le système économique mondial de cette cri- se ? La mondialisation va-t-elle ralentir ? Comment sortir de l'explosion des endettements publics ?

 

Il y a un phénomène de rééquilibrage profond : la Chine et l'Inde vont continuer à croître mais peut-être à des rythmes différents, les pays développés vont connaître plusieurs années de croissance molle. Il faut être attentif à nos décisions. Nous relançons vigoureusement, mais nous sommes également attentifs à ce que nos décisions ne donnent pas lieu à des dépenses récurrentes.

 

Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont augmenté, au nom de la solidarité, les impôts des plus aisés ? La France va-t-elle remettre en cause le bouclier fiscal ?

 

Ce n'est pas à l'ordre du jour. Je vous rappelle que le bouclier fiscal est inscrit dans la Constitution allemande.

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