Dehors, les vieux !
par Christophe Trivalle (gériatre, hôpital Paul-Brousse (Villejuif). Auteur de "Vieux et malades, la double peine", L'Harmattan.)
Ce titre reflète bien la politique actuelle à l'égard des personnes âgées malades et dépendantes. Aujourd'hui, l'économie domine tout, y compris la médecine et le médico-social. Car, où est-il le plus facile de récupérer de l'argent si ce n'est en s'attaquant aux plus fragiles et aux plus démunis ?.../…
Voici quelques exemples parmi d'autres de ce rejet des vieux. Le dernier en date : pour faire suite à la loi "Hôpital, patients, santé et territoires" (HPST), l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris a décidé de regrouper ses hôpitaux dans le but de faire des économies en fermant si possible des services. …/… Pour l'instant, les lits ferment et il n'y a pas de créations à côté, ou très peu, ce qui entraîne un blocage de la filière gériatrique. …/…
Les malades restent plusieurs mois en soins (moyen séjour) avant de trouver une place en long séjour ou en maison de retraite (EHPAD). Le moyen séjour étant bloqué, il ne peut pas accueillir les malades du court séjour qui, lui-même, ne peut pas prendre les malades des urgences. Au final, faute de places, les urgences renvoient à domicile des malades âgés qui devraient être hospitalisés. Encore une fois, on rejette les vieux. …/…
Toujours sur le moyen séjour, ce secteur va bénéficier en 2012 de la tarification à l'activité (T2A) qui a déjà mis en déficit les trois quarts des hôpitaux (486 millions d'euros de déficit pour les hôpitaux publics en 2007). On sait déjà que sa mise en route va entraîner un déficit important par rapport aux budgets actuels et que le seul moyen de rentabiliser les lits sera de faire sortir le plus rapidement possible (moins de 40 jours) les malades. Or, les patients âgés atteints de la maladie d'Alzheimer ont des durées de séjour allant de six à neuf mois…./…
En 2006, le plan Solidarité grand âge prévoyait des ratios d'un soignant pour un résident en institution. On en est revenu à des ratios de 0,6 en EHPAD et de 0,8 en SLD. Les gériatres, dans l'objectif de trouver les besoins nécessaires à une prise en charge correcte des malades âgés, ont même inventé des échelles d'évaluation. Pour la dépendance, il s'agit de la grille Aggir (Autonomie gérontologique, groupes iso-ressources) et pour les soins, de la grille Pathos. Cette dernière échelle devait permettre de quantifier objectivement les besoins et de mettre en place les moyens humains et financiers réellement nécessaires.
Or dès sa conception, cette grille a été faite pour sous-évaluer les besoins (ainsi, les patients atteints de la maladie d'Alzheimer ou en fin de vie sont considérés comme ne nécessitant aucun soin technique), et elle a été utilisée d'emblée par le ministère pour enlever encore plus de moyens aux résidents âgés. En effet, en 2006, la première coupe Pathos a été faite pour montrer qu'au moins 30 % des malades âgés en long séjour n'avaient rien à y faire et qu'ils devraient être placés dans une structure avec encore moins de soignants (mais en payant toujours le même prix : au minimum 2 000 euros par mois). Dehors, les résidents !.../…
Toujours en institution, le projet de réintégration des médicaments dans le budget global, avec pour objectif affiché de réduire la iatrogénie. En réalité, il s'agit purement et simplement de restreindre l'accès aux médicaments pour les malades âgés en institution, toujours dans le but de faire des économies…./…