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LUC FERRY et le Conseil d'analyse de la société
LA REPRESENTATION DU MONDE ASSOCIATIF DANS LE DIALOGUE CIVIL
Synopsis du rapport
PRESENTATION (1/2)
RAPPEL SUCCINCT DES PRINCIPALES PROPOSITIONS (2/2)
1- Haut conseil de la vie associative
2- Conseils régionaux des associations
3- Renforcer la Conférence nationale de la vie associative
4- La nomination des membres associatifs du CESe
5- La dimension européenne
PRESENTATION
La vie associative connaît une profonde mutation, liée notamment au recul des valeurs collectives traditionnelles (des « grands récits » patriotiques, idéologiques, moraux), sous l’effet de la «déconstruction» des héritages qui marque notre culture comme nos moeurs : la mondialisation économique accélère, en effet, de façon spectaculaire ce mouvement, qu'elle a su paradoxalement détourner à son profit alors que ses pères fondateurs y voyaient le moyen de libérer l'individu des contraintes du marché et des conventions bourgeoises !
A la conception sacrificielle du service rendu à la collectivité se substitue, dès lors, l’aspiration à des formes de générosité moins impersonnelles, non seulement plus proches des besoins particuliers de ceux que l'on aide mais également susceptibles de participer à l'épanouissement de ceux qui s'engagent.
Les valeurs privées deviennent ainsi la source des enjeux publics, des attentes sociétales, des débats sur l’action collective. En même temps, les nouveaux problèmes et les perspectives inédites que rencontre la société à l'ère de la globalisation reçoivent ainsi une formulation concrète, accompagnée de perspectives d'action.
Dans ce contexte, le projet de l'Education populaire laïque ou de ses variantes d’inspirations confessionnelles est amené à évoluer ou à se voir relayer, sinon concurrencer, par de nouvelles pratiques associatives, que l’on voit se multiplier, entre autres, dans les domaines de l’insertion sociale et professionnelle, de la santé, de la culture ou de l’environnement. C’est autour de l’individu et de ses besoins que ces associations coordonnent les dispositifs mis en place par les pouvoirs publics ou d’autres partenaires ; elles les complètent en fonction des nécessités auxquelles il faut faire face, mettant ainsi en évidence de nouveaux enjeux, expérimentant des solutions inédites susceptibles d’infléchir les politiques à venir.
Les associations jouent donc aujourd'hui un rôle essentiel pour cristalliser, dans le débat public, des attentes jusqu'alors mal cernées ou exclues des préoccupations collectives, et pour expérimenter des réponses adaptées à ces problèmes inédits. Elles contribuent ainsi à extraire de la multiplicité confuse des aspirations individuelles des enjeux de société plus visibles. A cet égard, elles remplissent une fonction irremplaçable dans la transposition des problèmes, espoirs ou idéaux privés en projets sociaux identifiés, sur lesquels les responsables politiques de tout bord peuvent alors prendre position et faire des propositions.
On objectera peut-être que les grands mouvements associatifs qui se sont développés après la fin de la seconde guerre mondiale avaient déjà été des intermédiaires actifs entre les familles et les politiques, capables de repérer de nouveaux besoins et d'y apporter des réponses concrètes en matière de culture, de loisirs, de santé notamment. Nul ne le contestera, en effet, à ceci près que ces mouvements s'appuyaient sur des visions globales de la société, inspirées d'analyses sociales ou de croyances religieuses qui imprégnaient également le monde politique : or, c'est de moins en moins le cas s'agissant des pratiques associatives qui émergent depuis une trentaine d'années, qu'elles se consacrent à l'insertion sociale, à la défense des patients, à la lutte contre la maltraitance ou à la protection de l'environnement, par exemple. Cela explique la difficulté qu'éprouvent ces nouvelles associations à s'inscrire dans un mouvement d'ensemble ou à rejoindre des fédérations au sein desquelles elles pourraient donner un plus large écho à leur action ou à leurs idéaux. Certaines répugnent même à l'idée de faire coexister leur projet original avec d'autres au sein d'une structure de coordination quelconque au risque d'en noyer la spécificité. La prise en compte des perspectives qu'elles ouvrent au sein des programmes politiques en devient forcément plus lente et problématique.
Ces orientations relativement récentes de l’action associative se trouvent, de ce fait, insuffisamment intégrées dans les structures où elles devraient être représentées. Autant l’Education populaire a largement atteint ses objectifs, d’ailleurs souvent repris par d’autres partenaires publics ou privés, autant les courants émergents se sentent encore trop souvent marginalisés. On voit bien, dans ces conditions, qu'il ne suffira pas, pour rééquilibrer en profondeur la représentation associative au sein des structures où elle s'exprime, de proposer des critères de représentativité plus diversifiés que par le passé, même si c'est un préalable nécessaire : il faudra, en outre, que la réforme des instances de concertation, les formes données au dialogue avec les pouvoirs publics, la légitimité des procédures retenues pour le choix des représentants associatifs favorisent la valorisation des expériences les plus significatives dans leur diversité, avec la volonté de coordonner autant que possible les points de vue qu'elles traduisent.
Nul hasard, donc, si les instances où s'incarne la représentation du monde associatif connaissent en ce moment de notables évolutions, preuve d'une prise de conscience des mutations en cours, des problèmes qu'elles posent, des promesses dont elles sont porteuses. La représentation des associations se voit ainsi renforcée au sein du Conseil économique, social et environnemental (CESe) ; le Conseil national de la vie associative (CNVA) est en passe d'être remplacé par un Haut conseil que ses promoteurs veulent plus resserré et plus réactif ; d'une manière générale, les lieux de dialogue entre les pouvoirs publics et les associations tendent à se multiplier dans chacun des domaines où se déploie l'action des uns et des autres, tant au niveau local qu'au niveau national.
Le succès de ces réformes et de ces initiatives dépendra largement de la légitimité des procédures de nomination des représentants associatifs et de la pertinence des critères de représentativité qu'elles devront respecter, mais aussi de notre capacité à instituer des formes de dialogue civil propres à encourager la participation active et la coordination de tous les types de mouvements associatifs.
C'est le meilleur moyen de favoriser un désir de regroupement et d'expression collective constructive parmi les mouvements associatifs émergents ou encore isolés, ce qui amènera également, selon toute probabilité, la CPCA et les grands réseaux à souhaiter adapter leur dynamique de développement à cette nouvelle donne.
La dernière partie du présent rapport est consacrée à nos propositions sur l'ensemble de ces questions : procédures de nomination, critères de représentativité, cadre renouvelé pour le dialogue entre les associations et les pouvoirs publics. L'ensemble tend à assurer la plus grande légitimité possible au système de représentation comme à ceux qui l'incarneront. Il vise aussi à resserrer les liens entre ces derniers et les acteurs de terrain, à donner aux associations isolées des raisons nouvelles de chercher à se coordonner, enfin à faire émerger de nouveaux porte-paroles expérimentés du monde associatif, capables d'enrichir la concertation avec ceux qui ont déjà su faire preuve des qualités nécessaires pour tenir ce rôle.
Mais, pour justifier ces propositions et en faire saisir le sens, il fallait d'abord analyser les causes profondes des mutations que connaît aujourd'hui le monde associatif, ce qui est l'objet de la première partie de ce travail, puis dresser un « état des lieux » raisonné de la réalité actuelle du secteur, dont on pourra lire une présentation dans les parties centrales de l'exposé.