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Question orale sans débat n° 1056S de Mme Anne-Marie Payet (sénateur UC de La Réunion)
Mme Anne-Marie Payet attire l'attention de Mme la ministre de la santé et des sports sur le problème de la pollution de l'eau du robinet par le sulfate d'aluminium.
Élément métallique le plus abondant dans l'écorce terrestre, l'aluminium est présent presque partout aujourd'hui : dentifrices, conditionnement des boissons, déodorants… À doses régulières, cette substance serait très néfaste pour la santé. De nombreux spécialistes recommandent de ne pas utiliser les produits qui en contiennent, notamment les capsules de café, les pansements gastriques, etc.
Sauf à Paris, où l'on utilise depuis trente ans le traitement ferrique, les distributeurs d'eau potable ajoutent des sels d'aluminium afin de rendre l'eau plus claire. Selon Guy Berthon, ancien directeur de recherches au laboratoire de chimie du CNRS, « l'aluminium ne sert à rien dans l'organisme humain. Pire, à fortes doses ou à doses régulières, il est toxique. […] En trouver dans l'eau du robinet, c'est criminel. »
La norme de 200 microgrammes d'aluminium par litre d'eau fixée par l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS, est discutable : elle ne constitue qu'une référence de qualité, non une limite ; en l'absence de contrôle, les compagnies des eaux se permettent souvent de la dépasser, sans être tenues d'en informer le consommateur.
Selon l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA, en 2007, 2,7 millions de Français ont bu une eau dont le taux de sels d'aluminium était supérieur à cette norme. Le danger, selon Guy Berthon, est que « si une partie est éliminée naturellement par les urines ou la barrière intestinale, une autre passe à travers ce mur de briques qu'est l'intestin grêle et se retrouve dans le sang puis le cerveau. Là, l'aluminium se dépose, durcit et ne peut plus repartir. »
Certaines études ont mis en évidence le lien entre une eau potable trop chargée en aluminium et certains cas de démence dont les symptômes rappellent ceux de la maladie d'Alzheimer. En 1976, déjà, des cas de démence, de douleurs articulaires, de décalcification des os, d'anémie étaient apparus chez des insuffisants rénaux sous dialyse.
L'aluminium est également présent sous forme d'hydroxyde dans les vaccins, dont il est censé renforcer l'action.
Eu égard à ces éléments, je vous demande de bien vouloir me faire connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre afin de remédier à cette situation.
Réponse du Secrétariat d'État chargé de la santé publiée dans le JO Sénat du 16/02/2011 p. 1366
Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. Madame la sénatrice, une évaluation actualisée des risques sanitaires liés à l'exposition de la population française à l'aluminium a été rendue en novembre 2003, à la demande de la direction générale de la santé, la DGS, par l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé et l'Institut de veille sanitaire. Ces instances d'expertise ont examiné l'ensemble des études disponibles sur le sujet.
Selon ce rapport, « si certains effets observés chez des sujets exposés professionnellement et chez des hémodialysés liés à une exposition chronique à l'aluminium peuvent être actuellement considérés comme avérés (encéphalopathie, troubles psychomoteurs, atteinte du tissu osseux sous forme d'ostéomalacie et atteinte du système hématopoïétique sous la forme d'une anémie hypochrome), dans d'autres cas et en l'état actuel des connaissances, il apparaît que pour d'autres effets initialement suspectés (c'est le cas de la maladie d'Alzheimer), une relation causale ne peut être raisonnablement envisagée ».
En 2008, les experts confirmaient qu'aucun élément scientifique ne permettait de remettre en cause les conclusions de ce rapport. S'agissant de l'eau de boisson, la directive du 3 novembre 1998 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine a fixé pour le paramètre « aluminium » une valeur de 200 microgrammes par litre dans les eaux de consommation. Ce paramètre est un indicateur de fonctionnement des installations de traitement et non pas un paramètre de santé faisant l'objet d'obligations plus strictes.
Cette position est conforme aux éléments mentionnés dans le rapport relatif aux directives de qualité pour l'eau de boisson de l'Organisation mondiale de la santé – 1994 et 2004 –, qui précise d'ailleurs que, sur la base de ce seuil, « les données épidémiologiques et physiologiques dont on dispose ne permettent pas d'attribuer un rôle étiologique à l'aluminium dans la maladie d'Alzheimer ».
Bien que l'eau de boisson constitue moins de 5 % des apports quotidiens d'aluminium par voie alimentaire en France, les agences régionales de santé, en lien avec les exploitants des installations de production d'eau, veillent à ce que la référence de qualité de 200 microgrammes par litre soit respectée dans les eaux distribuées. L'examen des résultats d'analyses compilés dans la base de données nationale sur la qualité des eaux de consommation pour l'année 2007 permet d'indiquer que plus de 97 % des contrôles sont conformes.
En cas de dépassement de cette référence de qualité, les mesures correctives nécessaires pour rétablir la qualité de l'eau distribuée sont mises en œuvre à la demande du préfet et le contrôle sanitaire renforcé.
Vous l'aurez compris, madame la sénatrice, il n'apparaît pas nécessaire de renforcer la réglementation quant à ce paramètre qui est déjà recherché dans les eaux brutes et les eaux distribuées au robinet du consommateur.
Mme A.-M. Payet. Je remercie Mme la secrétaire d'État de sa réponse, qui m'étonne cependant quelque peu. En effet, des études ont montré que, même pour une faible dose, 100 microgrammes par litre, par exemple, le risque de développer la maladie d'Alzheimer augmente de 50 % !
Je rappelle aussi que l'usage de sels d'aluminium pour le traitement de l'eau est dénoncé par de nombreux chercheurs, qui s'inquiètent de l'effet neurotoxique de l'aluminium sur l'organisme.
De surcroît, d'autres traitements de l'eau existent. La Ville de Paris a ainsi remplacé le sulfate d'aluminium par le chlorure ferrique. Un floculant biologique à base de graines de moringa peut également être employé. Puisque des solutions de rechange plus sûres existent, pourquoi ne pas inciter les distributeurs d'eau potable à y recourir ?