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NOTE DE CONJONCTURE
La fin d’année 2020 reste sous le signe de la crise sanitaire.
2020 se termine et restera une année d’une extrême singularité sur le plan de la conjoncture économique. 10 mois après le début du premier confinement, la situation sanitaire demeure le principal déterminant de l’activité. Le deuxième déconfinement qui s’engage est ainsi plus graduel que le premier, compte tenu des incertitudes persistantes sur le développement à court terme de l’épidémie. Néanmoins, comme prévu, l’analyse des montants agrégés de transactions par carte bancaire CB montre que la réouverture fin novembre des commerces « non essentiels » a permis un rebond de la consommation des ménages.
Nos estimations pour le quatrième trimestre 2020 sont donc affinées, pour intégrer tout à la fois les dernières données disponibles et les nouvelles informations sur le rythme prévu de l’allègement des restrictions sanitaires. La consommation des ménages, qui aurait chuté en novembre à 15 % sous son niveau d’avant-crise, comblerait en décembre près des deux tiers de cet écart pour revenir à 6 % sous le niveau du 4e trimestre 2019. Le contraste entre novembre et décembre serait un peu moins marqué s’agissant du produit intérieur brut (PIB), avec une perte d’activité estimée à 12 % en novembre puis ramenée à 8 % en décembre. Au total sur le dernier trimestre, l’activité retomberait donc à 8 % sous son niveau d’avant-crise (l’écart s’était réduit à 3,7 % au 3e trimestre), soit un recul d’environ 4 % en variation trimestrielle.
L’emploi pâtirait également de ce deuxième confinement : après le rebond vigoureux observé au troisième trimestre (+ 400 000 créations nettes entre fin juin et fin septembre), l’emploi salarié reculerait à nouveau au quatrième trimestre 2020 (– 300 000 prévu). La population active se contracterait également, comme pendant le premier confinement, sous l’effet des difficultés à rechercher un emploi dans ces circonstances. Une nouvelle baisse en trompe-l’œil du taux de chômage serait alors observée (8 % prévu en fin d’année, après 9 % au troisième trimestre) ; en contrepartie, le halo autour du chômage augmenterait fortement.
En 2020, le PIB français a nettement plus baissé que le pouvoir d’achat des ménages
En moyenne annuelle, l’ordre de grandeur du recul du PIB en 2020 est confirmé à – 9 %. Il est intéressant de se pencher sur la décomposition de cette baisse, selon les trois approches du PIB en comptabilité nationale (production, demande, revenu).
L’approche « production » reflète les forts contrastes sectoriels inhérents à la crise actuelle, les pertes d’activité étant largement conditionnées au degré d’exposition de chaque secteur aux mesures d’endiguement sanitaire. Ainsi, le recul de 9 points du PIB sur l’année est surtout un recul des services marchands (contribution de 5 points), en particulier des transports, de l’hébergement-restauration, du commerce et des services aux ménages. La construction, l’industrie et les autres services ont également été affectés, en particulier pendant le premier confinement, avant d’apprendre à « vivre avec le virus » via les protocoles sanitaires et le télétravail.
Selon l’approche « demande », près de 8 points des 9 % de recul du PIB sont liés à la contraction de la demande intérieure et 2 points à celle du commerce extérieur, la contribution des variations de stocks ayant été, en sens inverse, légèrement positive. Tous les principaux postes de la demande se sont bien sûr contractés en 2020 et le recul de la consommation des ménages (laquelle représente plus de la moitié du PIB) pèse lourd dans cette contraction. Mais la consommation des ménages a moins chuté que le PIB, à l’inverse des exportations.
Enfin, l’approche « revenu » traduit les soutiens budgétaires massifs qui ont visé à protéger les revenus et le tissu productif, même si en la matière des disparités existent entre les ménages ou entre les entreprises. Ainsi, en moyenne annuelle, le pouvoir d’achat du revenu disponible brut des ménages ne baisserait « que » de l’ordre de 0,3 % en 2020, et de 0,9 % en le ramenant au nombre d’unités de consommation. Cela traduit notamment le fait que grâce au dispositif de chômage partiel, l’emploi baisserait beaucoup moins que l’activité : entre le quatrième trimestre 2019 et le quatrième trimestre 2020, 600 000 emplois salariés (et 700 0000 en incluant les non-salariés) seraient détruits, soit 2,3 % du niveau d’avant-crise. Le taux de marge des entreprises perdrait quant à lui près de 4 points en moyenne sur l’année. La plus grande partie des pertes de revenus liées à la crise serait prise en charge par le compte des administrations publiques.
Au moment du premier confinement, l’activité économique française a eu tendance à chuter plus lourdement que dans d’autres pays, mais pour rebondir vivement ensuite
Les comparaisons internationales restent difficiles à plusieurs titres. Tout d’abord, les comptables nationaux ont souvent dû innover pour s’adapter aux singularités de la période actuelle. Or, ces innovations ne sont pas forcément homogènes d’un pays à l’autre. Par ailleurs, la situation sanitaire comme la conjoncture économique demeurent très évolutives. C’est donc plutôt sur le temps long que les comparaisons devront être établies. Néanmoins, les résultats des comptes trimestriels tout comme les données à haute fréquence fournissent d’ores et déjà quelques enseignements.
Il apparaît ainsi que relativement à d’autres pays dont notamment l’Allemagne, la chute d’activité en France a été, à la mi-mars, plus soudaine et de plus grande ampleur. Mais le rebond qui a suivi a, symétriquement, été plus net en France. En particulier, la consommation des ménages y a très vite retrouvé, au début de l’été, un niveau proche de son niveau d’avant-crise. En novembre, l’intensité de l’épidémie a conduit à un reconfinement en France, de manière plus précoce qu’en Allemagne où un durcissement significatif des restrictions a été annoncé pour la mi-décembre.
La crise porte ainsi la marque de son déclencheur sanitaire : à court terme, son calendrier est celui de l’épidémie. À rebours des crises économiques précédentes où l’activité française avait pu avoir tendance à moins baisser pour ensuite rebondir plus lentement que dans d’autres pays, les mouvements ont été, en particulier au printemps, de très grande ampleur en France. Ce sont en effet surtout les services aux ménages qui ont été frappés alors que, lors des crises précédentes, ils avaient pu jouer un rôle d’amortisseur. Même la production des administrations publiques n’a pas été épargnée par la crise, alors qu’elle n’est d’ordinaire que peu sujette aux fluctuations conjoncturelles. En revanche, les puissants soutiens budgétaires publics ont contribué, à l’issue du premier confinement, au rebond économique plus vif qu’attendu.
2021, le temps des remèdes ?
Sur le plan sanitaire comme sur le plan économique, les politiques publiques ont dû en 2020 parer au plus pressé : il s’est agi de prendre des mesures drastiques pour limiter les pertes humaines, tout en tentant économiquement, malgré la bourrasque, de maintenir à flot les ménages et les entreprises.
Avec 2021 devrait arriver le temps des remèdes plus pérennes. L’espoir est en particulier que la vaccination permette de juguler l’épidémie et de lever les restrictions qui pèsent sur la vie économique et sociale. Les économies européennes devraient, en parallèle, bénéficier – au-delà des soutiens d’urgence – des différents plans de relance préparés ces derniers mois.
À court terme néanmoins, la situation sanitaire continuera de faire l’objet d’une vigilance accrue et il est possible que pendant quelques mois encore la reprise ondoie au gré des mesures de restrictions. Par ailleurs d’autres aléas, dont notamment les modalités du Brexit, sont susceptibles d’affecter les prévisions.
Nous faisons l’hypothèse d’une stabilisation progressive de la situation sanitaire, qui permettrait d’ici juin de retrouver une activité économique proche de celle observée pendant l’été dernier. Notre scénario s’appuie, entre autres, sur les anticipations exprimées par les entreprises dans l’enquête Acemo-Covid. Le PIB rebondirait ainsi de + 3 % au premier trimestre 2021, puis de + 2 % au deuxième. L’activité en juin 2021 ne serait ainsi plus « que » 3 % sous son niveau d’avant-crise. L’« acquis de croissance » annuelle s’élèverait mi-2021 à 6 %. Ce chiffre est élevé mais il reflète surtout le point très bas que constitue 2020. En parallèle, l’inflation, quasi nulle fin 2020, se redresserait d’ici juin 2021.
La chronique au mois le mois de la reprise économique demeure néanmoins incertaine d’ici la mi-2021, le risque d’un nouvel emballement épidémique faisant peser une épée de Damoclès au-dessus des activités les plus susceptibles d’être bridées par les mesures d’endiguement, activités qui représentent tout de même environ 10 % du PIB français.