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Urgences : intoxications éthyliques Nouvelle Aquitaine 2016-2021 (b) (16 09 2022)

Après une première partie hier, nous vous proposons aujourd’hui la deuxième partie de cette note publiée le 13 septembre 2022 dans le Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire n°17 (cliquer ici pour accéder au site du BEH et à l’article complet)

http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2022/17/2022_17_1.html

Épidémiologie descriptive des passages aux urgences pour intoxication éthylique aiguë en région Nouvelle-Aquitaine entre 2016 et 2021 (suite et fin)

Adam Loffler (adamloffler@outlook.fr), Pascal Vilain, Laure Meurice, Nicolas Marjanovic, Olivier Ely, Laurent Filleul

Résumé

 

Objectif

L’objectif de cette étude est de décrire les passages aux urgences pour intoxication éthylique aiguë(IEA) dans la région Nouvelle-Aquitaine et dans les différents départements de cette région.

Matériel et méthode –

Les passages aux urgences (PU) issus de la base de données Oscour® (Organisation de la surveillance coordonnée des urgences) ont été analysés du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2021. Le passage pour IEA a été défini grâce à un ensemble de codes CIM-10 (Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes, 10e révision). Une analyse descriptive des caractéristiques des patients, ainsi que des variations saisonnières, a été réalisée à l’échelon régional et départemental.

Résultats –

Sur la période d’étude, 78 325 passages pour IEA ont été identifiés. Près de 1% de la totalité des PU de la région a concerné des IEA, dont la moitié était suivie d’une hospitalisation. Ces PU impliquaient majoritairement des hommes (71%). Les classes d’âge les plus représentées étaient les 40-54 ans (33%) et les 25-39 ans(24%). Deux pics annuels ont été retrouvés : le 1er janvier et le 22 juin. Les horaires de forte affluence des PU étaient situés entre 20 h et 23 h, avec un décalage à 2-3 h chez les 15-24 ans. Le recours aux urgences pour IEA était plus élevé le week-end, les jours fériés ainsi que les veilles de jours fériés. Au cours de la période d’étude, le nombre de recours pour IEA et la proportion d’hommes ont diminué tandis que l’âge moyen aaugmenté.

Conclusion  

En Nouvelle-Aquitaine, les recours pour IEA ont un impact important sur l’activité des urgences. Cette étude a permis d’identifier des périodes de forte affluence du recours aux urgences pour IEA à l’échelle de la région.

(2e partie)

.../...

Résultats

Analyse descriptive régionale

Entre le 1er janvier 2016 et le 31décembre 2021, 78 325 passages aux urgences (PU) pour IEA ont été enregistrés dans les services d’accueil des urgences (SAU) de Nouvelle-Aquitaine, participant au réseau Oscour®, soit 0,8% de tous les PU enregistrés par la surveillance syndromique dans la région. Les deux tranches d’âge les plus représentées étaient les 40-54 ans (32,9%) et les 25-39 ans (24,0%). La majorité des PU pour IEA concernait des hommes (71,2%). Cependant, le sex-ratio variait en fonction des classes d’âge, allant de 1,1 chez les 10-14 ans, à 3,5 chez les 30-34 ans, puis diminuait progressivement pour atteindre 1,5 chez les plus de 80 ans. L’âge moyen était de 42,5 ans chez les hommes et de 42,8 chez les femmes (p<0,01). L’âge médian était de 42,9 ans chez les hommes et de 44,1ans chez les femmes. Le code CIM-10 utilisé pour définir l’IEA désignait un diagnostic principal dans 83,9% des cas, et cela correspondait à 65 741PU. Lorsque l’IEA figurait en diagnostic associé (n=12 584; 16,1%), les diagnostics principaux les plus souvent retrouvés étaient : traumatisme crânien ou plaie de la tête (1495; 11,9%), consultation pour examen administratif (constat d’ivresse sur demande de la police)(1107; 8,8%), intoxication aux benzodiazépines (983; 7,8%), malaise ou agitation (835; 6,6%), et épisode dépressif (576;4,6%). La durée médiane de passage aux urgences était de 3,6heures. Parmi ces PU, 50,0% ont été suivis d’une hospitalisation. Les femmes étaient plus souvent hospitalisées(52,7%) que leshommes (48,9%, p<0,001). De plus, la proportion d’hospitalisations après PU pour IEA augmentait avec les classes d’âge, avec 40,2% d’hospitalisation chez les 15-24 ans et 58,4% d’hospitalisation chez les plus de 80 ans. Les enfants de moins de 15 ans étaient hospitalisés dans 49,0% des cas. Un décès a été renseigné parmi ces PU.

Analyse temporelle régionale

Au cours de la période d’étude, le nombre de PU pour IEA est resté stable de 2016 à 2019. Pour les années2020 et 2021, le nombre de PU pour IEA était plus faible (diminution relative de 16% des PU pour IEA entre 2016 et 2021). La variation annuelle régionale des PU pour IEA a mis en évidence deux pics : le 1er janvier et le 22 juin. L’analyse de la variation des PU sur les mois de l’année présentait un nombre de PU plus élevé sur la période estivale, et plus faible sur la période hivernale, et ceci pour toutes les classes d’âge. Le mois de juillet constituait le pic de PU pour toutes les classes d’âge. La proportion de PU par jour du mois montrait un pic le 1er jour du mois et une relative stabilité sur l’ensemble du mois. Une importante augmentation du nombre de PU pour IEA était observée en fin de semaine chez les 15-24 ans et de manière plus discrète chez les 25-39ans (vendredi, samedi et dimanche). Après correction sur le nombre de passages toutes causes confondues, cette tendance à l’augmentation au cours de la semaine était visible pour toutes les classes d’âge de 15 ans et plus. L’analyse des variations journalières des PU pour IEA apermis de mettre en évidence une période de forte affluence entre 20h et 23h dans les classes d’âge de plus de 25 ans, tandisquechez les15-24 ans, le pic d’affluence se situait entre 2 het 3h. En2016, l’âge moyen régional était de 41,7ans. Cet indicateur atteint 44,0ans pour l’année2020 avant de prendre la valeur de 43,1ans en 2021. Le sex-ratio tous âges confondus a diminué aucours des six ans, avec un rapport hommes/femmes à 2,73 en 2016 et2,23 en 2021 (p<0,001). L’analyse de la variation du sex-ratio annuel par classe d’âge dans la région n’a pas mis en évidence de tendance plus importante à un âge plutôt qu’à un autre.

Analyse départementale

Cette analyse des séries temporelles suit sensiblement les tendances régionales. L’âge moyen par département variait de 40,9 à 46,5 ans. Le tableau 2 détaille les caractéristiques des populations selon les départements. Des différences sont observées par rapport à la répartition démographique des âges de la population des départements, avec une population consultant pour IEA plus jeune qu’attendue dans les Landes et en Charente-Maritime. Dans les Landes, deux pics de PU pour IEA sont identifiés aux alentours du 22 juillet et aux alentours du 15 août, non retrouvés dans l’analyse régionale. Les autres départements ne présentent pas de tendance significativement contraire à la saisonnalité régionale (résultats non présentés).

Discussion

Cette étude a permis de caractériser la fréquence des IEA issues des services d’urgence de Nouvelle-Aquitaine.

Près de 1% des PU sont en lien avec une IEA. Ce résultat est en accord avec les données de la littérature exploitant le même système de surveillance syndromique 10 et avec les études utilisant une méthodologie impliquant le traitement des résumés de passages aux urgences 12.

La prédominance masculine des PU pour IEA que l’on retrouve dans les résultats est conforme aux données de la littérature.

L’âge médian était de 42,9 ans chez les hommes et de 44,1 ans chez les femmes. Cette différence entre les deux sexes était déjà observée en France dans une étude précédente, mais les âges médians sont plus élevés dans notre étude. Cela peut s’expliquer par une différence à la fois de la population étudiée et de la période d’étude.

Le diagnostic d’IEA figure parfois en diagnostic associé. La présence de divers autres diagnostics principaux met en évidence l’association de l’IEA avec d’autres co-morbidités et suggère une morbidité importante de l’IEA. Par exemple, un état d’IEA est retrouvé fréquemment dans plusieurs autres pathologies : traumatismes (5 à 50%), pathologies médicales (4 à 7%), affections psychiatriques (30%), tentatives de suicide (50 à 75%) et violences (15à25%). C’est notamment le cas pour les patients qui consultent fréquemment aux urgences pour IEA, qui présentent plus fréquemment des co-morbidités comme des pathologies du foie, une insuffisance rénale chronique, une pathologie vasculaire ischémique, des co-morbidités psychiatriques (démence, schizophrénie, trouble bipolaire), un antécédent de traumatisme crânien ou une broncho-pneumopathie chronique obstructive par rapport aux autres patients passant aux urgences.

Les pics d’activité retrouvés le 1er janvier et le 22 juin correspondent respectivement au jour de l’An et au lendemain de la Fête de la musique. Le pic mensuel le1er jour du mois peut être en partie expliqué par l’effet événementiel du 1er janvier (jour de l’An) qui est le jour de l’année où le nombre de PU pour IEA est le plus élevé. De plus, le 1er jour du mois est fréquemment un jour férié (la Toussaint a lieu le 1er novembre, la fête du Travail est le 1er mai, et le 1er juin 2020 était le lundi de Pentecôte), ce qui est en accord avec l’effet jour férié décrit dans la littérature.

Les données 2020 et 2021 fortement impactées par la crise sanitaire et les confinements, entraînent un retentissement non négligeable sur le recours aux urgences pour IEA. Eneffet, sur toute la période d’étude, nous constatons une diminution des PU pour IEA (y compris toutes causes confondues), en plus d’une population de patients plus âgés et d’une diminution du sex-ratio H/F. Les femmes de moins de 25 ans sont de plus en plus concernées par les IEA. En effet, dans notre étude, en 2020 et en 2021, plus d’1/3 des personnes âgées de moins de 25 ans et concernées par un PU pour IEA était une femme (contre environ moins de 1 sur 3 les années précédentes), ce qui est en accord avec la littérature internationale. À ce jour, il est difficile de conclure si ce changement des caractéristiques des patients est temporaire, ou si des modifications pérennes du mode de vie n’auraient pas également contribué aux résultats que nous observons. La littérature internationale présente deux scénarii de modification de la consommation d’alcool, avec une diminution à court terme, puis une augmentation de la consommation sur le long terme, particulièrement chez les hommes. Ces modifications de la consommation éthylique pourront probablement être constatées sur les données des années postérieures à notre étude. Une méta-analyse européenne récente objective en moyenne une diminution de la consommation d’alcool lors de la pandémie plus importante que l’augmentation decelle-ci.

Nous retrouvons un certain nombre de PU pour IEA chez les moins de 15 ans. Cependant l’intentionnalité n’est pas évidente en l’absence du détail du résumé de passage aux urgences. De plus, le code diagnostique d’intoxication accidentelle est parfois précisé dans les diagnostics associés chez les moins de 15 ans, ce qui peut expliquer la présence de sujets de cette classe d’âge dans nos résultats. Une étude réalisée aux Pays-Bas suggère qu’un 1er contact précoce de l’enfant avec l’alcool ouvre un risque plus élevé de présenter une IEA chez l’adolescent.

Les deux pics estivaux retrouvés dans le département des Landes concordent avec les fêtes de la Madeleine à Mont-de-Marsan autour du 22 juillet, et les fêtes de Dax à la mi-août. Cependant, dans le département des Pyrénées-Atlantiques, lors des fêtes de Bayonne classiquement sur la période du 24 au 31 juillet, aucun pic de PU pour IEA n’a été observé. Pourtant, cet événement est l’un des plus grands rassemblements d’Europe. Néanmoins, une organisation médicale spécifique est mise en œuvre lors de cet événement (médicalisation des postes de secours préexistants, poste médical avancé, mise en place d’un poste de secours intra-hospitalier) pouvant expliquer la prise en charge en amont des urgences. Étant donné la consommation festive intense lors de cette circonstance, il paraît également vraisemblable que d’autres structures participent à la prise en charge de ces patients en renfort durant cette période (bénévoles de la Protection civile et dela Croix-Rouge, entre autres).

Conclusion

Les intoxications éthyliques aiguës constituent un problème de santé publique avéré car elles concernent tous les âges et représentent une part considérable (environ 1%, soit 13 054  passages par an environ) de tous les recours aux services d’urgence. Cette étude a permis d’identifier des périodes de forte affluence du recours aux urgences pour IEA àl’échelle de la région. Des dispositifs de désengorgement des services d’urgence lors de certaines Fêtes locales (fêtes de Bayonne dans le département des Pyrénées-Atlantiques) permettent de mieux gérer ces périodes de forte affluence. Mener des actions de prévention ciblées sur l’alcool le jour de l’An et le jour de la Fête de la musique semble être pertinent. Cette étude nous permet de mieux appréhender l’évolution des caractéristiques de la population de patients passant aux urgences pour IEA dans la région et met en évidence l’intérêt des données de surveillance syndromique.

Citer cet article

Loffler A, Vilain P, Meurice L, Marjanovic N, Ely O, Filleul L. Épidémiologie descriptive des passages aux urgences pour intoxication éthylique aiguë en région Nouvelle-Aquitaine entre2016 et 2021. Bull Épidémiol Hebd. 2022;(17):290-8. 

http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2022/17/2022_17_1.

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