Nous vous proposons aujourd’hui des extraits (résumé = introduction, méthode, résultats et conclusion) d’une note publiée le 11 octobre 2022 par le Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire n°19-20 (cliquer ici pour accéder au site du BEH)
http://beh.sante
publiquefrance.fr/beh/2022/19-20/2022_19-20_5.html
Bénéfices attendus de la mise en œuvre d’une zone à faibles émissions mobilité sur la santé des enfants : cas de l’agglomération parisienne
Sabine Host1 (sabine.host@institutparisregion.fr), Adrien Saunal1, Fabrice Joly2
1 Observatoire régional de santé d’Île-de-France, Paris
2 Airparif, Paris
Résumé
Introduction –
La mise en œuvre de zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m), dispositifs emblématiques de la lutte contre la pollution atmosphérique, se heurte parfois à un manque d’acceptabilité sociale. Afin d’accompagner le dimensionnement de ces zones, l’Observatoire régional de santé (ORS) d’Île-de-France a développé, avec Airparif et Santé publique France, une approche innovante d’évaluation prospective de leurs bénéfices sanitaires. Une illustration des bénéfices attendus en matière de survenue de pathologies chez l’enfant (asthme et faible poids de naissance) est présentée dans cet article.
Méthode –
Cette évaluation prospective repose sur des méthodes d’évaluation quantitative d’impact sanitaire (EQIS). Elle s’appuie sur des relations concentration-risque mises en regard de la fréquence des effets sanitaires étudiés et d’un différentiel d’exposition. Ce dernier a été estimé par le croisement de données de population géo-référencées au bâtiment avec les baisses de concentration en dioxyde d’azote (NO2) modélisées par Airparif à une résolution fine. Le nombre attendu de nouveaux cas de pathologies évitables chez l’enfant du fait de ces baisses a été évalué au sein d’une zone d’étude délimitée par le contour de la Francilienne, pour 4 scénarios de mise en œuvre d’une ZFE-m (deux périmètres et deux niveaux de restriction étudiés).
Résultats –
Cette évaluation indique que la mise en œuvre du dispositif engendrerait des bénéfices sanitaires, quel que soit le scénario considéré, et que le paramètre « périmètre » est au moins aussi déterminant que le paramètre « niveau de restriction ». Ainsi, entre 50 et 170 naissances de faibles poids et entre 830 et 2 930 cas d’asthme annuels ou encore entre 190 et 700 recours aux urgences pour asthme pourraient être évités. Les résultats montrent aussi que les populations résidant au-delà du périmètre de restriction bénéficieraient aussi d’une amélioration de leur santé.
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Conclusion
L’exposition aux polluants de l’air, et en particulier à ceux liés au trafic routier, est responsable d’un large éventail d’effets sanitaires, en particulier dans la population sensible des enfants considérée dans cette étude. L’une des raisons de cette sensibilité tient d’une part, au fait qu’ils sont plus exposés. En effet, ils respirent plus rapidement que les adultes, ainsi la quantité d’air inhalé, donc de polluants, par unité de poids corporel est plus grande. L’autre raison tient à l’immaturité de leurs organes. Leurs poumons sont encore au stade du développement et la pollution de l’air peut perturber ce processus biologique. La pollution de l’air endommage les fonctions pulmonaires des enfants, même à des taux d’exposition faibles. Ainsi, il apparaît clairement qu’une exposition à la pollution de l’air ambiant augmente le risque d’asthme chez l’enfant et que l’inhalation de polluants aggrave l’asthme pendant l’enfance 9,10. De plus, ils ont une capacité plus faible de métabolisation, de détoxification et d’élimination des substances toxiques présentes dans l’air pollué. Leur cerveau se développe encore et les substances neurotoxiques présentes dans l’air pollué peuvent nuire à leur développement cognitif 11. Par ailleurs, les études montrent que lorsque les femmes enceintes sont exposées à un air pollué, elles risquent davantage d’accoucher prématurément, et de donner naissance à des nouveau-nés de faible poids 12,13. Un faible poids de naissance est associé à d’autres problèmes de santé dans l’enfance tels que retards moteurs ou intellectuels de développement.
Les pourcentages de réduction estimés dans cette étude montrent que la mise en œuvre d’une ZFE-m dans l’agglomération parisienne représente un levier d’action pour la prévention des pathologies de l’enfant, notamment pour le scénario le plus ambitieux. À titre de comparaison, une méta-analyse de neuf études a estimé que les politiques de lutte anti-tabac basées sur un ensemble de mesures telles que préconisées par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), avaient permis une baisse immédiate de 2,8% des naissances à terme de faible poids.
Cette évaluation n’illustre qu’une partie des bénéfices escomptés, mais permet d’objectiver l’impact attendu de la mise en œuvre du dispositif en matière de protection de la santé des enfants et vise à mieux informer les décideurs et les populations concernées. L’analyse conduite considère une mise en œuvre du dispositif idéale, l’impact réel de la mesure en matière de comportements étant difficile à prévoir. Il est attendu que le non-respect de la restriction, ne serait-ce que par une fraction de la population concernée, ou un décalage dans le temps de la mise en œuvre amoindrissent l’effet de la mesure. La mise en œuvre réelle du dispositif correspond actuellement au scénario ZFE-m au périmètre élargi et au niveau de restriction le plus faible (ZFE-mélargie1), avec une entrée en vigueur le 1er juin 2021, soit deux années plus tard que le scénario étudié. Par ailleurs, même s’il est prévu d’être renforcé (avec des niveaux de restrictions supplémentaires et la mise en œuvre effective de moyens de contrôle), ce dispositif ne peut constituer à lui seul une solution à l’enjeu de santé publique. La reconquête de la qualité de l’air doit s’inscrire dans le cadre de plans d’actions plus larges en matière de mobilités, mais aussi touchant d’autres secteurs (résidentiel/tertiaire, agricole, industriel...).