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Épidémiologie de l’hypertension artérielle en France (1/2) (29 05 2023)

Nous vous proposons sur 2 jours cette longue note publiée le 16 mai 2023 sur le site du ministère de la Santé (cliquer ici pour accéder au site du ministère de la Santé)

http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2023/8/2023_8_1.html.html

Épidémiologie de l’hypertension artérielle en France : prévalence élevée et manque de sensibilisation de la population

in Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire 16 mai 2023

Olié V, Grave C, Gabet A, Chatignoux É, Gautier A, Bonaldi C, et al. Épidémiologie de l’hypertension artérielle en France : prévalence élevée et manque de sensibilisation de la population. Bull Épidémiol Hebd.2023;(8):130-8. 

Résumé

Contexte –

L’hypertension artérielle (HTA) est la maladie chronique la plus fréquente en France et un facteur de risque important de maladies cardiovasculaire, rénale et de démence. À l’occasion de la journée mondiale de l’HTA du 17 mai 2023, cet article dresse un panorama des dernières données épidémiologiques françaises.

Méthode –

Les résultats compilés dans ce panorama sur l’HTA en France sont issus de plusieurs sources de données : deux enquêtes en population générale (Esteban 2014-2016 et le Baromètre de Santé publique France 2019), une enquête auprès d’un panel de médecins généralistes et le Système national des données de santé.

Résultats – 

En France, l’étude Esteban a mis en évidence que près de 30% des adultes étaient hypertendus, correspondant à près de 17 millions d’hypertendus. La connaissance, le traitement et le contrôle de l’HTA restent sous-optimaux en France et n’ont connu aucune amélioration récente, certains indicateurs ayant même subi une dégradation. Ainsi, près de 6 millions d’adultes sont hypertendus sans le savoir en France et plus de 4 millions d’hypertendus traités n’ont pas une pression artérielle contrôlée. Si plus d’1,6 million d’adultes initient chaque année un traitement antihypertenseur, la crise de la Covid-19 a eu un impact significatif avec une baisse de 11% de ces initiations en lien avec une diminution du recours aux soins.

Conclusion –

Des politiques de santé en faveur de la prévention primaire de l’HTA, de son dépistage, et de sa prise en charge doivent être mises en place rapidement pour permettre, comme dans d’autres pays, une évolution favorable des indicateurs sur l’HTA et ses complications cardiovasculaires.

Introduction

Considérée comme maladie ou comme simple facteur de risque, l’hypertension artérielle (HTA) reste, de loin, la maladie chronique la plus fréquente en France avec près d’un adulte hypertendu sur trois 1. Souvent qualifiée de tueuse silencieuse en raison del’absence fréquente de symptômes, l’HTA demeure l’une des principales causes de complications cardiovasculaires, rénales ou cognitives (accident vasculaire cérébral, infarctus du myocarde, insuffisance rénale, démence, etc.). Malgré une baisse de la mortalité cardiovasculaire depuis plusieurs dizaines d’années en France et un infléchissement de l’incidence des maladies coronariennes chez les personnes de plus de 65 ans, les maladies cardiovasculaires restent en tête du fardeau des maladies en France. Dans ces mêmes analyses du fardeau des maladies, l’HTA était le premier facteur de risque de mortalité devant le tabac et le deuxième facteur de risque d’années de vie perdues en bonne santé en 2019. Qu’elle passe par des mesures hygiéno-diététiques ou des traitements pharmacologiques ou interventionnels, les bénéfices de la prise en charge de l’HTA ont été très clairement démontrés. En effet, un contrôle de la pression artérielle (PA) permet d’abaisser la mortalité et les handicaps liés aux complications de l’HTA. Ainsi, un contrôle tensionnel permet non seulement d’allonger l’espérance de vie, mais également la qualité de vie des patients hypertendus.

Malgré les bénéfices démontrés de la prévention, du dépistage et de la prise en charge de l’HTA, plusieurs indicateurs comme la prévalence, le dépistage ou le contrôle n’ont pas connu d’amélioration depuis 2006, contrairement à de nombreux pays.

À l’occasion de la journée mondiale de l’HTA du 17mai 2023, cet article dresse un panorama des dernières données épidémiologiques françaises. Ce panorama compile des résultats récents, certains déjà publiés et d’autres originaux provenant de plusieurs enquêtes nationales représentatives de la population française. Il propose pour la première fois une estimation robuste du nombre d’hypertendus en France.

Résultats

Une estimation de la prévalence de la maladie complexe

L’estimation de la prévalence de l’HTA cache une réalité complexe. En effet, la non-prise en compte de la variabilité intra-individuelle de la pression artérielle (PA) dansles études épidémiologiques dans lesquelles celle-ci n’est mesurée qu’au cours d’une visite unique, conduit à une surestimation de la prévalence de l’hypertension artérielle. Dans la pratique clinique, plusieurs mesures sont réalisées des jours différents avec des automesures à domicile ou une mesure ambulatoire sur 24 heures pour confirmer le diagnostic. De plus, pour estimer la prévalence de l’HTA en France, il est nécessaire de disposer d’un échantillon qui soit représentatif de la population française.

L’étude Esteban, réalisée de 2014 à 2016 en France, répondait aux critères de représentativité et disposait d’une mesure standardisée de la PA pour l’identification des patients hypertendus. Cette étude transversale en population générale a mis en évidence une stabilité de la prévalence de l’HTA depuis l’ENNS 2006 (31%) avec presque 1 adulte sur 3 hypertendu.

Les résultats montrent une surestimation de la prévalence de l’HTA dans Esteban. Après correction, la prévalence de l’HTA en France passe de 31,3%[28,8-34,0] à 27,9% [25,5-30,5]. L’application de la prévalence corrigée (27,9% population) aux données de l’Insee de population permet d’estimer le nombre d’hypertendus en France à 12,7 millions d’adultes 18-74 ans. L’extrapolation de la prévalence de l’HTA chez les + 74 ans, en projetant la prévalence des 65-74 ans aux classes d’âge supérieures, estimait ce nombre à 17 millions chez les adultes + 18 ans.

La correction de la prévalence de l’HTA dans la population a un impact sur l’évaluation de la proportion de personnes ayant connaissance de leur HTA, étant traitées ou contrôlées. En effet, si la non-prise en compte de la variabilité intra-individuelle de la PA dans une étude a tendance à surestimer la prévalence, elle participe au contraire à la sous-estimation de la connaissance, du traitement et du contrôle en réduisant le dénominateur. Ainsi, après correction, 30% des hypertendus étaient contrôlés, contre seulement 24% avant prise en compte de la variabilité. Néanmoins, si ces chiffres reflètent probablement plus la réalité, ils ne sont pas comparables avec les autres études épidémiologiques françaises ou étrangères souffrant du même biais lié à la non-prise en compte de la variabilité et dont les résultats ne sont pas redressés.

Une prise en charge sous-optimale malgré un recours aux soins important

Le dépistage et la connaissance de la maladie, première étape de la prise en charge

Le dépistage précoce de l’HTA permet de limiter les complications. Il constitue le 1er maillon de la prise en charge. L’étude Esteban a mis en évidence qu’en France, malgré des mesures régulières de la PA, seul 1 hypertendu sur 2 avait connaissance de son hypertension. Aucune amélioration de la connaissance de l’HTA n’a été observée dans la population française depuis l’ENNS réalisée en 2006. Ce chiffre reste très en dessous du niveau de connaissance atteint dans les autres pays européens ou nord-américains. En Allemagne, au Canada, au Québec et aux États-Unis, plus de 80% des hypertendus avaient connaissance de leur hypertension. Au Portugal et en Angleterre, ce taux dépassait les 70%, et la moyenne dans les pays développés atteignait 67%. Compte tenu de la facilité de dépistage de l’HTA, du développement des appareils d’automesure à domicile et du niveau de recours aux soins en France, la stagnation du niveau de connaissance alors qu’il progresse dans de nombreux pays pose question.

Plusieurs hypothèses peuvent être avancées pour expliquer ce manque de connaissance, notamment un dépistage insuffisamment performant ou la difficulté de compréhension et d’acceptation du diagnostic par les patients lors de l’annonce de la maladie.

Dans l’étude Esteban, le manque de connaissance ne concernait pas seulement les hypertendus de bas grade (c’est-à-dire avec une PA inférieure à 160/100mm Hg) puisque respectivement 43% et 35% des adultes hypertendus de grade 2 et de grade 3 ne se savaient pas hypertendus.

Ce déficit de dépistage en France devrait interroger sur la nécessité d’une promotion de la mesure de la PA dans toute visite avec un professionnel de santé, sur l’importance de l’information et de l’éducation à la santé données au public et sur la nécessité d’un suivi tensionnel rapproché en cas de mesure élevée.

Un recours aux soins important

L’enquête Esteban a également mis en évidence que chez les adultes hypertendus ayant connaissance de leur maladie, 93% avaient au moins eu une consultation chez le MG dans l’année et 11,4% chez le cardiologue. En moyenne, les hypertendus avaient 10 consultations par an chez le généraliste. Néanmoins, le motif de la consultation n’étant pas connu dans cette étude, toutes n’avaient pas forcément pour motif l’HTA.

..../.... (suite demain)

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