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Épidémiologie de l’hypertension artérielle en France (2/2)

Nous vous proposons aujourd’hui la 2e partie de cette longue note publiée le 16 mai 2023 sur le site du ministère de la Santé (cliquer ici pour accéder au site du ministère de la Santé)

http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2023/8/2023_8_1.html.html

Épidémiologie de l’hypertension artérielle en France : prévalence élevée et manque de sensibilisation de la population

Olié V, Grave C, Gabet A, Chatignoux É, Gautier A, Bonaldi C, et al. Bull Épidémiol Hebd.2023;(8):130-8.  in Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire 16 mai 2023

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Un recours trop peu préconisé aux mesures hygiéno-diététiques

 

 

Chez les patients dépistés, les règles hygiéno-diététiques constituent le traitement de première ligne pour les hypertensions de grade I Dans le cas où un traitement pharmacologique est requis, les mesures hygiéno-diététiques constituent des compléments, compte tenu de leur efficacité démontrée dans l’aide au contrôle de la PA, mais également dans le contrôle des autres facteurs de risque cardiovasculaires comme le diabète, les dyslipidémies, la sédentarité ou l’obésité. Malgré le recours aux soins important chez les hypertendus en France, dans Esteban, 57% des patients hypertendus connus déclaraient ne pas avoir reçu de conseils hygiéno-diététiques au cours de l’année précédente. Dans une étude réalisée auprès des MG, moins de la moitié des médecins interrogés se sentait impliquée dans la prévention nutritionnelle de la surcharge pondérale, de la sédentarité et de la consommation d’alcool 17.

… et aux traitements pharmacologiques

En 2019, les données du SNDS montrent qu’un traitement antihypertenseur a été initié chez plus de 1600000adultes en France Pourtant, moins d’1 patient hypertendu sur 2 était traité pharmacologiquement, tauxtrès inférieur aux taux observés dans d’autres pays européens ou nord-américains. La proportion de femmes avec une HTA connue traitées par un médicament antihypertenseur a même diminué entre les études ENNS de 2006 et Esteban de 2015 alors que cette proportion est restée stable chez les hommes sur la même période. Si la situation au niveau national ne semble pas favorable, elle ne doit pas totalement éclipser des améliorations dans certains territoires comme en témoignent les résultats de certaines études infranationales.

Comme pour le dépistage, les patients non traités pharmacologiquement ne se limitaient pas à des patients avec un niveau de PA proche du seuil de l’HTA. En effet, en 2015, dans l’étude Esteban une proportion significative de patients non traités avait une hypertension de grade2 ou 3 (20%). Parmi les patients traités, moins d’1/2 était contrôlé, amenant la proportion d’hypertendus contrôlés à environ 1 sur 4.

Ce niveau de contrôle bas était lié à une inertie thérapeutique comme en témoigne la proportion importante de patients en monothérapie (60%). Si celle-ci est recommandée en première intention dans l’initiation du traitement pharmacologique, elle doit faire l’objet d’une réévaluation de la PA au bout d’un mois, avec comme recommandation de passer à une bithérapie fixe en cas de non-contrôle. De plus, parmi les adultes traités par monothérapie, près d’1 sur 5 recevait un bêta-bloquant alors que les recommandations françaises de la Haute Autorité de santé (HAS) et de la Société française d’hypertension artérielle (SFHTA) précisaient leur moindre efficacité par rapport aux 4 autres classes d’antihypertenseurs (inhibiteurs de l’enzyme de conversion, antagonistes de l’angiotensineII, inhibiteurs calciques et diurétiques) pour l’initiation d’un traitement en monothérapie. Des résultats similaires et complémentaires à ceux d’Esteban ont également été décrits dans les enquêtes Flash, réalisées régulièrement en France. Ces enquêtes ont également mis en évidence que les hypertendus avaient en moyenne 1,7médicament antihypertenseur sur leur ordonnance en 2017.

Enfin, l’observance aux traitements pharmacologiques restait faible dans l’étude Esteban, avec seulement 40% des hypertendus connus et traités qui pouvaient être considérés comme observant, c’est-à-dire qu’ils avaient au moins 80% des jours de l’année couverts par un traitement antihypertenseur. Cette observance basse aux traitements est à mettre en regard des résultats de l’enquête auprès des médecins généralistes. En effet, près de 30% des médecins généralistes rapportaient que les patients émettaient fréquemment des réserves importantes lors de la prescription de traitements pharmacologiques. Ces réserves avancées par les patients lors de la prescription étaient les mêmes que celles rapportées pour justifier de la prise irrégulière du traitement : ne se sent pas malade, n’a pas de symptômes et n’a pas envie de prendre un traitement à vie.

La SFHTA en 2013, et la HAS en 2016, recommandaient la mise en œuvre d’une consultation dédiée d’annonce du diagnostic et d’information du patient sur les risques liés à l’HTA, ainsi que sur les bénéfices et éventuels problèmes de tolérance des traitements antihypertenseurs. Compte tenu des réserves fréquemment rapportées par les patients lors de la prescription et de la mauvaise observance, cette consultation d’annonce apparaît être un élément important pour pallier la difficulté d’acceptation de la maladie et la lassitude face à la prise d’un traitement chronique. Le recours plus systématique à ce type de consultation pourrait permettre une amélioration de la prise en charge des patients hypertendus.

L’automesure tensionnelle

Point positif, environ 1 Français sur 5 disposait d’un appareil d’automesure tensionnelle à son domicile en 2015 selon l’étude Esteban. Cette proportion montait à 54% chez les hypertendus connus et 59% chez les hypertendus connus et traités. Dans le Baromètre de Santé publique France de 2019, plus de 60% des adultes avec une hypertension connue possédait un appareil d’automesure tensionnelle. En revanche, seul 1 hypertendu sur 2 possédant un appareil transmettait les résultats à son médecin traitant.

Quel impact de la crise sanitaire sur la prise en charge de l’hypertension ?

Une étude réalisée à partir du SNDS a mis en évidence qu’en 2020, l’initiation des traitements antihypertenseurs avait diminué de manière significative (-11%), comparativement à la période 2017-2019 18. Une observation similaire a été faite pour les autres traitements du risque vasculaire. La diminution des initiations de traitements antihypertenseurs était particulièrement importante chez les femmes (-16%), atteignant même plus de 30% de baisse chez celles âgées de 75 à 84 ans par rapport à la baisse observée chez les hommes (-5%). En 2021, contrairement à ce qui était observé chez les hommes, aucun rattrapage n’a été observé chez les femmes avec des niveaux d’initiation qui restaient inférieurs aux niveaux de 2019.

Une baisse des visites chez le MG et le cardiologue a été observée sur la même période et constitue l’hypothèse privilégiée pour expliquer cette diminution des dépistages et prise en charge de nouveaux patients. En effet, non seulement la diminution du recours aux soins a été plus marquée chez les femmes et les plus âgés, mais les femmes ont également plus téléconsulté que les hommes, limitant peut-être les dépistages opportunistes de l’HTA pendant la pandémie.

Ces résultats, qui montrent un recul du dépistage etde la prise en charge de l’HTA en France pendant la crise sanitaire, soulignent la nécessité de renforcer l’information du public concernant la prévention cardiovasculaire et l’importance de ne pas renoncer à recourir aux soins de ville, notamment pour les femmes

Quelles pistes d’amélioration ?

Les pistes d’amélioration de la situation dans le champ de l’HTA sont nombreuses. L’amélioration de la prescription et de l’adhésion aux mesures hygiéno-diététiques, de la prise en charge thérapeutique et de l’observance aux traitements, qui passent par l’éducation thérapeutique et la formation initiale et continue des médecins, sont autant de domaines dans lesquels la marge de progression reste importante. Le nombre d’heures d’enseignement sur l’HTA pendant le cursus de formation des médecins varie d’une université à l’autre, mais reste très anecdotique (moins de 2h dans certaines universités), compte tenu de la fréquence de cette maladie. Cependant, le maintien d’une promotion active des bons comportements de santé pour limiter le risque d’HTA et l’amélioration du dépistage, 1ère étape indispensable de la prise en charge, semblent prioritaires à mettre en œuvre en France.

Les Français acteurs de leur santé

La promotion des comportements sains pour la santé dès le plus jeune âge, notamment une alimentation équilibrée, riche en fruits et légumes avec une consommation de sel et d’alcool limitée, l’activité physique et la lutte contre la sédentarité doivent rester une priorité pour lutter contre l’HTA. Ces mesures ont prouvé leur efficacité et doivent rester au cœur des programmes de prévention chez les enfants et les adultes. Si certains déterminants sont bien identifiés par la population, d’autres comme l’alcool restent moins connus.

La mise en œuvre des campagnes de prévention permettant une amélioration de l’autonomisation du patient (prise de contrôle par le patient lui-même des prises de décision concernant sa santé, notamment cardiovasculaire) sont des pistes d’action pour infléchir la situation en France. La connaissance par les adultes des chiffres concernant leur santé cardiovasculaire, comme par exemple les chiffres de PA, mais aussi leur signification et lesvaleurs seuils, est l’une des conditions préalables à l’adoption de comportements plus sains. Si cette connaissance n’est pas suffisante pour initier un changement de comportement, elle reste l’une des premières étapes du cheminement pour y parvenir. S’assurer également qu’une personne comprend ses chiffres de PA et son risque cardiovasculaire peut lui permettre d’envisager des mesures pour les changer, mais aussi d’évaluer l’impact des changements de mode de vie mis en œuvre sur ses chiffres.

Conclusion

Avec 17 millions d’hypertendus en France, dont plus de 6 millions n’ayant pas connaissance de leur pathologie, et seulement 1 patient sur 4 ayant une PA contrôlée, l’HTA est un enjeu important de santé publique. Des politiques de santé en faveur de la prévention primaire de l’HTA, de son dépistage, et de sa prise en charge doivent être mises en place rapidement pour permettre, comme dans d’autres pays, une évolution favorable des indicateurs épidémiologiques de la maladie chronique la plus fréquente et de ses complications cardiovasculaires.

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