Nous vous proposons aujourd’hui la 2ème partie d’une (très longue) synthèse d’un rapport sénatorial publiée le 28 juin 2023 sur le site Vie-publique (cliquer ici pour accéder au site Vie-publique)
https://www.vie-publique.fr/rapport/290138-rapport-d-information-sur-la-procedure-parcoursup-bilan-cinq-ans.html
Cliquer ici pour accéder au texte pdf de la synthèse du rapport
https://www.senat.fr/rap/r22-793/r22-793-syn.pdf
L’ESSENTIEL DU RAPPORT D’INFORMATION SUR LA PROCÉDURE PARCOURSUP
... /... voici la suite et la fin de cette synthèse amorcée hier
SOMMAIRE
- AVANT-PROPOS
- I. UN CONSTAT GÉNÉRAL PARADOXAL : UNE PLATE-FORME QUI S'AMÉLIORE D'ANNÉE EN ANNÉE, MAIS QUI EST PERÇUE COMME DE PLUS EN PLUS ANXIOGÈNE PAR LES LYCÉENS ET LEURS PARENTS
- A. LES PRINCIPAUX PROGRÈS RÉALISÉS
- B. UNE PERCEPTION PAR LES USAGERS EN DÉCALAGE AVEC CETTE AMÉLIORATION GÉNÉRALE
- II. GAGNER LA CONFIANCE DES USAGERS : UN IMPÉRATIF QUI PASSE PAR LA POURSUITE DE L'AMÉLIORATION DE LA PROCÉDURE
- A. RENDRE L'INFORMATION PLUS INTELLIGIBLE ET ENCOURAGER SON HARMONISATION ENTRE LES FORMATIONS
- B. AVANCER LA DATE DE HIÉRARCHISATION DES VoeUX EN ATTENTE POUR ACCÉLÉRER LA PROCÉDURE
- C. APPROFONDIR LA TRANSPARENCE DES CRITÈRES D'EXAMEN DES VoeUX
- D. MIEUX PRENDRE EN COMPTE CERTAINES CATÉGORIES DE CANDIDATS
- III. METTRE À DISPOSITION DES LYCÉENS UN SERVICE PUBLIC AMBITIEUX DE L'ACCOMPAGNEMENT À L'ORIENTATION : LE PENDANT INDISPENSABLE À PARCOURSUP ET À LA RÉFORME DU LYCÉE
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- APPROFONDIR LA TRANSPARENCE DES CRITÈRES D’EXAMEN DES VŒUX
Le rapporteur salue les nouvelles modalités d’information sur les critères de classement dans les fiches des formations en 2023, en particulier l’introduction d’une pondération quantitative des cinq grandes familles de critères généraux d’examen des vœux (Résultats académiques ; compétences académiques ; acquis méthodologiques, savoir-faire, savoir-être ; motivation, connaissance de la formation et cohérence du projet ; engagements, activités et centres d’intérêt.) et d’une pondération qualitative des sous-critères utilisés au sein de chacune d’entre elles ("Essentiel", "très important", "important", "complémentaire"). Il note toutefois, après avoir auditionné les représentants de plusieurs catégories d’établissements d’enseignement supérieur (universités, lycées à classes préparatoires aux grandes écoles – CPGE –, écoles de commerce et d’ingénieur, Sciences Po Paris, institut de formation en soins infirmiers – Ifsi –...), que l’effort de transparence sur l’ensemble des pondérations que les commissions d’examen des vœux utilisent, avec ou sans traitement algorithmique, est très variable d’un établissement à l’autre.
Dans les universités, l’existence d’un algorithme de pré-classement, non rendu public, est quasi systématique au vu du nombre très important de candidatures. Dans les lycées à CPGE, le traitement humain est prépondérant, avec un spectre de critères plus large à mesure que la sélectivité de l’établissement augmente, et dont la pondération quantitative reste parfois vague. Les écoles d’ingénieur partenaires du groupe Institut national des sciences appliquées (Insa) ont, quant à elles, recours au même algorithme « maison » de pré-classement, pour lequel n’est indiquée que la pondération des trois grandes masses le composant (dossier scolaire, notes du baccalauréat, note de l’entretien). Sciences Po Paris, à l’inverse, ne fait intervenir aucune formule mathématique de pré-sélection.
Pour le rapporteur, l’enjeu n’est pas de quantifier et de rendre publique l’intégralité des éléments de notation utilisés par les commissions d’examen des vœux, approche excessive qui pourrait générer des effets pervers (course à l’évaluation quantitative au détriment de l’appréciation humaine, rigidification du système alors que des ajustements sont parfois nécessaires d’une année sur l’autre). Il estime cependant que la demande d’une plus grande transparence, largement exprimée par les usagers de Parcoursup, est légitime : la transparence est, en effet, la matrice de la confiance dans le dispositif, donc de sa réussite. Ne pas y répondre, c’est alimenter l’anxiété, créer de la frustration, nuire à l’efficience de l’orientation, pénaliser certaines catégories de jeunes.
Des améliorations complémentaires à celles déjà réalisées sont, selon lui, possibles. Par exemple, pourquoi ne pas publier le coefficient affecté à telle matière dans une formule de pré-classement ? Pourquoi ne pas préciser quantitativement, et plus seulement qualitativement, certains éléments composant les cinq grandes catégories de critères généraux d’examen des vœux lorsque cette quantification existe ?
Recommandation n° 4 Inciter les formations à davantage préciser quantitativement les critères définis et utilisés par leurs commissions d’examen des vœux, afin de permettre à Parcoursup de gagner en transparence et donc en légitimité aux yeux de ses usagers.
La prise en compte ou non du lycée d’origine dans les paramètres de classement continue de faire débat. Selon la Cour des comptes, jusqu’à 20 % des filières non-sélectives les plus en tension ont eu recours à ce paramètre en 2019. Cette pratique, jugée discriminatoire par le Défenseur des droits, ne fait à ce jour l’objet d’aucune régulation par le ministère. Or le critère de « réputation » d’un lycée ne permet pas de déduire de manière automatique le type de notation qu’il applique. En outre, ce paramètre, essentiellement subjectif, alimente le soupçon d’opacité des méthodes de classement. C’est pourquoi le rapporteur appelle le ministère à clarifier les pratiques en définissant un critère objectif de mesure des écarts de notation.
Recommandation n° 5 Substituer au critère du lycée d’origine un critère plus objectif, fondé sur l’écart de notation existant entre la moyenne du contrôle continu de terminale et les résultats au baccalauréat.
- MIEUX PRENDRE EN COMPTE CERTAINES CATÉGORIES DE CANDIDATS
- Les élèves boursiers
Afin de favoriser l’accès à l’enseignement supérieur des élèves des catégories sociales les moins favorisées, la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants (ORE) a instauré, dans le cadre de Parcoursup, des quotas de boursiers dans les formations non sélectives en tension (Quotas de boursiers dans Parcoursup : le plancher a été fixé à 5 % pour toutes les formations dont la part de lycéens boursiers parmi les candidats était inférieure à ce chiffre. Pour les autres formations, le taux minimum est égal à la part de candidats bénéficiaires d’une bourse nationale de lycée, chiffre auquel s’ajoute systématiquement deux points). Les études statistiques menées par la Cour des comptes montrent toutefois que ces quotas de boursiers ont globalement eu un faible impact sur l’accès aux filières en tension, qu’elles soient sélectives ou non. Ils n’ont en effet modifié que de façon modeste la part des boursiers admis dans ces formations par rapport à la situation qui aurait prévalu en l’absence de quotas. La seule filière pour laquelle les quotas de boursiers ont eu une incidence statistiquement significative est celle préparant au brevet de technicien supérieur (BTS), formation dans laquelle les boursiers sont déjà sur-représentés. Ces résultats sont confirmés par plusieurs travaux de recherche, qui ont été portés à la connaissance du rapporteur.
Pour améliorer la part des boursiers admis dans l’enseignement supérieur, plusieurs pistes d’évolution pourraient être envisagées : un changement de définition de la catégorie de boursiers en retenant celle en vigueur dans l’enseignement supérieur (ce qui permettrait de diversifier davantage les profils) (Jusqu’à présent, la définition retenue est celle des bénéficiaires d’une bourse nationale de lycée) , une refonte des modalités de fixation des quotas de boursiers (par exemple, en relevant le plancher défini pour certaines filières sélectives), un renforcement de la lutte contre l’autocensure…
Recommandation n° 6 Revoir les modalités d’accès facilité des boursiers à l’enseignement supérieur, afin de les rendre plus opérantes.
- Les candidats en reprise d’études
Le rapporteur a également été sensibilisé par le président du Comité éthique et scientifique de Parcoursup au cas particulier des étudiants dits « en reprise d’études »(Il n’existe pas de définition formelle de la catégorie des étudiants en reprise d’études. La notion de "reprise d’études" est toutefois associée à celle de formation tout au long de la vie. Sous le terme "candidats en reprises d’études", le service de statistiques et d’analyses (Sies) du ministère de l’enseignement supérieur retient la définition, très large, de candidats qui "n’étaient pas scolarisés l’année précédente") , dont il est insuffisamment tenu compte, la plate-forme ayant d’abord été conçue pour des candidats néo-bacheliers. Or cette population d’étudiants, qui reste mal identifiée, est de plus en plus nombreuse, sa part atteignant désormais 10 % des inscrits. L’une des raisons à cette augmentation est l’intégration des Ifsi à la plate-forme en 2019.
Comme le note le comité dans son dernier rapport, les candidats en reprise d’études, contrairement aux néo-bacheliers voire aux candidats en réorientation, ne disposent pas, compte tenu de leur trajectoire particulière, du même "environnement de conseil et d’orientation organisé", ni de "toutes les informations collectées classiquement par la plateforme et attendus des formations".
Pour le rapporteur, ce constat est révélateur d’un modèle "linéaire" d’études supérieures à la française, qui a du mal à penser et à organiser les parcours discontinus, faits de réorientation, d’alternance entre périodes d’études et périodes d’expérience professionnelle.
Recommandation n° 7 Lancer une réflexion sur les moyens permettant d’adapter Parcoursup aux candidats en reprise d’études.
- METTRE À DISPOSITION DES LYCÉENS UN SERVICE PUBLIC AMBITIEUX DE L’ACCOMPAGNEMENT À L’ORIENTATION : LE PENDANT INDISPENSABLE À PARCOURSUP ET À LA RÉFORME DU LYCÉE
- UN ACCOMPAGNEMENT À L’ORIENTATION DES LYCÉENS INÉGALITAIRE ET HÉTÉROGÈNE
Des travaux de recherche sur Parcoursup et, plus globalement, sur l’orientation au lycée, qui ont été présentés au rapporteur en audition, il ressort clairement que tous les élèves ne disposent pas du même capital de conseil et d’accompagnement. Le poids du milieu socio-culturel familial sur les aspirations d’études et sur l’accompagnement à la construction du projet d’orientation est très important. Plus la catégorie socio-professionnelle des parents (CSP) est élevée, plus leur mobilisation pour aider l’enfant dans son choix d’orientation augmente. Une étude révèle ainsi que dans les familles appartenant aux CSP+, 80 % des élèves font appel à leurs proches pour les conseiller dans la maturation de leur projet d’études.
À ces inégalités sociales familiales viennent s’ajouter des inégalités dans la qualité et l’intensité du service d’accompagnement à l’orientation mis en place par les lycées. Les recherches menées sur le sujet montrent que les pratiques de suivi des élèves pour leur orientation sont en effet très hétérogènes d’un établissement à l’autre. Alors que certains sont particulièrement impliqués, d’autres renvoient davantage cette question aux familles. Cette hétérogénéité des politiques d’accompagnement à l’orientation s’exprime à trois niveaux :
- au niveau de la précocité du service délivré : certains établissements, notamment ceux situés dans un environnement social favorisé, mettent en place un accompagnement à l’orientation dès la dernière année de collège ou dès la seconde, alors que d’autres, généralement moins favorisés socialement, attendent l’année de première voire de terminale ;
- au niveau de l’intensité de l’accompagnement : c’est également dans les établissements les plus favorisés que le suivi des élèves apparaît beaucoup plus serré et régulier que dans les établissements qui le sont moins ;
- au niveau de sa qualité : dans les lycées favorisés, le service d’accompagnement est aussi plus individualisé, alors qu’il repose davantage sur des pratiques collectives dans les lycées moins favorisés.
Les raisons à cette hétérogénéité sont multiples : caractéristiques de l’ancrage social et territorial de l’établissement, degré d’implication plus ou moins grand des enseignants, notamment des professeurs principaux (facteur dépendant lui-même des incitations dont ces derniers peuvent bénéficier), effectifs plus ou moins importants des autres professionnels scolaires (conseillers d’orientation, psychologues scolaires, conseillers principaux d’éducation)…
Le rapporteur alerte sur le fait que les lacunes et l’hétérogénéité du service public de l’accompagnement à l’orientation au lycée alimentent l’essor d’un marché privé. Même si celui-ci est, à ce jour, difficilement quantifiable, plusieurs études font état de signaux très dynamiques comme l’augmentation du nombre de structures privées proposant des services de coaching scolaire ou la présence de plus en plus importante de ces entreprises dans les salons d’orientation. Or le développement de ce secteur privé de l’accompagnement à l’orientation contribue à aggraver les inégalités sociales entre lycéens, puisqu’y ont majoritairement recours ceux issus de milieux favorisés, compte tenu des tarifs pratiqués.
- DES INÉGALITÉS DANS L’ACCOMPAGNEMENT À L’ORIENTATION QUI S’EXPRIMENT PLUS FORTEMENT AVEC PARCOURSUP ET LA RÉFORME DU LYCÉE
Ces inégalités ne sont certes pas nouvelles, mais elles apparaissent plus distinctement depuis la mise en place de Parcoursup. L’usage de la plate-forme nécessite en effet de comprendre et de savoir traiter la quantité d’informations disponibles, de saisir les subtilités des différents critères d’examen des candidatures, d’être en capacité de rédiger des lettres de motivation, de faire des choix stratégiques au moment de l’expression des vœux, autant d’aspects que le lycéen, seul, ne peut pas entièrement maîtriser. Parcoursup rend donc encore plus nécessaires le conseil et l’accompagnement à l’orientation.
Cette nécessité ne s’exprime pas que pour le choix des études supérieures, mais aussi pour le déroulement de la scolarité au lycée. La réforme du baccalauréat et du lycée, avec notamment la nouvelle organisation des enseignements de spécialité, ont rendu les choix d’orientation plus précoces – la détermination des spécialités s’effectuant dès la classe de seconde – et plus décisifs – les spécialités suivies en première et en terminale conditionnant largement l’orientation post-baccalauréat.
- L’URGENCE À OFFRIR UN MEILLEUR SERVICE PUBLIC D’ACCOMPAGNEMENT À L’ORIENTATION AU LYCÉE
Au regard de ces constats, le rapporteur estime urgent que l’État revoie les modalités et les moyens du service public d’accompagnement à l’orientation au lycée, condition sine qua non à une mise en œuvre plus cohérente de la réforme du lycée et du baccalauréat, à une réduction des inégalités entre lycéens dans l’accès à un accompagnement de qualité, et à une meilleure efficience du continuum bac -3/bac +3, à laquelle appelle régulièrement la commission dans le cadre de ses travaux.
Recommandation n° 8 Assurer un service public d’accompagnement à l’orientation au lycée adapté à la nouvelle organisation et à la maîtrise de Parcoursup, afin de répondre à l’évolution des besoins des lycéens, réduire les inégalités dans l’accès à l’accompagnement et améliorer le continuum bac -3/bac +3 :
- Mieux former, outiller et doter les professeurs principaux pour accomplir leur mission d’orientation ;
- Sanctuariser les 54 heures annuelles dédiées à l’accompagnement à l’orientation au lycée ;
- Reconsidérer, au regard des besoins, les effectifs des autres professionnels intervenant dans l’orientation (conseillers d’orientation, psychologues de l’éducation nationale, personnels des centres d’information et d’orientation …) ;
- Revoir l’organisation et la gestion du service public de l’orientation, en retravaillant sa dimension territoriale – notamment le rôle des différents acteurs locaux (région, rectorat, lycées, établissements d’enseignement supérieur…) –, la plus à même de répondre au plus près des attentes et des besoins ;
- Mettre à profit la période de latence de trois mois entre les épreuves de spécialité du baccalauréat et les épreuves finales pour préparer les lycéens à leur arrivée dans l’enseignement supérieur.