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Numérique en Santé : apports possibles (1) (07 12 2023)

Nous vous proposons aujourd’hui une 1ère partie d’extraits d’un Rapport du Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) sur l’état de la France en 2023, qui concernent le numérique et la santé, rapport publié le 25 octobre 2023 sur le site Vie-publique (cliquer ici pour accéder au site Vie-publique)

https://www.vie-publique.fr/rapport/291725-inegalites-pouvoir-dachat-eco-anxiete-etat-de-la-france-2023-cese.html

 

Cliquer ici pour accéder au texte du rapport du CESE (voir extraits ci-dessous pp 59 à 65)

https://medias.vie-publique.fr/data_storage_s3/rapport/pdf/291725.pdf

 

 

FOCUS 2 - LE NUMÉRIQUE EN SANTÉ

 

Les difficultés auxquelles est confronté notre système de santé sont nombreuses– très fortes inégalités géographiques et sociales dans l’accès aux soins, crise de l’hôpital, tensions de recrutement des métiers du soin et de l’accompagnement, déserts médicaux, hausse des pathologies chroniques… Elles montrent un décalage toujours plus grand entre l’offre de soin existante et l’évolution des besoins, marquée en particulier par l’impératif d’une prise en charge sanitaire et sociale bien plus globale et mieux coordonnée.

 

Dans ce contexte, le numérique ouvre certainement des opportunités : il faut les prendre en compte.

 

Mais si les avis du CESE soulignent les apports du numérique, apports parfois déjà bien réels, ils formulent parallèlement un double constat :

Î le numérique doit être considéré comme un outil, au service d’objectifs préalablement identifiés, et non pas comme une finalité ;

Î il n’est jamais, à lui seul, une réponse suffisante.

 

Le développement du numérique en santé a connu des accélérations massives au cours de dernières années - en particulier depuis la crise sanitaire et le déploiement de la Stratégie nationale du numérique en santé -. Mais les interrogations face au numérique ou simplement les difficultés de son utilisation restent des limites importantes à son déploiement qui ne doivent pas être négligées.

 

La fracture numérique persiste et divise la société entre celles et ceux qui ont accès au numérique et les autres.

 

L’illectronisme (cette difficulté, pour des raisons diverses mais bien réelles, à accéder aux usages du numérique) a des effets excluants dont le défenseur des droits s’est récemment inquiété.

 

On le voit bien, l’apport du numérique n’a rien d’une évidence et le débat sur sa place en santé ne saurait en aucun cas se limiter à sa dimension technologique : il doit être un débat démocratique et social. Le CESE souhaite engager une réflexion plus approfondie sur l’apport des outils numériques au système de santé, les conditions d’acceptabilité du développement du numérique en santé : il y consacrera de prochains travaux.

 

La numérisation doit poursuivre un objectif prioritaire d’amélioration de l’accessibilité des services, d’inclusion de tous les publics, de transparence dans les données utilisées. Tout cela dans le respect d’un principe fondamental : l’humain doit rester au cœur du soin.

 

  1. Les avis du CESE identifient les apports possibles du numérique en santé

 

L’usage des nouvelles technologies de l’information et de la communication se destine, selon l’Agence du numérique en santé, à la création d’une « santé augmentée ».

 

L’objectif est, notamment, de faciliter l’accès aux soins, de libérer du temps pour les professionnels de santé, de mieux organiser les systèmes de soin, d’améliorer la recherche en santé, d’accroître la prévention. Il s’agit, aussi, de contribuer à rendre l’usager acteur de sa santé, à travers des outils de prévention, d’éducation thérapeutique, de gestion de ses données de santé.

 

Le numérique est un outil qui ouvre des opportunités considérables en matière de prévention, d’aide au diagnostic, de rapidité dans l’accès et de suivi des malades.

 

Le numérique comme outil de prévention

 

Le CESE a souvent déploré la place bien trop faible donnée à la prévention en santé. Il faut tirer les conséquences du lien étroit entre la santé de l’homme et le bon fonctionnement des écosystèmes et agir prioritairement sur les facteurs d’exposition, les conditions de vie, de logement, de travail. La prévention doit devenir une priorité interministérielle qui, dans sa conception même, tienne compte des déterminants économiques, sociaux et environnementaux de la santé. Les outils numériques ne sont pas, à eux seuls, une réponse à la hauteur du changement d’approche demandé par le CESE. Ils peuvent néanmoins, à condition qu’ils soient conçus de façon ascendante, en synergie avec des campagnes de prévention nationales et relayés par les acteurs et les actrices de terrain, jouer un rôle utile.

 

Leur avantage est en effet de dépasser des campagnes de prévention trop abstraites ou trop normatives, déconnectées des personnes : ils peuvent s’appuyer sur l’identification des attentes, des intérêts, des spécificités des publics ciblés, qu’ils peuvent ensuite accompagner, via une application numérique par exemple.

 

D’autres outils contribuent au dépistage de vulnérabilités. Dans le cadre de la prévention de la perte d’autonomie, par exemple, le CESE préconise la généralisation du programme de dépistage multidimensionnel dit « ICOPE » (pour « Integrated Care for Older People », soins Intégrés pour les personnes âgées) de l’OMS qui s’adresse aux personnes de plus de 60 ans. Il permet de suivre l’évolution des capacités physiques et mentales d’une personne : mobilité, mémoire, nutrition, état psychologique, vision, audition. L’objectif est de repérer les faiblesses de chaque capacité pour permettre une prise en charge rapide et éviter l’hospitalisation, grâce à des outils digitaux (ICOPE MONITOR et ICOPEBOT). Ce programme permet aux personnes, à partir de tests simples, d’évaluer leurs capacités.

 

La prévention est également assurée par l’amélioration du suivi et de l’accès aux soins. A titre d’exemple, la télésurveillance médicale, qui permet d’accompagner à distance les patients chroniques à risque d’hospitalisation ou de complication, a permis d’allonger de 7 mois en moyenne la durée de vie des patients atteints d’un cancer.

 

La prévention passe enfin par une meilleure connaissance et détection des facteurs de risques des maladies. L’intelligence artificielle - à des fins d’analyse d’images, de textes, de sons ou de vidéos, d’entraînement de modèles, d’analyse statistique, de résolutions de problèmes, de partage d’informations, d’automatisation d’usages - appliquée à des fins de recherche médicale, accélère la prévention.

 

La donnée est la matière première de cette intelligence augmentée, et les plateformes de données de santé sont des outils qui pourraient faciliter le partage des données, au service de la recherche et de la production de connaissances. A ce titre, la Plateforme des données de santé (PDS), ou « Health data hub » créée en 2019 est destinée à faciliter le partage des données de santé issues de sources très variées. Elle permet aux porteurs de projet (les agences de recherche en santé, par exemple) d’accéder à des données non nominatives par une plateforme sécurisée, dans le respect de la réglementation. Ils peuvent ainsi y croiser les données sanitaires et les analyser pour améliorer la qualité des soins et l’accompagnement des patients. D’autres plateformes coexistent. L’Union européenne travaille également à la création d’un Espace européen de données de santé, incontournable pour permettre à l’ensemble des États membres de disposer d’un cadre juridique et opérationnel unique pour l’échange de données de santé.

 

Toujours dans l’objectif d’alimenter la recherche et la connaissance des pathologies et des facteurs de risque, il est temps d’accélérer le croisement et le partage des données environnementales et de santé. L’interopérabilité des données environnementales - entre elles ainsi qu’avec les données de santé, à travers par exemple le projet de création d’un espace commun de partage des données (Green data for health) - doit répondre à ces enjeux. Il faut pour le CESE organiser la capitalisation des données recueillies localement, et en tirer les conséquences dans la définition, avec les personnes concernées, des politiques de prévention en santé-environnement.

 

Enfin, le recensement et l’analyses de données numériques relatives aux risques professionnels peuvent laisser espérer d’importantes marges de progression en termes de connaissances et d’exploitation de ces connaissances pour la prévention. Pour permettre aux préventeurs en santé au travail de concevoir des actions plus efficaces, le CESE recommande la création d’une base de données communes à partir des informations issues des documents uniques d’évaluation des risques professionnels (DUERP) et des données épidémiologiques collectées par les services de prévention en santé au travail.

 

Là encore, l’enjeu sera celui de l’interopérabilité des systèmes d’information qu’utilisent les acteurs de santé publique et de prévention primaire pour permettre un recueil et une exploitation plus systématique des données par la puissance publique.

 

Le numérique peut améliorer la pertinence des soins et la fluidité des parcours

 

L’un des axes de la Stratégie nationale pour le numérique en santé est l’organisation des soins, en particulier l’amélioration de la prise en charge des patients, en facilitant l’accès à la santé et l’orientation des patients.

 

Pour le CESE, il faut évoluer vers une approche globale et coordonnée de la santé. Le partage de l’information est la clé, pour associer le patient à son traitement, pour améliorer la coordination et la cohérence des différentes interventions médicales, pour construire un accompagnement global.

 

Certains outils permettent le partage des données de santé. Pour le CESE, ils doivent avoir pour objectifs d’améliorer la prise en charge des personnes et de faciliter le travail des professionnels.

 

La France dispose de plusieurs bases de données compilant un nombre considérable d’informations de santé et dont la sécurité est reconnue. La plus importante est celle de l’Assurance maladie (le SNIRAm, Système national d’information inter-régimes de l’Assurance maladie) qui collecte les informations sur les remboursements issus des différents régimes obligatoires. Cette base s’ajoute aux données du PMSI (Programme de médicalisation des systèmes d’information) qui comprend les données issues des hôpitaux et des autres établissements de santé.

 

Le CESE avait fait le constat, dans ses derniers avis, que des progrès devaient encore être réalisés afin d’avancer vers le partage de l’information, sur deux points plus particulièrement :

Î les systèmes d’information doivent être interopérables. Les applications fonctionnent encore trop en silo : les professionnels doivent utiliser de trop nombreux logiciels, parfois perdre un temps précieux à renseigner les données, à recopier les informations. L’interopérabilité des systèmes d’information en santé des professionnels et établissements de santé et la mise à disposition d’un équipement informatique suffisant doit permettre de faciliter l’organisation du parcours de soin du patient et désengorger l’hôpital.

Î l’accélération du déploiement du DMP (Dossier médical partagé), pour en faire, ”à travers une organisation simple et lisible, un instrument de la coordination médicale, médico-sociale et sociale”

 

Depuis janvier 2022, l’espace numérique de santé Mon espace santé a « remplacé » le Dossier médical partagé (DMP). Il permet le partage de données et des documents de santé avec les professionnels et établissements de santé de son choix, dans un carnet dématérialisé. Les professionnels et établissements, à condition d’y être autorisés par l’usager, peuvent consulter et déposer des documents. Cet espace comporte également une messagerie sécurisée pour les échanges entre patients et professionnels de santé ainsi qu’un catalogue de services et d›applications pour prendre des rendez-vous médicaux, mesurer sa tension ou se faire livrer des médicaments à domicile.

 

Toutefois, ce service numérique peine à rencontrer les usagers et les professionnels de santé.

 

Du côté des usagers, le manque d’information et le manque de bénéfices identifiés représentent les premiers freins à l’activation de Mon Espace Santé. Alors qu’il est ouvert automatiquement par l’assurance-maladie à chaque citoyen sauf opposition et permet aujourd’hui à 90 % des assurés d’avoir un profil, seulement 8,6 millions de personnes sur 65,7 millions (12,4 %) ont activé ce service un an après son lancement. Si l’ouverture de Mon Espace Santé est souvent réalisée lorsque l’usager consulte un médecin - ce qui peut expliquer la faible adoption à ce stade - la compréhensibilité de ce carnet de santé numérique, la lisibilité de sa structuration, la clarté des règles d’accès (qui a accès à quelles données et pour quelles fins ?) demeurent essentielles pour que le patient ou la patiente s’approprie cet outil et l’utilise comme l’un des moyens d’être acteur ou actrice de sa santé.

 

Par ailleurs, le patient a la possibilité de masquer dans son Espace Santé des données le concernant : la recherche d’un équilibre entre le partage des informations sur sa santé d’une part, et la protection de sa vie privée de l’autre est un impératif. Il est donc important que les soignants en aient conscience, et ne considèrent pas les données partagées comme une information exhaustive.

 

Il est important de rappeler que Mon Espace Santé reste un outil et seulement un outil et que l’adhésion qu’il suscitera dépend en grande partie de l’usage qu’en feront les citoyens et les professionnels de santé. Son efficacité dépendra également de la possibilité de le relier aux outils de suivi de la médecine du travail, de la médecine scolaire, de la médecine du sport pour une approche globale de la santé.

 

Le numérique peut faciliter l’accès aux soins

 

Le numérique peut, dans certaines conditions, contribuer à l’accès aux soins. Les rendez-vous médicaux peuvent être pris via des applications, la téléconsultation est une alternative lorsqu’il n’est pas nécessaire de se déplacer chez le médecin, un dispositif de télésurveillance peut permettre qu’une partie du suivi médical soit réalisé à distance : les innovations et les nouveaux services se multiplient.

 

La télémédecine, en particulier, apparaît comme un levier technologique et opérationnel pour améliorer le suivi des patients, notamment pour les personnes atteintes de maladies chroniques. Son intérêt s’est confirmé, alors que le confinement mettait en danger la continuité des soins. Avec la crise sanitaire, la téléconsultation a connu un développement considérable. La télémédecine peut permettre de répondre à des situations de tension démographique propres à certaines professions de santé, mais aussi de faciliter et d’accélérer la prise en charge. Son essor donne lieu à des coopérations multiples, notamment avec des collectivités territoriales et/ou avec des actrices/acteurs de l’économie sociale et solidaire.

 

Il faut néanmoins le souligner d’emblée : pour lutter contre les déserts médicaux, il faut actionner plusieurs leviers et le numérique n’est pas une solution « clé en main » à un problème trop longtemps resté sans réponse. La crise sanitaire due à la Covid19 et le confinement ont l’ont bien montré : le renforcement du recrutement des professionnelles et professionnels de santé, leur présence dans tous les territoires sont des priorités.

 

Par ailleurs, une étude montre une utilisation prédominante des téléconsultations par les publics jeunes, peu précaires, et urbains. Enfin, il faut veiller à l’accessibilité des services de téléconsultation et télésanté aux personnes en situation de handicap. Il reste donc beaucoup à faire pour des publics, qui sont souvent aussi les plus concernés par les besoins de santé.

 

Le numérique peut contribuer à améliorer l’efficience des soins

 

Le numérique augmente les capacités des chercheurs à comprendre une maladie, des chirurgiens à s’entraîner avant une intervention, des médecins à prescrire des traitements plus personnalisés… Il s’agit d’une aide pour augmenter le savoir-faire humain.

 

Au cours des dernières années se sont développées et normalisées de nouvelles pratiques : robotisation des actes chirurgicaux, création de jumeaux numériques. Cette dernière pratique peut permettre, par exemple, de préparer des actions chirurgicales et voir en simulation numérique ce que deviendrait l’organe numérisé après l’intervention en fonction du geste prévu par le chirurgien. Les avantages sont colossaux : anticipation de la prise en charge, diminution du risque de complications, réalisation d’une chirurgie moins invasive.

 

Les apports et les potentialités du numérique pour la santé sont majeurs. Renoncer à les exploiter ou ne pas tirer les enseignements que permettra le croisement des données populationnelles constitueraient en réalité une « perte de chance » pour les personnes. En raison de ce renoncement, en effet, certaines pathologies ne seraient pas repérées ni soignées. Pour autant, le CESE a plusieurs fois indiqué dans ses travaux que certains grands principes devaient guider l’action des pouvoirs publics sur le sujet. On le voit bien : ce sont les objectifs qui seront assignés au numérique, le cadre dans lequel il sera utilisé, qui constitueront les éléments les plus déterminants. Le sujet est loin de n’être que technique : il impose un débat démocratique et social.

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