La Cour des Comptes s'en prend aux "myopies coûteuses" de l'Etat
Article (AFP) lu sur le site du Monde le 9 février 2008-02-09
La Cour [des comptes] est têtue", a assuré Philippe Séguin, premier président de cette institution, en présentant son rapport public annuel, mercredi 6 février. Il a souligné que la Cour assurait un suivi de plus en plus large, depuis trois ans, des suites données à ses recommandations et entend, citant force exemples, "mettre un terme à une idée fausse qui voudrait que la Cour parle dans le vide".
Concernant l'Etat gestionnaire, si la réforme du service de la redevance "peut être considérée comme réussie", elle n'a pas permis de faire des économies de personnel et n'a pas répondu à la question du financement de l'audiovisuel public, souligne le rapport. A propos de la gestion des retraites des fonctionnaires, "le service est de qualité médiocre et faiblement productif", selon M. Séguin. Il épingle aussi la perpétuation d'une"curiosité administrative" remontant à 1771 : le corps des "conservateurs des hypothèques" rémunérés au prorata des transactions qu'ils enregistrent, et qui tirent ainsi grand profit de la forte hausse du marché immobilier. La "myopie coûteuse" de l'Etat dans la gestion de son patrimoine immobilier est également pointée.
AUTOROUTES : "SCHIZOPHRÉNIE" DE L'ÉTAT
"L'Etat actionnaire" est pour sa part "quelque peu schizophrène", pris qu'il est entre "gagner de l'argent ou peser sur l'évolution des entreprises". Ainsi, il lui arrive de "vendre mal ou de vendre des participations stratégiques", et sans suffisamment affecter ces recettes au désendettement de la France.
La privatisation des sociétés d'autoroutes (de 2002 à 2006) aurait pu rapporter plus à l'Etat, qui n'a de plus pas protégé les usagers contre des hausses tarifaires abusives, souligne la Cour. Enfin, la liquidation des "actifs compromis" hérités du Crédit lyonnais, du GAN ou du Crédit foncier de France aura coûté 20,7 milliards d'euros au contribuable plutôt qu'aux sociétés concernées.
Le rapport passe ensuite en revue les politiques publiques de l'Etat. Il conseille de clarifier le rôle du CNRS, de mieux soutenir les quatre universités des villes nouvelles en Ile-de-France, dont le succès a dépassé les espérances. Il pointe les faibles résultats du Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, recommandant plutôt d'agir en amont du recrutement. Concernant le rapprochement préconisé par la Cour de l'ANPE et de l'Unedic, les guichets uniques créés restent rares, les maisons de l'emploi ne remplissant pas ce rôle contrairement aux pronostics, déplore la Cour.
Campagne pour les municipales oblige, le rapport épargne cette année les communes coupables de mauvaise gestion. Il s'attache cependant à divers sujets d'importance financière limitée, mais jugés éclairants : la"dotation de continuité territoriale" par exemple, destinée à subventionner les billets d'avions entre la métropole et l'outre-mer, qui n'est en définitive financée que par l'Etat, et a engendré des "abus".
La politique d'aide au développement agricole est pour sa part jugée mal coordonnée.
En matière de défense, la France participe à sept corps européens "largement sous-utilisés". Touche à tout, l'institution se penche aussi sur la (mauvaise) gestion de l'hôpital pénitentiaire de Fresnes et des "risques" qu'y encourent les patients, notamment à cause de la pénurie de médecins.
Elle s'interroge encore sur la "pertinence" de l'engagement de l'Etat dans les Thermes nationaux d'Aix-les-Bains, qui comptent des dizaines de "physiothérapeutes d'Etat".
Au crédit de l'Etat, la Cour mentionne la "réussite" de l'Institut national de l'audiovisuel (INA).