Solaire photovoltaïque : nuages puis éclaircie
Si les marchés du photovoltaïque ralentissent en Allemagne et en Espagne, la France et les Etats-Unis devraient prendre le relais sur des projets dont la rentabilité est facile à établir. En France, le photovoltaïque fait feu de tout bois. La première centrale solaire française de 4,2 MW se construit à Vinon-sur-Verdon dans le Var. Un nouveau hangar de l'aéroport du Castelet va être doté de 5.500 m2 de panneaux solaires. De même que la toiture du nouveau lycée Gallieni à Toulouse ou les 1.700 m2 d'un bâtiment de la maison Paul-Jaboulet, propriétaire d'un des plus grands crus des côtes du Rhône. Et les annonces de ce genre se sont multipliées ces derniers mois, qu'il s'agisse de bâtiments ou d'équipements publics ou privés, témoignant de l'engouement de la France pour le photovoltaïque. Pourtant, au même moment, le premier producteur mondial de cellules solaires, l'allemand Q-Cells, révise à la baisse ses prévisions de chiffre d'affaires, de 1,35 à 1,225 milliard d'euros pour cette année. Et c'est pire pour 2009. Les prévisions initiales tablaient sur des ventes de 2,25 milliards d'euros. Elles sont désormais comprises entre 1,75 et 1,225 milliard d'euros...
Restructuration du secteur
En fait, ces différents éléments doivent être remis en perspective. Q-Cells qui tablait en effet sur une croissance du chiffre d'affaires supérieure à 65 % en 2009 persiste à miser sur une augmentation de ses ventes au second semestre 2009. Actuellement, il s'agit donc davantage d'un coup de froid conjoncturel que d'une véritable crise du photovoltaïque. A court terme, ce sont en effet les politiques volontaristes (prix de rachat du kilowattheure majoré par rapport au « tarif réseau », avantages fiscaux, subventions...) qui sont déterminantes pour la demande.
Le secteur a donc mal digéré la baisse de 9 à 11 % du prix de rachat du kilowattheure annoncée par l'Allemagne pour 2009 (contre une diminution moyenne de 5 % les années précédentes) et le plafonnement des volumes d'électricité photovoltaïque subventionnés, décidé par l'Espagne, un des marchés locomotives au plan mondial. A l'inverse, le prolongement de l'engagement de la France de racheter, jusqu'en 2011-2012, l'électricité issue du photovoltaïque à un tarif majoré de 32 centimes d'euro le kilowattheure, voire 57 centimes lorsqu'il y a intégration au bâti, est une bonne nouvelle. Et les intentions prêtées au prochain président des Etats-Unis de faire du « green business » une des chevilles ouvrières de son plan anticrise en est une autre, même si elle reste à concrétiser.
Il est, en revanche, vrai que le secteur ne va pas échapper à une restructuration. La persistance d'une forte pression de la demande, ces dernières années, a suscité une série d'investissements dans des capacités additionnelles qui entreront en production en 2009-2010. La surproduction était donc inévitable, même en l'absence de tout fléchissement de la demande. Ce qui va provoquer une baisse des prix des systèmes photovoltaïques - de l'ordre de 20 % selon les experts. Il faut donc s'attendre à une intégration des différents maillons de la filière, voire à la disparition d'un certain nombre d'acteurs.
Rentable sans aucune aide
« Mais cette surcapacité ne sera que temporaire, prédit Jean-Michel Barrouffe, chef du département énergies renouvelables à l'Ademe. Les demandes américaine et française vont prendre le relais pour tirer le marché. » Un avis partagé par Ignace de Prest, partenaire chez Schneider Electric Ventures. « Il va sans doute y avoir davantage de sélectivité dans le choix des projets financés mais, sur le fond, le solaire photovoltaïque reste un secteur où les incertitudes sur la rentabilité sont, en France, particulièrement faibles. »
Pour un projet donné, la plupart des variables sont connues au départ : l'ensoleillement est constant dans le temps, le prix d'achat du kilowattheure fixé pour vingt ans et la durée de vie des équipements photovoltaïques est bien maitrisée. « Il s'agit donc de projets particulièrement lisibles pour des financiers, souligne Ignace de Prest. En outre, les baisses de coûts attendues sur les modules devraient permettre de compenser les aléas des taux d'intérêt et maintenir une bonne attractivité des projets. »
Et à terme, l'électricité photovoltaïque sera rentable sans aucune aide. Wael Elamine, du Syndicat des énergies renouvelables où il est responsable de Soler, le groupement français des industriels du solaire photovoltaïque, donne même une date : « le prix du kilowattheure photovoltaïque rejoindra celui de l'électricité du réseau avant 2015 en Europe du Sud et avant 2020 en Europe du Nord grâce à la baisse du prix des équipements photovoltaïques ».
Cette baisse tendancielle résulte à la fois des évolutions technologiques et de l'élargissement de la taille du marché qui autorise les unités de production à plus grande échelle. « Il y a deux-trois ans, l'usine standard produisait de 50 à 100 MW par an, explique Jean-Michel Barrouffe. Aujourd'hui, les nouveaux investissements planifient 1.000 MW par an. Et en parallèle, des efforts pour réduire le coût sont consentis à toutes les étapes du process de production. »