Article de M. Frédéric Brillet, paru le 17 février 2009 sur le site des Echos (cliquer ici pour accéder au site des Echos)
http://www.lesechos.fr/management/actu/4831057.htm?xtor=EPR-1004
Tandis que les parlementaires débattent de la loi hôpital, santé, patients et territoires, qui promet de bouleverser l'hôpital, les établissements réfléchissent à moderniser leurs pratiques des ressources humaines, pour s'adapter.
A l'heure où le débat fait rage sur les bancs de l'Assemblée, à propos de la loi hôpital, santé, patients et territoires (HPST), le diagnostic est paradoxal. L'hôpital souffre simultanément d'un manque de moyens, comme l'affirment les syndicats, et de déficits d'organisation, comme l'estime le gouvernement. Notamment en matière de ressources humaines. « Les problèmes d'organisation ont longtemps été compensés par l'engagement des équipes pour faire survivre le système », raconte Jacques Fradin, directeur de l'Institut de médecine environnementale. Aujourd'hui, le système se fissure. Une charge de travail accrue liée à une pénurie de compétences, au vieillissement des malades et à une médecine de plus en plus sophistiquée ; un stress grandissant face à une pression juridique ou médiatique croissante ; des budgets qui se resserrent et une fatigue, à l'aube de 250.000 départs à la retraite... rongent les 876.000 agents de la fonction publique hospitalière. Et provoquent des dérives.
Ainsi, l'absentéisme demeure-t-il élevé atteignant, par exemple, 11 % dans les CHU de Strasbourg, Nice ou Caen en 2008, selon l'Igas (Inspection générale des affaires sociales). « Le vieillissement des personnels, qui effectuent des métiers éprouvant physiquement ou psychiquement le favorise », estime Dominique Valmary, vice-président de l'Association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier. De même, le personnel administratif semble démotivé. « L'absentéisme des personnels administratifs est supérieur, ici, à celui des soignants, pourtant soumis à des horaires moins confortables et à un stress plus élevé », s'étonne ainsi un cadre d'un hôpital francilien.
Appréhension grandissante
Autre chantier en déshérence, le management des agents les moins qualifiés. En témoigne un médecin passé par Saint-Louis à Paris : « Les internes étaient souvent obligés de transporter eux-mêmes les malades. Les brancardiers se disaient indisponibles, mais beaucoup avaient perdu toute motivation. » Comment rendre l'envie de s'impliquer à des agents qui assurent des tâches peu gratifiantes comme la toilette ou le transport des malades ? « Il faut redonner du sens à leur mission, leur proposer des évolutions professionnelles, des formations », suggère Gilles Verrier directeur général d'Identité RH. Car ces personnels se sentent peu valorisés. Et leur appréhension grandit. Selon Nadine Prigent, secrétaire générale de la CGT-santé, « la loi (...) n'aborde pas les questions de salaires, de conditions de travail et d'effectifs, qui inquiètent le plus les personnels à l'hôpital ».
Avec un déficit de 800 millions d'euros en 2008, les hôpitaux publics et privés à but non lucratif sont sommés de revenir à l'équilibre budgétaire. Des économies que les DRH sont en première ligne pour réaliser, dans un contexte où les dépenses de personnel représentent près de 70 % des budgets. Sur les traces d'autres administrations, nombre d'établissements externalisent des fonctions qui ne relèvent pas de leurs compétences, comme le jardinage. Tandis qu'ils accueillent de nouveaux métiers, comme celui de contrôleur de gestion. A charge pour les DRH d'accompagner ces mutations. « Nous disposons de fiches qui répertorient les compétences nécessaires à chaque poste. Cela aide à donner des évaluations plus objectives et réalistes, à identifier les besoins en formation », témoigne Aude Goldsztejn, DRH de l'hôpital Saint-Denis.
Le chantier est immense. Et inédit. Jusqu'à présent dotés d'une enveloppe budgétaire « fermée », les directeurs d'hôpital pouvaient difficilement procéder à des changements d'affectation de personnels. « Les moyens étaient inégalement répartis sur le territoire, commente Joseph Tedesco, directeur associé du cabinet BPI. Dans un même hôpital, certains services étaient sous-dotés, d'autres sur-dotés. » La récente tarification à l'activité a changé la donne. En outre, les directeurs d'hôpital disposaient de peu d'indicateurs pour mieux répartir les moyens. Au coeur de logiques administratives, politiques et médicales, ils manquaient aussi d'autorité pour changer des hôpitaux qui abritent jusqu'à 183 métiers.
Peu à peu, l'hôpital se dote d'une culture d'évaluation et de récompense de la performance. Mais les personnels et leurs syndicats sont inquiets et dénoncent une « logique comptable ». « Ce dont souffre l'hôpital, c'est bien d'un manque de personnels », affirme la CGT-santé qui chiffre à 100.000 le nombre d'emplois à créer en urgence.
« Les mutations sont toujours douloureuses, déclare Jacques Fradin. Il faut faire preuve de pédagogie. » Et surtout, estime Joseph Tedesco, expliquer « en quoi les réformes et les actions engagées localement concourent à l'amélioration de la qualité des soins ». Vaste programme...