Colloque Les Echos sur la dépendance : discours de Valérie Létard (14/05/09)
NDLR : nous vous proposons de prendre connaissance aujourd’hui de la suite et fin d’un texte long mais intéressant à plus d’un titre (thèmes dépendance, Alzheimer, 5e risque)
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Comme vous le voyez, l’année écoulée a été l’occasion de mettre en oeuvre tous ces chantiers. Elle a été aussi l’occasion de continuer à progresser sur la question de la prise en charge de la dépendance
Nous sommes conscients, avec Brice Hortefeux, que les défis auxquels nous avons à faire face sont d’une plus grande ampleur encore car ils s’inscrivent dans la durée. Ils concernent plusieurs dizaines voire centaines de milliers de personnes âgées qu’il s’agira de prendre en charge dans des conditions respectueuses de leurs droits, de leur dignité tout en s’attachant à maîtriser au mieux les aspects financiers et budgétaires. Il s’agira aussi de prévoir le recrutement, la formation de centaines de milliers d’emplois non délocalisables sachant qu’il en faut d’ores et déjà 400 000 d’ici 2015. Ce constat m’a d’ailleurs amené, vous le savez à présenter un plan des métiers il y a un peu plus d’un an. Un rapport récent de la Commission Européenne indique que la part des dépenses liées à la dépendance (1,4 % du PIB à ce jour) doublera d’ici 2060 en Europe. Ainsi, face au bouleversement démographique qui s’opère sous nos yeux, le besoin de mobiliser de nouveaux financements est indispensable.
C’est pour cette raison que le Président de la République s’est engagé dans son programme à mettre en place une couverture pour un cinquième risque.Il l’a confirmé, mardi dernier dans son discours de Nancy, je le cite :
« La question de la création d’un cinquième risque de sécurité sociale sera l’un des grands chantiers de l’année prochaine.
La question que nous poserons collectivement au pays (c’est) : ne faut-il pas créer un cinquième risque, le risque dépendance ? A partir de ce moment-là se pose la question des moyens, il en faut plus, donc la question du financement. Nous les évoquerons (ces questions) c’est vraiment le sujet de la prochaine année scolaire"
Les solutions ne sont donc pas arrêtées à ce stade, mais les termes du débat sont posés.
Il y a un an, Xavier Bertrand et moi-même avions présenté devant le Conseil de la CNSA un document dont les orientations ont été soumises à une première concertation fin 2008.
Première orientation, permettre à l’ensemble des personnes en situation de perte d’autonomie de rester à domicile chaque fois que cela est possible.
Je l’ai déjà indiqué, mais assurer le maintien à domicile, c’est notamment réunir les conditions pour que les aides publiques permettent de faire face aux besoins des personnes isolées sans aidant familial, ainsi qu’aux personnes les plus lourdement dépendantes et aux malades d’Alzheimer. Cela passera vraisemblablement par une amélioration des niveaux des plans d’aide pour ces bénéficiaires
Assurer le maintien à domicile, c’est également penser aux aidants familiaux. Dans le même esprit que le Plan Alzheimer, le Gouvernement souhaite multiplier les solutions dites « de répit » – accueils de jour, hébergement temporaire – pour soulager les personnes qui assument la lourde charge de soutenir leurs proches dépendants. Mais il ne suffit pas que ces formules existent, il faut encore qu’elles soient réellement accessibles pour les familles.
Deuxième orientation, augmenter le nombre de places en établissements médicalisés et alléger le reste à charge pour les familles.
Cela suppose de poursuivre les programmes de création de places en établissement en nombre suffisant ;
Cela passe aussi par une meilleure maîtrise, voire un allègement des tarifs hébergement et restauration qui restent majoritairement à la charge des familles afin que les structures soient plus facilement accessibles aux personnes aux revenus les plus modestes et aux classes moyennes ;
La troisième orientation concerne les moyens financiers.
Le cinquième risque doit permettre d’assurer le financement de la perte d’autonomie pour aujourd’hui et pour demain.
Nous sommes conscients du fait et nous souhaitons que le cinquième risque repose d’abord sur la solidarité nationale.
Mais, nous avons aussi le sentiment qu’il faudra peut-être mobiliser d’autres moyens de financement. A ce titre la question de contribution liée au patrimoine et celle d’un recours à la prévoyance collective et individuelle seront versées au débat qui va s’ouvrir. Je noterai à ce sujet que si une majorité de Français restent attachés à la couverture publique de la dépendance, la part de ceux qui pensent qu’elle doit être complétée par une assurance complémentaire augmente : elle est notamment plus élevée chez les 40 ans.
Il n’en demeure pas moins que nous sommes confrontés à une crise sans précédent depuis 1929. Force est de reconnaître que les marges de manoeuvre budgétaire sont étroites. Il n’est donc pas anormal de s’interroger sur la manière dont on peut construire le cinquième risque dans ces conditions.
C’est dans ce contexte que Brice HORTEFEUX avec qui je travaille sur ce dossier crucial pour la population française, a adressé des propositions au Président de la République et au Premier ministre. En fonction de ce qui sera retenu, le débat auquel nous vous inviterons se tiendra donc prochainement.
Le calendrier n’est à ce stade pas précisé mais s’inscrira dans le cadre de la prochaine année scolaire comme l’a indiqué le Président.
Ce n’est pas tous les jours que l’on a à définir une politique publique destinée à produire des effets sur une si longue période. Disant cela, on en mesure mieux les enjeux, enjeux un peu analogue à ceux auxquels ont été confrontés les créateurs de notre sécurité sociale il y a plus de 60 ans.
J’estime pour ma part que c’est un véritable défi de civilisation qui s’offre à nous, un défi qui met en jeu notre capacité à savoir préserver les valeurs essentielles d’une société développée comme la nôtre, des valeurs comme celle de la solidarité. C’est pourquoi j’en mesure aussi la gravité et l’exigence de responsabilité qu’il nous revient d’assumer.
Je vous remercie