Les inégalités sociales de santé : sortir de la fatalité (début d’un article en 3 parties)
http://www.hcsp.fr/explore.cgi/avisrapports?ae=avisrapports&menu=09&clefr=113
http://www.hcsp.fr/docspdf/avisrapports/hcspr20091112_inegalites.pdf
Résumé :
Les inégalités sociales de santé (ISS) existent à un niveau élevé dans notre pays et ont tendance à s’accroître. Elles traversent l’ensemble de la population française selon un gradient continu, dans lequel la situation des populations en situation de précarité représente l’extrême. Elles témoignent du fait que si les politiques publiques de santé se sont traduites par une amélioration de l’état de santé moyen, parallèlement les écarts sociaux se sont creusés.
Certains pays européens ont déjà mis en oeuvre des politiques explicites pour réduire les ISS. L’enjeu actuel est la mise en oeuvre en France d’un plan de réduction de ces inégalités.
Dans ce rapport le Haut Conseil de la santé publique souligne le rôle majeur des déterminants socio-économiques, tout en rappelant les enjeux liés à l’impact des évolutions du système de soins sur les inégalités sociales de santé et formule une série de propositions en termes d’objectifs, de conditions à remplir pour suivre les évolutions et de mise en place d’interventions et de politiques publiques.
SOMMAIRE
MANDAT………………………………………………………………………………..5
COMPOSITION DU GROUPE DE TRAVAIL…………………………………….7
SYNTHESE………………………………………………………………………….9
Etat des lieux……………………………………………………………………………9
Recommandations………………………………………………………………..…..13
RAPPORT……………………..……………………………………………………..17
Préambule……………………………………………………………………………..17
1 – Introduction………………………………………………………………………..18
1.1 - Une dimension insuffisamment prise en compte dans la loi de 2004…19
1.2 - Inégalités sociales de santé : de quoi parle-t-on ?...........................20
1.3 - Quels déterminants à l’origine des inégalités sociales de santé ?...21
1.4 - Liens avec d’autres disparités…………………………………………22
2 – Pourquoi les inégalités sociales de santé sont-elles inacceptables ?...........23
2.1 - Un droit affirmé dans de nombreux textes fondateurs………………23
2.2 - Des principes à leur mise en oeuvre : théorie de la justice et responsabilité individuelle..24
2.3 - L’argument économique………………………………………………..26
2.4 - La persistance des inégalités sociales de santé témoigne de l’échec partiel des politiques de santé publique……………………………………………………..…29
3 – Ce que l’on sait des inégalités sociales de santé……………………………..30
3.1 - Des inégalités sociales de santé particulièrement importantes en France et qui s’accroissent…….30
3.2 - Des déterminants multiples, qui s’accumulent et qui s’enchaînent……35
3.3 - Des inégalités contextuelles et territoriales……………………………....43
4 - Le système d’information statistique français et les inégalités sociales de Santé……...49
4.1 - Disponibilité des données…………………………………………………49
4.2 - Les indicateurs……………………………………………………………..53
5 - Interventions et politiques publiques pour réduire les inégalités sociales de santé………58
5.1 - Bilan de l’expérience française…………………………………………...58
5.2 - Les expériences étrangères……………………………………………….61
6.- Propositions…………………………………………………………………...71
6.1 - Afficher clairement l’objectif de réduction des inégalités sociales…………………………….…….71
6.2 - Se donner les moyens de mesurer les évolutions……………………....73
6.3 - Mettre en place des interventions et des politiques publiques………...79
6.4 - Accroître certains efforts de recherche…………………………………...86
6.5 - Concrétiser la volonté de réduire les inégalités sociales de santé …………..90
7 – Conclusion………………………………………………………………..……94
Quelques références de sites Web…………………………………………………………………………….…….95
Annexe………………………………………………………………………………96
…/…
SYNTHESE
ETAT DES LIEUX
Des politiques de santé incomplètesDans les dernières décennies, la France s’est dotée d’un système de santé performant, auquel un système d’assurance maladie très complet permet l’accès universel.
L’objectif d’améliorer l’état de santé de la population dans son ensemble et de chacun en particulier, quelle que soit son origine ou son appartenance sociale, est largement partagé et par ailleurs inscrit dans les textes fondateurs de notre république.
Le premier de ces objectifs a été atteint : l’espérance de vie s’est constamment améliorée.
L’autre ne l’a pas été, puisque les progrès n’ont pas profité de la même manière à tous et que les inégalités sociales de santé ont eu tendance à se creuser.
Il est essentiel de s’interroger sur cet échec partiel des politiques de santé et de proposer des pistes de travail visant à atteindre ce deuxième objectif.
Les inégalités sociales de santé ne sont pas spécifiques à la France, même si elles sont particulièrement marquées dans notre pays. De nombreux pays ont déjà pris la mesure de ce problème et montré que ces inégalités ne constituaient pas une fatalité et qu’il était possible de les réduire.
La démarche du HCSP reflète une double préoccupation :
- élargir la problématique des inégalités sociales de santé au gradient qui traverse la société dans son ensemble, sans pour autant occulter l’importance des efforts spécifiques en direction des populations en situation de précarité, exclues ou marginalisées ;
- souligner le rôle majeur des déterminants socio-économiques sur la santé, tout en rappelant les enjeux liés à l’impact des évolutions du système de soins sur les inégalités sociales de santé.
La crise économique que traverse la France actuellement renforce la nécessité de réfléchir à la persistance des inégalités sociales de santé et de mettre en place des politiques publiques de santé permettant de préserver l’état de santé de l’ensemble de la population.
Inégalités sociales de santé : un gradient dans l’ensemble de la société
Les inégalités sociales de santé se traduisent par une différence d’espérance de vie à 35 ans, de sept ans entre les ouvriers et les cadres supérieurs, alors même que ces deux catégories bénéficient d’un emploi, d’un logement et d’une insertion sociale.
Elles sont observées selon divers indicateurs, individuels, tels que la catégorie sociale, le revenu, le niveau d’étude, ou collectifs tels que le niveau de pauvreté des quartiers de résidence. Les déterminants de ce gradient, relevés depuis les années 60, ne sont donc pas à chercher uniquement dans la pauvreté extrême.
Une vision dynamique des liens entre populations « insérées », en précarisation, en précarité et en exclusion, est ainsi nécessaire ; le risque de précarité n’est pas le même dans toutes les catégories sociales. A l’inverse, l’exclusion est réversible. Les inégalités sociales de santé n’opposent donc pas des populations vulnérables, exclues ou précaires à une population dont l’état de santé s’améliorerait de façon homogène, mais traversent l’ensemble de la population. C’est dans cette approche générale des inégalités sociales de santé que se situe ce rapport.
Les inégalités sociales de santé sont systématiques (les différences ne sont pas distribuées au hasard mais selon un schéma constant dans la population), socialement construites et donc injustes et modifiables. On jugera injustes les inégalités qui résultent de circonstances indépendantes de la responsabilité des personnes.
Inégalités sociales de santé : un niveau élevé qui s’accroît
Les inégalités sociales de mortalité sont plus importantes en France que dans d’autres pays d’Europe, particulièrement pour les hommes et elles ont eu tendance à s’accroître ces dernières années. Il s’y ajoute des inégalités dans la qualité de vie, conséquences de diverses incapacités. Il existe donc une « double injustice », portant sur la durée de vie, mais aussi sur les conditions de celle-ci. Les inégalités concernent la quasi-totalité des pathologies, des facteurs de risque et des états de santé. Au début des années 90, la part due au cancer dans les inégalités atteignait presque 40% chez les hommes âgés de 30 à 64 ans.
Les personnes en situation précaire cumulent les facteurs de risque et les maladies et présentent des pathologies à un stade plus avancé que les autres.
Des déterminants multiples, qui s’accumulent et qui s’enchaînent
La question des déterminants de santé a été longtemps uniquement orientée en France sur les soins individuels, dans le cadre de la relation entre le malade et le médecin. Le débat français a donc essentiellement porté sur l’accès aux soins, garanti par les systèmes de protection sociale et d’assurance maladie.
De nombreuses études ont mis en évidence d’autres déterminants, extérieurs au système de soins et de santé, définissant une approche intersectorielle de la santé, au-delà des seules conséquences du système de soins. Une grande attention est accordée dans ce rapport aux déterminants socio-économiques, dans la mesure où ils ont été peu pris en compte dans nos politiques sanitaires et qu’il s’agit d’un enjeu essentiel pour réduire les inégalités sociales de santé.