Les niveaux et pratiques des jeux de hasard et d’argent en 2010 : Premières données nationales issues du Baromètre santé 2010 de l’Inpes (Exploitation Inpes/OFDT)
Depuis plusieurs années, les pouvoirs publics français s’intéressent à la question des jeux de hasard et d’argent et aux problèmes potentiellement engendrés par cette activité. Afin de mesurer le phénomène, ils ont mandaté l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) afin de réaliser une première enquête nationale de prévalence. Celle-ci a été conduite par l'Inpes et l'OFDT dans le cadre du Baromètre santé 2010 de l’Institut, à travers un volet spécifique mené avant l’ouverture du marché des jeux en ligne.
Ces premiers résultats permettent de fournir des données sur le nombre de joueurs en France, de décrire le profil et les activités des joueurs les plus assidus et enfin d’estimer la population concernée par le jeu problématique.
Les questions sur le jeu au sein du Baromètre santé 2010 ont d’abord été posées aux 25 034 personnes de l’échantillon âgées de 18 à 75 ans, afin de déterminer le nombre de joueurs dans l’année. Dans un 2e temps, seuls les joueurs les plus actifs ont été interrogés, soit 2 762 personnes qui ont répondu à des questions relatives aux types de jeux pratiqués (jeux de tirage, de grattage, Rapido, PMU, paris sportifs, machines à sous, casino et poker) ainsi qu’au jeu sur Internet. L’outil de repérage du jeu problématique ICJE (Indice canadien du jeu excessif), déjà mis en œuvre dans plusieurs autres enquêtes internationales, a été utilisé afin de calculer, parmi les joueurs actifs, la proportion de joueurs à risque modéré et de joueurs excessifs.
Définitions
Joueur dans l’année : a joué au moins une fois au cours des 12 derniers mois
Joueur actif : a joué au moins 52 fois et/ou a misé au moins 500 € au cours des 12 derniers mois.
Joueur sans risque : joueur ne présentant aucun critère indiquant qu’il pourrait se trouver en difficulté par rapport à sa conduite de jeu.
Joueur à risque modéré : joueur répondant à des critères indiquant qu’il pourrait se trouver en difficulté par rapport à sa conduite de jeu.
Joueur excessif : joueur répondant à des critères indiquant qu’il est en grande difficulté par rapport à sa conduite de jeu.
Joueurs dans l’année et joueurs actifs : proportions et principales caractéristiques
Près d’une personne sur deux (47,8 %) âgée de 18 à 75 ans déclare avoir joué de l’argent au cours des douze derniers mois. Les joueurs les plus actifs représentent une personne sur 10 en population générale, soit un joueur sur cinq. Les hommes sont plus souvent concernés par le jeu : 51,3 % d’entre eux sont des joueurs dans l’année et 15,6 % des joueurs actifs alors que 44,4 % des femmes sont joueuses dans l’année et 8,8 % joueuses actives. Au total, six joueurs actifs sur 10 (62,7 %) sont des hommes. L’âge moyen des joueurs dans l’année est de 43 ans, celui des joueurs actifs de 47 ans. Les joueurs actifs sont dans l’ensemble moins diplômés que le reste de la population : plus de un sur cinq (21,6 %) n’a aucun diplôme contre 16,3 % des joueurs dans l’année et 76,2% pour l’ensemble de la population.
Les jeux les plus pratiqués par les joueurs actifs
Les jeux de tirage et de grattage, pour lesquels un apprentissage n’est pas ou peu nécessaire, sont les plus pratiqués par les joueurs actifs au cours de l’année : respectivement 75,0% et 62,2 % d’entre eux déclarent y avoir joué. Ces deux activités se situent loin devant le PMU qui se classe en 3ème position (23,2 %) ; viennent ensuite les machines à sous, le Rapido, les paris sportifs, le poker (8 %) et les jeux de table.
Concernant le jeu sur Internet, illégal à la date de l’enquête, un peu moins d’un joueur actif sur dix (9,1 %) déclarait s’y être adonné. Ces joueurs actifs en ligne au moment de l’enquête, âgés pour près de la moitié, de moins de 35 ans (45,1 %) étaient huit fois sur 10 des hommes (81,6 %).
Joueurs excessifs et à risque modéré : évaluation et profil
À partir des réponses des joueurs actifs aux neuf questions du test ICJE, il est possible de calculer le nombre de joueurs à risque modéré et de joueurs excessifs3 (formant ensemble le groupe des joueurs problématiques).
Au total, pour l’ensemble de la population française, on peut estimer que 0,9 % des individus (400 000 personnes) présentent un risque modéré et que 0,4 % sont des joueurs excessifs (200 000 personnes), soit 1,3 % de joueurs dits problématiques.
La différence par sexe s’accroît avec l’intensité du jeu : les joueurs excessifs sont encore plus souvent des hommes que les joueurs actifs (75,5 % vs 62,7%) ; ils sont également plus jeunes (41 vs 47 ans). La gamme de jeux qu’ils pratiquent est plus large que celle des joueurs actifs sans risque et ils jouent plus souvent sur Internet. Enfin, ils misent davantage : près de la moitié (47,0 % des joueurs excessifs) dépensent plus de 1 500 euros par an contre 7,1 % pour l’ensemble des joueurs actifs. Les joueurs excessifs se distinguent également par leur précarité financière et leur faible niveau d’études : 57,8 % déclarent un revenu mensuel inférieur à 1 100 euros (contre 34,7 % chez les joueurs actifs) ; et plus d’un joueur excessif sur trois ne possède aucun diplôme (36,3%).
Par ailleurs les résultats de l’enquête font apparaître un lien fort entre jeu problématique et consommations problématiques de produits psychoactifs. En effet, les consommations d’alcool, de tabac et de cannabis les plus à risque ou les plus intensives sont davantage retrouvées chez les joueurs excessifs que parmi l’ensemble des joueurs actifs ou en population générale. Ainsi, chez les joueurs excessifs : 26,3 % ont un risque de dépendance à l’alcool (contre 3,2 % en population générale). La part de fumeurs quotidiens est de 64,2 % parmi les joueurs excessifs, alors qu’elle est de 29,7 % en population générale. Enfin 6,1 % des joueurs excessifs déclarent avoir consommé du cannabis au cours du dernier mois (vs 4,4 %. en population générale).
Éléments de comparaisons internationales
La diversité des tests de repérage du jeu problématique utilisés selon les pays rend délicates les comparaisons internationales. Cette première enquête permet néanmoins de situer la France par rapport aux autres pays. Avec une prévalence totale de 1,3 % pour le jeu dit problématique, l’hexagone se classe à un niveau relativement bas par rapport aux autres pays ayant mené ce type d’enquête. Il se place loin derrière les Etats-Unis ou l’Australie (autour de 5 %) mais également en retrait par rapport à l’Italie, le Canada, la Belgique et la Grande Bretagne plutôt aux alentours de 2 %.
Pour en savoir plus
· Tendances 77 : Les niveaux et pratiques des jeux de hasard et d’argent en 2010 (pdf, 725 Ko)