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https://www.cor-retraites.fr/sites/default/files/2021-02/MODIF_Dossier_en_bref.pdf
CONSEIL D’ORIENTATION DES RETRAITES Séance plénière du 11 février 2021
« Inégalités et évolutions récentes de l’espérance de vie »
Pourquoi ce sujet ? L’espérance de vie est un élément important pour le débat sur les retraites, qu’il s’agisse de projeter les dépenses des régimes de retraite ou de comparer la durée de retraite des générations successives. Alors que l’INSEE s’apprête à réaliser de nouvelles projections démographiques, la poursuite de la progression de l’espérance de vie est questionnée par le ralentissement de son rythme de croissance depuis quelques années et la crise sanitaire actuelle. Par ailleurs, des études récentes apportent un éclairage nouveau sur les inégalités d’espérance de vie.
- Les inégalités d’espérance de vie selon le niveau social sont très significatives
- Quelle est l’importance des inégalités d’espérance de vie ? Une personne vit d’autant plus longtemps qu’elle appartient à une catégorie socioprofessionnelle élevée, qu’elle est diplômée ou qu’elle dispose d’un niveau de vie élevé, les écarts étant plus marqués parmi les hommes que parmi les femmes. Les écarts d’espérance de vie à 35 ans entre cadres et ouvriers s’élèvent à 6 ans pour les hommes, 3 ans pour les femmes. Les écarts entre diplômés du supérieur et non diplômés sont comparables : 7 ans ½ pour les hommes et 4 ans pour les femmes. Les écarts selon le niveau de vie entre les 5% les plus pauvres et les 5% les plus aisés apparaissent bien plus importants : 12 ans pour les hommes et 8 ans pour les femmes.
- Comment expliquer ces inégalités ? Les inégalités d’espérance de vie peuvent résulter de causes multiples : inégalités d’accès ou de recours aux soins, conditions de vie ; conditions de travail et risques professionnels ; comportements nuisant à la santé (tabac, alcool, etc.). Réciproquement, un faible niveau de vie peut également être la conséquence d’une mauvaise santé, freinant par exemple la poursuite d’études ou la recherche d’un emploi.
- Comment évoluent les inégalités d’espérance de vie ? En France, l’espérance de vie progresse parallèlement dans toutes les catégories depuis 1976. Ainsi, l’écart entre hommes cadres et ouvriers se maintient à 6 ans. Au contraire, les inégalités d’espérance de vie selon le niveau de vie ont augmenté aux États-Unis depuis 2001, car l’espérance de vie a progressé parmi les plus aisés, tandis qu’elle stagnait parmi les plus pauvres.
- L’espérance de vie progresse moins vite depuis quelques années
- L’espérance de vie progresse-t-elle encore ? Depuis plusieurs décennies, l’espérance de vie progresse régulièrement au fil du temps ou au fil des générations, et elle progressait toujours en France à la veille de la crise sanitaire de la Covid. Cependant, deux constats récents conduisent à un ralentissement de la progression de l’espérance de vie (ou de la baisse de la mortalité) :
- le premier est un effet de génération : les taux de mortalité aux différents âges (après l’âge de 15 ans) n’ont presque pas diminué entre la génération 1941 et la génération 1955. Ils ont ensuite repris leur baisse tendancielle au fil des générations ;
- le second est un effet de période : les taux de mortalité aux différents âges ont diminué moins vite entre 2013 et 2019 qu’au cours des décennies précédentes.
- Comment expliquer l’absence de progrès entre les générations 1941 et 1955 ? Ce constat n’est pas propre à la France : un phénomène analogue est observé dans de nombreux pays européens comme aux États-Unis. Il pourrait être le contrecoup de la forte baisse de la mortalité infantile dont ont bénéficié ces générations, grâce notamment à la généralisation des antibiotiques dans l’après-guerre : des individus plus fragiles auraient survécu aux maladies infectieuses de l’enfance. Les comportements de ces générations, en particulier la montée du tabagisme féminin, constitueraient une autre explication. Enfin, ces générations sont arrivées à l’âge adulte au moment où les accidents de la route, les suicides puis l’épidémie de Sida causaient beaucoup de décès parmi les jeunes hommes.
- Comment expliquer les progrès moins rapides entre 2013 et 2019 ? Ce ralentissement n’est pas non plus propre à la France : il est observé chez nos voisins européens (Italie, Espagne, Allemagne, Royaume-Uni) ; et aux États-Unis la crise des opiacés a même entrainé une diminution de l’espérance de vie. Le ralentissement en Europe s’explique sans doute par la fin de la baisse spectaculaire de la mortalité cardiovasculaire, qui avait permis des gains importants d’espérance de vie aux âges élevés au cours des dernières décennies. Il faudrait que la baisse de la mortalité par cancer prenne désormais le relais, mais elle est contrariée par la montée du tabagisme, notamment chez les femmes.
III. Avec la crise sanitaire, l’espérance de vie a baissé de 5 à 6 mois en 2020
- Quel a été l’impact de la crise sanitaire sur la mortalité en 2020 ? Les données de l’INSEE permettent de dresser un bilan provisoire sur l’ensemble de l’année 2020. À partir du 1 er mars 2020, l’INSEE a enregistré davantage de décès que pendant la même période de l’année en 2019. Cette surmortalité est concentrée aux âges élevés. Elle s’est traduite par une baisse de l’espérance de vie d’environ 5 mois pour les femmes et 6 mois pour les hommes en 2020. A contrario, la mortalité a légèrement diminué parmi les moins de 50 ans, notamment parmi les jeunes hommes, car il y a eu moins de morts accidentelles.
- Peut-on comparer avec des crises sanitaires antérieures ? Durant la canicule de 2003, on avait observé 15 000 décès supplémentaires, concentrés sur une courte période. L’épidémie de grippe de Hong-Kong avait provoqué en 1969-1970 près de 30 000 décès supplémentaires, sans gestes barrière ni mesures de confinement. Ces deux crises sanitaires avaient été suivies d’un rebond significatif de l’espérance de vie les années suivantes, car les personnes âgées ayant survécu à la crise étaient moins fragiles que celles ayant décédé. Un tel rebond ne serait pas à exclure après la fin de l’épidémie de coronavirus, mais il reste des incertitudes sur la durée de l’épidémie et sur la moins bonne prise en charge d’autres pathologies.
- La surmortalité a-t-elle été comparable à l’étranger ? Durant la 1ère vague, la surmortalité a été comparable en France à la moyenne européenne, tout en étant inférieure à celle de l’Espagne, de l’Italie et de la Belgique.